Maire du palais d’Austrasie (716) et de Neustrie (719), Charles Martel exerce la réalité du pouvoir dans le royaume des francs (737- 741). Son surnom de « Martel » ( marteau) lui vient de l’énergie qu’il déploie pour imposer son autorité dans le royaume mérovingien. Par sa victoire à Poitiers en octobre 732, il met un terme à la progression des arabes musulmans en Europe et apparut aux yeux du monde chrétien comme le champion de la Croix. Tout en menant une politique de laïcisation des biens ecclésiastiques, il entama une étroite collaboration avec Rome, posant les bases d’une alliance avec le Saint-Siège qui perdurera sous les carolingiens.
Charles Martel, unificateur du royaume mérovingien
Né vers 668, le futur Charles Martel est le fils illégitime de Pépin de Herstal et d’une femme nommée Alpaïde. Il doit d’abord s’imposer à la mort de son père (714) face aux enfants de la première épouse légitime, Plectrude. Emprisonné par cette dernière, il s’évade, réunit une partie de l'aristocratie austrasienne et remporte sur les Neustriens les victoires d’Amblève (716) et de Vincy (717).
Charles Martel consacre ainsi définitivement le triomphe de l’Austrasie et unifie l’État mérovingien. Il gouverne sous l’autorité fictive des rois mérovingiens, Chilpéric II puis Clotaire IV et Thierry IV. Il vainc les Saxons et les Frisons et soumet la Thuringe ainsi que la Bavière, intégrant ainsi une grande partie de la Germanie dans le royaume franc.
Les enjeux en Aquitaine
Malgré les efforts des rois Francs succédant à Clovis, l'Aquitaine devient peu à peu indépendante de fait au cours du VIe siècle, et surtout au siècle suivant. L'autonomie est favorisée par les tensions croissantes entre Neustrie et Austrasie. C'est autour de 700 qu'Eudes, appelé princeps (prince) par les sources contemporaines, serait parvenu à la tête de ce « duché » aux frontières fluctuantes et peu connues. Très vite, il devient un rival pour les Francs, et en particulier pour Charles Martel quand ce dernier s'impose au nord comme maire du palais d'Austrasie vers 717.
Dans l'élan de leur conquête de l'Espagne wisigothique à partir de 711, les musulmans franchissent les Pyrénées et prennent Narbonne en 719. La cité sert à partir de ce moment de base pour des raids en Aquitaine ; les sources arabes la considèrent parfois comme « la limite septentrionale d'al-Andalus » .
La bataille de Toulouse (721)
En 721, un raid important, emmené par le gouverneur al-Samh en personne, prend Toulouse pour cible. Le duc d'Aquitaine, Eudes, vient au secours de la ville et les Sarrasins sont lourdement battus, al-Samh lui même n'en réchappant pas. La Chronique de Moissac (IXe siècle), évoque cette bataille ; les sources arabes sont elles moins disertes, mais notent pour certaines que l'émir est mort en martyr en Gaule.
Un texte écrit par un chrétien vivant sous domination islamique en Espagne, dans les années 750, la Chronique mozarabe, parle également de l'événement, mais c'est sa mention dans le Liber Pontificalis qui montre sa véritable importance. Cette source pontificale reprend une lettre écrite par le pape Grégoire II à Eudes, dans laquelle il félicite le duc pour sa victoire et la mort de « 375 000 Sarrasins », chiffre évidemment fantaisiste, mais qui montre bien que cette bataille est considérée comme majeure à l'époque.
La victoire de Poitiers
Les raids musulmans ont continué après la victoire de Toulouse, notamment vers le nord, allant probablement jusqu'à Autun en 725. S'allier avec un émir dissident de Cordoue permet au prince de sécuriser le sud de son duché, le territoire contrôlé par Munnuza se trouvant en Cerdagne, passage stratégique entre al-Andalus, l'Aquitaine et la Septimanie.
Surtout, Eudes doit parallèlement gérer sa rivalité grandissante avec Charles Martel au nord. Les sources franques, notamment le Continuateur de Frédégaire, accusent Eudes de trahison en évoquant son alliance avec le Berbère Munnuza. C'est même cela, selon ces chroniqueurs, qui aurait provoqué l'expédition de Charles Martel vers le sud, et Poitiers.
Charles Martel devient célèbre par sa victoire à la bataille de Poitiers (25 octobre 732) contre les Arabes d’Espagne menés par Abd al-Rahman. Contrairement au caractère définitif que cette bataille a laissé dans les mémoires, cependant, la victoire de Poitiers stoppe la progression des musulmans mais ne l’arrête pas. Charles doit revenir plusieurs fois pour chasser les Arabes de la vallée du Rhône, de la Provence et de la Septimanie. En 737, il livre encore des batailles acharnées autour de Narbonne. Les combats durent plus de vingt ans. Après sa victoire de Poitiers, Charles soumet fermement l’Aquitaine et la Provence.
Charles Martel, "vice-roi" et allié du pape
Il laïcise les biens du clergé et distribue certains domaines de l’Église aux leudes pour les récompenser. Au même moment, cependant, il soutient le pape dans sa politique d’évangélisation en Bavière, en Frise et en Saxe, protégeant notamment saint Boniface. Les missions suivent les armées. Charles Martel a compris qu’une pacification durable passe nécessairement par la christianisation des populations païennes. Cette alliance avec la papauté sera poursuivie par ses successeurs, Pépin le Bref, son fils, et Charlemagne, son petit-fils.
À la mort du roi Thierry IV en 737, Charles Martel, qui n’est que maire du palais, donne la preuve éclatante de sa puissance en ne nommant pas de successeur au trône. Il écarte ainsi le fantôme de la royauté mérovingienne sans prendre le risque de s’approprier le titre de roi. Cette modestie ne trompe personne : le pape Grégoire III l’appelle le « vice-roi ». Allié aux Lombards contre les Arabes, affaibli par la maladie, il doit renoncer à secourir le pape Grégoire III, menacé par ces mêmes Lombards.
Il meurt le 22 octobre 741, à sa villa de Quierzy-sur-Oise et est enterré à Saint-Denis, auprès des rois mérovingiens. Il a fait rédiger par son demi-frère une chronique officieuse, qui continue l’œuvre du pseudo-Frédégaire, une chronique du monde jusqu’à l'an 660, l’une des rares écrites à l’époque mérovingienne, et dont l'auteur reste sujet à caution. Il laisse le pouvoir à ses fils, Carloman et Pépin le Bref.
Bibliographie
- Charles Martel, biographie de Georges Minois. Perrin, 2020.
- Charles Martel et la bataille de Poitiers : De l'histoire au mythe identitaire, de William Blanc et Christophe Naudin. Libertalia, 2015.
- Charles Martel, biographie de de Jean Deviosse. Tallandier, 2006.