Occulté par les noms des grandes batailles de 14-18 telles que Verdun, la Champagne ou encore l’Artois, le Vieil-Armand ou Hartmannswillerkopf demeure largement méconnu, bien que l’intensité des combats qui s’y déroulèrent en font l’un des champs de bataille les plus meurtriers de la guerre, compte tenu de la petitesse du terrain. L’aspirant Martin, soldat ayant servi au Hartmannswillerkopf, écrivit notamment dans un témoignage : « Je n’ai jamais vu pareil charnier et durant les années suivantes je ne verrai pas, même à Verdun, pareil entassement de cadavres en un terrain aussi chaotique sur un si petit espace ».
Hartmannswillerkopf en 1914, une colline paisible
Le Vieil-Armand est juché sur les hauteurs de Cernay (68) et culmine à 956 m. Dernier contrefort des Vosges, il domine la plaine d'Alsace. Plusieurs explications sont possibles pour expliquer son nom. Tout d’abord, « Hartmannswillerkopf », du nom du village d’Hartmannswiller au pied de la colline. Il fut surnommé Vieil-Armand par les français pendant la Grande Guerre mais aussi « le mangeur d’hommes » (ou « la mangeuse d’hommes », désignant la colline), « la machine à casser du monde », le « mont de la mort » ou plus simplement le « HWK » ou « HK ». Autant de sobriquets emblématiques qui témoignent de l'acharnement des combats qui se sont déroulés sur cette colline ainsi que l’abnégation des soldats qui en furent les premiers acteurs, mais surtout les premières victimes.
Avant les combats, le HK est un sommet paisible, recouvert par une épaisse forêt quasi vierge, seuls quelques sentiers de chasseurs témoignent de la présence humaine. La colline se situe entre les vallées de la Thur et de la Lauch, entre les villes de Thann et de Guebwiller. Deux arêtes majeures descendent vers la plaine, du nord-est au sud-est, appelées « cuisses », gauche ou droite, par les soldats. Pour les Français, le HK constitue le meilleur observatoire possible avec une vue imprenable sur la plaine d’Alsace. Pour les Allemands, c’est le passage obligatoire par lequel ils espèrent reprendre la vallée de la Thur en passant par les crêtes des Vosges.
De plus, le site du HK entre dans les critères de la tactique française de la « manœuvre par les hauts » qui prévoit des offensives à outrance afin de maîtriser les sommets en vue de la domination de la plaine d’Alsace. C’est ce qui explique la faiblesse des aménagements français : légers et non faits pour durer. Aujourd’hui il ne reste rien ou presque des positions françaises vosgiennes. Les Allemands préfèrent s'installer en vue d'une guerre longue. Ils utilisent la tactique de l’économie de l’infanterie. C’est-à-dire que dès l’hiver 1914-1915 ils maçonnent, creusent des galeries, tendent des téléphériques, aménagent des routes, mettent en œuvre des unités spéciales de pionniers et de mineurs, installent l’eau courante, l’électricité et le téléphone.
Ainsi, ce minutieux travail de défense fait des champs de bataille vosgiens de formidables bastions défensifs, des forteresses quasi autonomes conçues pour une défense étagée de l’hinterland alsacien. L’économie est là, avec une minimum de troupes et un maximum de fortifications, ils fixent des forces ennemies importantes qui pourraient être utiles ailleurs. Le Linge et le Reichackerkopf sont dominés par les Allemands, contrairement au Hartmannswillerkopf ou l’Hilsenfirst qui sont dominés par les alpins.
Il convient de rappeler que l’Alsace est une prise de guerre depuis 1871 et appartient désormais au Reich allemand. Elle est considérée comme un glacis devant protéger l’empire contre une invasion française. Ainsi, la densité des troupes présentes sur place est quatre fois supérieure à la moyenne de toute l’Allemagne.Les Français, quant à eux, n’admirent jamais la perte de l’Alsace-Lorraine. Ils fortifièrent donc la frontière de l’est entre Belfort et Verdun, pour y concentrer l’essentiel de leurs forces en vue d’une prochaine revanche.
La Première Guerre mondiale fut voulue par tous et chacun avait des plans d’invasion dans ses « tiroirs ». Joffre par exemple, commandant en chef de l’armée française, prévoyait un plan d’offensive en direction de Saarbrücken pour percer en direction du centre de l’Allemagne. Le plan Schlieffen-Moltke, quant à lui, prévoyait de passer par la Belgique pour déborder l’armée française et l’anéantir.
