L'Epiphanie est une fête chrétienne fixée au 6 janvier chez les orthodoxes et célébrée le dimanche le plus proche chez les catholiques. La fête des rois mages, célébrée le même jour dans l’Église catholique, anglicane et d’Orient, commémore la première révélation de Jésus aux païens. La tradition veut que ces trois Rois Mages, Gaspard, Melchior et Balthazar soient présents dans toutes les crèches avec l'or, l'encens et la myrrhe pour célébrer la naissance de Jésus... Le même jour, tout un chacun se plait à « tirer les Rois » avec la fameuse galette. Retour sur la symbolique et les origines d'une des plus grandes fêtes des Chrétiens et/ou des gourmands.
La fête des Rois Mages
Les Mages apparaissent dans un seul et unique évangile canonique : celui de Matthieu. L'évangéliste rapporte que des Mages seraient venus d'Orient pour voir Jésus dont la naissance leur aurait été annoncée par l'apparition d'une étoile. Les mages se rendent alors à Jérusalem, pensant que le roi Hérode pourrait leur indiquer où est le nouveau « roi des Juifs » qui vient de naitre. Comprenant que ce « roi des Juifs » était le Christ des prophéties, Hérode redirige les Mages vers Bethléem avec la secrète mission de le tenir informé de ce qu'ils trouveraient, dans le but inavoué de faire périr ce nourrisson qui menace sa dynastie... Les Mages finissent par trouver Marie et son enfant, et lui offrent de l'encens, de l'or et de la myrrhe. Puis, averti par un songe des mauvaises intentions d'Hérode, ils auraient rejoint l'Orient par un autre chemin.
L'évangile de Matthieu reste très vague sur ces Mages, il ne dit rien de leur nombre, ni de leur statut de roi, et encore moins leurs noms... Mais alors d'où nous viennent ces informations pourtant connues de tous ?
Mage est le nom donné chez les Perses à une caste sacerdotale s'occupant d'astrologie et de divination. Ce n'est qu'au début du IIIème siècle que l'auteur chrétien Tertullien parle des Mages comme « fere reges », c'est-à-dire « presque rois ». Et il faut attendre le théologien Origène, considéré comme un Père de l'Eglise, pour que le nombre de Mages soit fixé à trois (très probablement en se basant sur le nombre de présents faits à Jésus). Ambroise, Cyprien ou encore Théophylacte reprirent eux-aussi la titulature royale. Il semble que ce soit également une façon de faire coïncider cet épisode du Nouveau Testament avec les Psaumes de l'Ancien Testament :
« Les rois de Tarsis et des Iles rendront tribut
Les rois de Saba et de Seba feront offrandes
Tous les rois se prosterneront devant lui
Tous les païens le serviront. »
Dans ses Homélies sur la Genèse, Origène établit un lien étroit entre les trois Mages et les trois personnages qui dans l'Ancien Testament auraient rendu visite à Isaac : Abimélech, Ochozath et Phicol qui incarneraient respectivement la philosophie rationnelle, la philosophie naturelle et la philosophie morale.
Melchior, Gaspard et Balthasar
Les noms des Mages ne sont précisés que trois siècles plus tard, vers le VIème siècle. Le premier document connu à les évoquer est l'Excerpta Latina Barbari (Extraits latins d'un barbare), une copie mérovingienne d'un manuscrit grec du Vème ou VIème siècle. Dans cet ouvrage, les trois Mages sont prénommés Bithisarea, Melichior et Gathaspa. Vers la même époque, un apocryphe, l'Évangile arménien de l'Enfance, évoque Balthazar roi des Arabes, Melkon roi des Perses et Gathaspar roi des Hindous. Les noms sont repris au VIIIème siècle par le pseudo-Bède qui, comme Origène, fait le lien entre eux et la logique, la physique et l'éthique.
Leurs noms traditionnels, Gaspard, Balthasar, Melchior n'apparaissent finalement que très tardivement, au XIIIème siècle, dans La Légende dorée de l'archevêque dominicain Jacques de Voragine. C'est véritablement cette Légende dorée qui enracine durablement dans les consciences l'imaginaire et l'iconographie des trois Rois Mages. Cette dénomination traditionnelle fut parfois remise en cause, notamment au XVIIIème siècle par la mystique allemande Anna Katharina Emmerick (devenue Bienheureuse sous le Pape Jean-Paul II) qui d'après ses visions les nomma Théokéno, Mensor et Saïr.