En Alsace, il y a une centaine d’unités françaises essentiellement constituées de réservistes et de territoriaux (soldats âgés de plus de trente-quatre ans, ils sont affectés dans des secteurs tranquilles) contre deux cent allemandes. Le général Serret commande la 66ème division d’infanterie (dont fait partie le 152ème R.I. dont nous reparlerons plus tard) et fut remplacé par le général Nollet lorsqu'il fut tué en 1916. En face, les Allemands sont commandés par le général von Lochow.
Les offensives d'Alsace (1914)
Le général Bonneau, commandant du 7ème corps, se bat pour Mulhouse et Thann à partir du 7 août 1914. Les combats se déroulent dans le Haut-Rhin et principalement aux alentours de Mulhouse. Le front se stabilisa assez rapidement et Joffre créa l’Armée d’Alsace le 11 août et qu’il plaça sous les ordres du général Pau. L’offensive reprit et le 19 août au soir les Français entrèrent dans Mulhouse. Le 25, les troupes françaises évacuent Mulhouse ainsi que presque toute la Haute-Alsace.
Le 28, l’Armée d’Alsace est officiellement dissoute pour constituer le groupement des Vosges, la tactique change et on opère un déplacement du front de la plaine vers les massifs vosgiens.Les combats continuèrent ponctuellement dans les villages de la vallée de la Doller, comme ce fut le cas à Steinbach, théâtre de très violents combats, où l'on s'y battit maison par maison.
Hartmannswillerkopf, le mangeur d'hommes
Jusqu’à la fin de 1914 aucun des deux adversaires n’est intéressé par le Hartmannswillerkopf, la colline est ignorée et dépourvue de garnison. Le 22 décembre de la même année, une compagnie du 68ème B.C.A. envoie 28 hommes au sommet. Les Allemands montent un détachement de 43 hommes le 28 décembre. Les adversaires ignorent tout de leur présence réciproque, pourtant séparés par quelques centaines de mètres. Le 29 décembre, le Hartmann est occupé par les chasseurs alpins. Les hostilités débutèrent le 30 décembre après la mort du premier soldat du HK, l’Allemand Ott du 123ème L.I.R. lors d’une escarmouche en forêt. A partir de cette date, les combats ne sont engagés qu’entre patrouilles et il faudra attendre le début de la nouvelle année pour voir des offensives plus importantes et un revirement de stratégie de la part des hauts-commandements.
Ainsi, les combats du Hartmann se sont majoritairement déroulés en 1915. Les offensives et contre-offensives se succèdent par période et les véritables offensives planifiées eurent lieu en janvier, mars, avril, septembre et décembre.
Dès le 4 janvier, les Allemands firent monter des effectifs de plus en plus importants et attaquèrent incessamment pour déloger la poignée de chasseurs qui les contirent au sommet. Le 21 janvier les Allemands s’emparent du sommet après de violents combats. Le 26 mars, le sommet est emporté par le 152ème R.I., le 7ème et le 53ème B.C.A..
Le 25 avril, une contre-attaque allemande permet de réoccuper le sommet et le terrain perdu les mois précédents. Deux bataillons du 152ème furent anéantis. Cependant, une contre-attaque française permit de reprendre le sommet le lendemain à dix-huit heures mais il fut abandonné car jugé trop exposé. Le front se stabilisa alors et s'ensuivit une accalmie qui dura tout l'été, à peine troublée par quelques obus. Les Allemands en profitèrent pour effectuer d’importants travaux de fortifications et d’aménagement des tranchées.
A contrario, les Français font leurs travaux d’aménagement en fonction de la mauvaise géographie et avec les « moyens du bord ». Cependant ils sont ingénieux et en profitent pour creuser des sapes. Pour les contrer et enlever des tranchées menaçantes, les Allemands prévoient un assaut au lance-flammes pour le 9 septembre.
C’est autour de la première dizaine de septembre qu’apparurent au Vieil-Armand les nouvelles armes de la guerre, à savoir les lance-flammes et les obus à gaz.