Les évangiles canoniques ne disent absolument rien sur ce que devinrent les Mages après l'épisode de l'adoration des mages devant la crèche.
Toutefois, certains évangiles apocryphes tardifs cherchèrent à combler ce vide. C'est par exemple le cas de l'Évangile arabe de l'Enfance, qui a entre autres la particularité de reprendre des éléments de la vie de Jésus tirés du Coran. Cet apocryphe raconte que Marie offrit aux Mages le linge de l'enfant Jésus et qu'à leur retour ils le jetèrent au feu sans que celui-ci ne se consume.
Selon le patriarche de Constantinople Jean Chrysostome (344-407), les Mages auraient par la suite été baptisés par Saint-Thomas.
Quel est le sens de l'Épiphanie ?
Le terme signifie la manifestation de Dieu aux Hommes, c'est-à-dire que ce jour-là les Chrétiens fêtent l'Incarnation du divin en Jésus. Cette fête fut certainement une des plus importantes fêtes qui célèbre la manifestation de Jésus comme Messie, jusqu'à l'affirmation de la fête de Noël. Dans l'Eglise latine l'Epiphanie tombe le 6 janvier, elle est célébrée le jour-même quand il férié (comme en Espagne) ou le second dimanche après Noël (comme en France). Dans l'Eglise arménienne la fête est d'autant plus importante qu'elle est la seule fête de la manifestation de Dieu, Noël n'étant pas célébré le 25 décembre.
Dans les Églises orientales, l'Épiphanie célèbre le baptême de Jésus et coïncide avec la célébration de Noël. En Orient comme en Occident, la fête commémore en outre les noces de Cana (Évangile selon saint Jean, II, 1-11), au cours desquelles le Christ accomplit son premier miracle en changeant l’eau en vin.
La galette des rois
La galette quand à elle tire son origine des Saturnales, fête romaine pendant laquelle dans chaque grande famille le domestique qui trouvait la fève devenait le « Roi du désordre »... Un jour atypique où l'on inversait donc les rôles entre les maitres et le domestique ainsi désigné.
La tradition chrétienne réinvestit la galette en forme de couronne et sa fève le jour de l'épiphanie, désignant un roi en référence aux rois Mages. Le gâteau, de couleur dorée est découpé en autant de part qu'il y a de convives, plus une destinée au premier pauvre se présentant au logis. Puis un jeune est invité à passer sous la table pour attribuer chaque part à un convive. Celui qui tombe sur la fève se voit attribuer pour un jour le titre de roi et porte une couronne.
La galette est présente sur la table des rois de France et la fête des Rois est naturellement associée à la Monarchie. Pour la petite histoire, c'est d'ailleurs cette association symbolique entre l'Épiphanie et la Monarchie qui fit placer traditionnellement, et sûrement abusivement, la naissance de Jeanne d'Arc ce jour-là. Mais quelle meilleure date trouvée pour celle qui sauva la lignée de Charles VII en le faisant sacrer à Reims ?...
Du fait de cette connotation monarchique la survie de l'Épiphanie et de la galette fut mise en péril pendant la Révolution quand le Conventionnel Manuel tenta (en vain) de faire interdire le gâteau des Rois ! Elle sera néanmoins renommée galette de l'égalité et la petite fève en porcelaine (apparue au XVIIIe) représentant généralement l'enfant Jésus est remplacée par un bonnet phrygien... Un jusqu'auboutisme républicain quelque peu ridicule qui perdure jusqu'à aujourd'hui puisque la galette de l'Elysée ne comporte pas de fève, de peur que tirer les Rois ne porte atteinte à la Démocratie...
Pour aller plus loin
- Fery ROBERT, Jours de fêtes: Histoire des célébrations chrétiennes, Point, 2011.
- Philippe ROUILLARD, Les fêtes chrétiennes en Occident, 2003.