En octobre 1915, après un match nul, Dubail (commandant de la 1ère armée française) prescrit à Joffre d’ « élargir la position toujours très précaire du Hartmannswillerkopf et de s’y asseoir solidement pour éviter définitivement les mouvements de flux et reflux. L’opération ne serait pas très coûteuse et favoriserait sensiblement le débouché dans la plaine d’Alsace. » Malheureusement, il se trompait lourdement.
Le drame du Vieil-Armand: l'attaque du 21 décembre 1915
L’attaque française du 21 décembre 1915 fut la plus importante de toute la guerre au Hartmannswillerkopf. Elle engagea seize bataillons et 239 pièces d’artillerie soit un canon pour 13 mètres de tranchée allemande ! Les canons tonnèrent cinq heures durant et envoyèrent plus de cinquante mille obus sur les positions adverses.
Toutes les communications allemandes furent détruites. Les Allemands engagèrent alors toutes leurs troupes disponibles dans la bataille et ne disposèrent plus d’aucun élément de réserve pour la suite. Ils furent vite débordés et leurs pertes furent considérables. Des milliers de cadavres des deux camps jonchent alors le champ de bataille, les Français font 1358 prisonniers de guerre dont 26 officiers.
Cependant, ce fut un assaut bien mené mais mal exploité et les Français sont victimes de leurs propres victoires, car les renforts ne sont pas envoyés à temps au 152ème R.I. pour tenir un front de plus de 5 km² après une percée de plus de 400 mètres en avant. Inconscients du fait capital qu’une dernière poussée encore réalisable achèverait de disloquer le dispositif ennemi et permettrait de pousser en direction de Wattwiller, les Français s’enterrent et s’organisent en vue du lendemain pour assurer les liaisons avec l’arrière, mais c’est déjà trop tard.
En effet, les Allemands se retranchèrent et contre-attaquèrent aussitôt car ils avaient décelé plus tôt les préparatifs de l’assaut grâce à un déserteur français qui a prévenu d’une attaque de grand style pour les jours à venir.
D’autre part, les Français, épuisés par les combats de la veille, étaient pris en tenaille entre les troupes terrées dans les souterrains creusés pendant l’été qu’ils submergèrent lors de l’assaut sans les explorer et les soldats fraîchement arrivés de Colmar et Mulhouse dès le lendemain (le 22 décembre). Les combats sont furieux, on se bat au corps à corps, mais les Français sont submergés et 152ème R.I. est anéanti.
Le 28 décembre 1915, un nouvel assaut français est ordonné. Ils effectuent une grosse percée mais le général Serret, commandant de la 66ème division d’infanterie tombe au combat (blessé, il succombera à l’hôpital de Moosch quelques jours plus tard) et est remplacé par le général Nollet.
Au 7 janvier 1916, le commandement français commence à réfléchir quant à la stratégie à adopter au Hartmann car les attaques sont coûteuses et inutiles et les ressources humaines ne sont pas inépuisables. De plus, depuis décembre, on réfléchit également à une offensive généralisée sur le front ouest, au nord de la France…
Le 9 janvier 1916, tout est consommé. Les gains prometteurs du 21 décembre 1915 sont annulés et les Français se retrouvent dans leurs positions de départ. Le général Dubail déclara alors à Joffre : « il importe, en conséquence, de clore au plus tôt les opérations de la région de l’Hartmannswillerkopf en effectuant les relèves indispensables au repos des troupes, mais en évitant avec soin de laisser s’engouffrer dans les Vosges de nouvelles divisions qu’il n’est que trop visible qu’on va vous demander ».
En somme, c’en est « fini » de l’Hartmannswillerkopf.
La montagne se calme, entrecoupée de coups de mains sanglants ou de duels d’artillerie et est sillonnée par des patrouilles incessantes, le sommet est partagé entre les adversaires se faisant face à une vingtaine de mètres parfois.
Repos au sommet ? Les grands travaux d'aménagement de l’été 1915
Comme nous l’avons vu précédemment, la période d’accalmie d’avril à septembre 1915 est mise à profit par les deux adversaires pour aménager les positions et fortifier le terrain acquis.
Les Allemands se retranchent durablement dans des positions fortifiées largement bétonnées et mettent en place des installations de « confort » les plus performantes. C’est ainsi qu’ils amènent l’eau et l’électricité en première ligne. L’électricité sert entre autre à alimenter les perforatrices électriques pour creuser le roc et la cuisse gauche est pratiquement fortifiée avec une attention spéciale au Bischofshut qui deviendra un bastion presque imprenable.
Ils montent des centaines de tonnes de ciment par le téléphérique et les hommes sont acheminés par un escalier de pierre de 560 marches depuis la vallée, appelé « Himmelsleiter » ou « échelle céleste »
Les Français quant à eux se retranchent dans la mesure du possible, malgré la mauvaise situation géographique. Ils construisent des abris avec les rondins des arbres déracinés et augmentent la taille des parapets avec des sacs de sable et des matériaux de récupération après les bombardements. Néanmoins, même si la majorité des travaux d’aménagement est moins aboutie que ceux des Allemands, ils ont aussi quelques positions solidement fortifiées et bétonnées, comme par exemple les roches Sermet et Mégard. Ils profitent également des ressources en hommes en en matériel de la place d’Epinal et des forts de Haute-Meurthe.
Le ravitaillement se faisait essentiellement par dos de mules et par attelages de bœufs même s’il est fait mention dans certains ouvrages de deux tracteurs réquisitionnés en Tunisie ! Le transport est par conséquent extrêmement lent et les quantités sont limitées mais les Français développent un important système de communication et leur système d’artillerie est complet. Des batteries sont installées au Molkenrain et au Grand Ballon pour bombarder le Hartmann.
1916-1918: la guerre des tranchées
Après le 10 janvier 1916, le Vieil-Armand devient un secteur calme où aucune action d’envergure ne sera entreprise jusqu’à la fin de la guerre, sauf quelques coups de main. La colline a déjà enlevé dix mille Français et douze mille Allemands sans qu’aucun des deux adversaires ne prenne un avantage quelconque.
Dans l'impossibilité, en raison des autres offensives qui sont préparées en d'autres points de l'Alsace, de fournir les moyens en hommes et artillerie nécessaires à une poursuite des opérations offensives sur l'HK, le général Maud'huy, commandant de la VIIIe armée, prescrit de s'organiser sur place et de renoncer à monter de nouvelles contre-attaques. A partir de ce moment le front se stabilise de part et d'autre de ce sommet si disputé qui, après avoir coûté tant de vies humaines, devient un no man's land entre des positions adverses souvent distantes d'à peine quelques mètres.
Comme partout sur le front ouest où la guerre de position est maîtresse des champs de bataille, les hommes souffrent et les conditions de vie sont déplorables. Ils souffrent de la faim et de la vermine mais peut-être plus encore du froid en hiver lorsque la colline est balayée par des rafales de vent qui « transpercent » les hommes, d’autant plus qu’à l’hiver 1914-1915 ils ne sont pas encore bien équipés et les manteaux et chaussures contre le grand froid manquent. D’autre part, le transport des armes et des munitions sur les chemins escarpés et glacés entraînaient souvent des mauvaises chutes et des fractures.
Les Allemands, eux, eurent l’avantage d’être situés au sud de la colline dans des positions bétonnées et au sec contrairement aux Français, nous l’avons vu, qui étaient exposés au nord et dans des abris de fortune.
De plus, les soldats subissent le traumatisme des Minnenwerfer allemands, ces armes inventées après la guerre russo-japonaise en 1905 et que les Allemands faisaient fabriquer par la S.A.C.M. (aujourd’hui ALSTOM) à Mulhouse. Les projectiles, appelés « sceaux à charbon » par les Français et lancés par les « Erdmöser » (mortiers enterrés) étaient de tous calibres. Enterrés dans la tranchée, ils pouvaient tirer presque à la verticale pour atteindre les positions ennemies distantes d’à peine quelques dizaines de mètres.
Ainsi, de 1916 à 1918, le secteur est plutôt calme mis à part quelques « marmitages » et des accrochages entre patrouilles. Le Hartmannswillerkopf devient un « secteur calme du front », relégué à l’arrière plan par les opérations de Verdun qui marqueront le début de l’année 1916.
Quelques patrouilles de grande envergure avec un bombardement intensif des lignes furent exécutées, notamment l’opération Rumänien de janvier 1917 au cours de laquelle se déroula la catastrophe de la galerie du Ziegelrücken. En effet, cette galerie servait d’abri aux hommes qui se préparaient à monter à l’assaut sauf qu’un coup trop court d’un minnenwerfer explosa près de l’entrée et provoqua un éboulement qui ensevelit 65 des 85 occupants. Gallieni, devenu ministre de la guerre, écrivit même en janvier 1916 « nécessité de mettre fin aux opérations isolées du genre du Hartmannswillerkopf et d’épargner la vie des hommes ».
La Victoire et le devenir du Hartmannswillerkopf
Début novembre 1918, des rumeurs se précisent sur la fin proche de la guerre et les troupes allemandes transportées de Russie après l’armistice présentent quelques signes de rébellion. Le 4 novembre le Hartmann fait sa dernière victime, c’est un soldat allemand du nom de Weckerle qui tombe à la tête de sa patrouille. Le 9 novembre, le L.I.R. 124 s’apprête à déclencher un coup de main mais les Français sortent des abris et crient « La guerre est finie ! Vive la paix ! » Et le commandement allemand décommande aussitôt l’opération.
Le 10 novembre, pour la première fois depuis quatre ans, aucun coup de feu n’est tiré sur la montagne. Le 11 novembre à 11 heures, des salves d’artillerie et des coups de feu retentissent pour saluer la fin de la guerre et les soldats des deux camps qui se sont implacablement battus pendant quatre ans sortent des tranchées, se serrent la main, s’offrent à boire, se font visiter les abris… Le 15 novembre, les Allemands quittèrent définitivement le Hartmannswillerkopf.
Le site fut laissé à l’abandon jusqu’en 1921 lorsqu'il fut classé. Il fut ainsi décidé la construction du monument national. D’ailleurs, le site évite le décret de 1923 qui prescrit le reboisement des « zones rouges » comme ce fut le cas de Verdun où le champ de bataille a complètement disparu aujourd’hui.
En 1945, le gauleiter Wagner ordonna de faire sauter le bâtiment mais il n’en fut rien. Cependant, pendant la seconde guerre mondiale, les ossements de la crypte sont déplacés et enterrés dans des fosses communes dans les villages de la vallée et le terrain est utilisé comme champ de manœuvre pour les troupes de la Wehrmacht.
Les batailles du Vieil-Armand furent-elles inutiles ? S’y est-on battu pour l’honneur ? Ces questions méritent d’être posées. Nous l’avons vu, la lutte incessante, les longues batailles, les bombardements massifs n’ont eu raison d’aucun des deux adversaires. Les offensives et contre-offensives se sont succédées sans résultat. Un gain de terrain un jour est reperdu le lendemain. De plus, les pertes sont sensiblement les mêmes pour chacun. Les Français perdirent environ 14 500 hommes contre 12 500 pour les Allemands.
Les combats de l’Hartmannswillerkopf ne furent en fait pas un phénomène ponctuel mais résultèrent de la manifestation de réflexions opératives et de planifications plus vastes des états-majors. En effet, le commandement allemand hésita entre Verdun et Belfort pour mener l’offensive générale de 1916 mais la trouée de Belfort représentait beaucoup trop de risques et Verdun fut choisie car si Belfort était entièrement aux mains des Français, le HK faisait peser une double menace sur l’aile droite des forces d’attaque allemandes par la possibilité de les flanquer ou de les prendre à revers.
Pour l’état-major français, le Hartmann représentait le pilier d’une offensive à partir de Belfort en direction de la Haute-Alsace. La direction est inversée mais le problème reste le même, le HK menacerait ainsi le flanc gauche des forces françaises si celui-ci n’était pas conquis. Les combats de 1915 ne se firent donc pas pour l’honneur et pour reconquérir du terrain perdu mais ils s’inscrivirent bien dans le cadre beaucoup plus large des tactiques et offensives de la Première Guerre mondiale.
Quasi intact, le site du champ de bataille du Vieil Armand est facilement visitable.
Pour aller plus loin
- Général de Pouydraguin, La bataille des Hautes-Vosges, Payot, 1937
- Thierry Ehret, 1914-1918, autour du Hartmannswillerkopf, Éditions du Rhin, 1988
- A. Wirth, Les Combats Du Hartmannswillerkopf ( Vieil-Armand ) 1914-1918, Comité du Monument National du Hartmannswillerkopf, 1977.
- Jean-Paul Claudel, La bataille des frontières, Vosges 1914-1915, La nuée bleue, Strasbourg, 1999.