Sorte de passages secrets, le mot « traboule » est un mot typiquement lyonnais. Amable Audin, historien et archéologue le décompose en « trans-ambulare » qui signifie littéralement « passer à travers ». Le vieux Lyon, bien restauré, conserve un cachet particulier avec ses traboules qui forment de véritables labyrinthes. La ville compte plus de 400 traboules dont 200 dans le vieux Lyon. Si d'aventure vous passez par la cité des gones, voici quelques petites choses à savoir sur ce sujet.
Qu'est-ce qu'une traboule ?
La traboule est un passage couvert réservé aux piétons et qui permet de circuler d'une rue à l'autre en passant sous les habitations, à travers des cours et des escaliers.
On pense que les premières traboules ont été construites au IVe siècle. Les habitants de Lugdunum, manquant d'eau, se sont installés au bord de la Saône. Les traboules servaient alors à rejoindre rapidement la rivière. En outre, les traboules servaient aussi aux canuts, installés sur la colline de la Croix-Rousse à rejoindre rapidement les marchands de tissus installés au bas de la colline.
Tout au long de l'histoire, ces chemins de traverse ont été l'outil idéal pour se déplacer dans la ville à l'abri des autorités, souvent ignorantes de leur configuration exacte. Jusqu'à l'invention du digicode, en 1970, elles ont servi d'abri et de chemin pour les mouvements populaires par exemple pendant la Révolte des Canuts ou par les Résistants lors de la Seconde Guerre mondiale.
Histoire des Traboules
Les traboules représentent l'un des aspects les plus originaux de l'architecture et de l'identité de Lyon. Si l'on pense que les premières traboules permettaient de rejoindre rapidement la Saône, plus tard, lorsque des puits d'eau potable furent creusés dans les cours intérieures, l'accès à la rivière devint accessoire. Mais, selon René Dejean, le puits commun, lieu de rencontre privilégié a « contribué grandement à conférer leur importance aux premières traboules ». Plus tard, le modèle du patio romain avec ses galeries et le puits dans la cour sera souvent copié lors des nombreuses constructions de la Renaissance.
À la Croix-Rousse, les traboules sont issues de la construction des immeubles de canuts. Elles permettaient de gagner la Presqu'île en ligne droite. En 1862, l'ouverture de la Ficelle, premier funiculaire du monde, a permis de monter sans effort les pentes, mais les habitants redescendaient par les passages.
Certaines traboules ont aussi joué un rôle essentiel lors de l'occupation allemande pour abriter une Résistance clandestine. Les résistants ont utilisé ce réseau de passages couverts entre les immeubles permettant de passer d'une rue à l'autre où la Gestapo était sure de se perdre. Elles servaient aussi de dépôt de colis.
Où voir des traboules à Lyon ?
Si on pense qu'il existe près de 400 traboules à Lyon, un bon nombre d'entre elles sont aujourd'hui inaccessibles au public, car fermées, voire définitivement condamnées. Il en reste tout de même quelques-unes remarquables auxquelles vous pouvez facilement accéder.
Dans le vieux Lyon :
- 54 rue St Jean : longue traboule comprenant six petites cours.
- 6 rue des Trois-Maries : entrée par une façade ocre, empruntez deux cours roses successives restaurées, des galeries italiennes et une sortie par une porte lourdement chargée sur une façade style renaissance.
- 7 quai Romain-Rolland : dans un bâtiment du 15e, passez par deux cours dont une avec une tour et une galerie cintrée, notez la présence d'un vieux puits, sortie se fait du côté d'une façade du 15e avec des fenêtres compartimentées et ornées de petites colonnettes travaillées.
- 3 place St Paul : cette traboule d'angle et montante comporte au moins sept marches, l'entrée est modeste, ancienne et non restaurée, la sortie est voûtée, présence d'un escalier au centre de la traboule, la façade côté sortie date du 15e siècle avec des fenêtres ornées de petites colonnes.
A la Croix Rousse :
- 8, 11, 13 montée de la Grande Cote : l'ensemble date de 1986 avec une très belle vue sur Fourvière et le sud de la ville, passez par deux cours aérées, quatre entrées possibles et une sortie coté est.
- 30 bis rue Burdeau : traboule raccordée et parallèle au passage Thiaffait, une petite ouverture accède sur des marches raides, attention à la faible luminosité et après trois étages descendus vous arrivez dans une cour pavée avec vielle fontaine murale, présence de trois passerelles entre les bâtiments.
- 9 place Colbert : petite entrée d'allée, c'est la traboule la plus pittoresque et aussi la plus visitée de Lyon, on l'appelle aussi "la cour des voraces". L'architecture est particulière, dans la première cour présence d'un grand escalier de six étages, la sortie se fait par un sombre couloir donnant sur une autre traboule.
Sur la Presqu'île :
- 2 place Louis-Pradel : entrée par une large porte vitrée dans l'allée. Cette cour est différente des autres, car elle est élevée avec deux montées en escalier. Alphonse Daudet vécut dans cette maison de 1849 à 1853.
- 2 rue des Forces : la façade ne correspond pas à la traboule, entrée par une double porte et voûté d'arêtes escaliers donnant accès au musée de la Banque et de l'Imprimerie. La grande cour suivie de trois longues galeries le long de grandes plantes vertes. Sortie par un portail en fer forgé.
- 26 quai St-Antoine : traboule-passage, une des plus passantes de la ville, comprend large porte-grille de chaque côté des bouchons lyonnais.
- 9 rue Boissac : entrée avec un plafond voûté et une cour avec des sculptures en forme de têtes de chat. Ici se situe le plus petit bar restaurant de Lyon, la sortie se fait par une haute porte dont la façade est très kitch (douze balcons et sculptures en forme de têtes de lion) avec une architecture où sont représentés cinquante-deux grosses chimères soutenant la toiture.
Rue des Trois-passages : entrée par une ruelle pavée allant de la rue de Fleurieu pour atteindre la Cour des Trois-Passages. La grande cour-garage entourée d'immeubles variés, la traboule débouche au 8, rue de Fleurieu.
Si la traboule est une spécificité lyonnaise, au même titre que Guignol et certaines spécialités culinaires, Lyon n'en a pas le total monopole. En effet, certaines villes françaises en possèdent également même si leur dénomination n'est pas toujours la même. Ainsi, on trouve des « traboules » à Saint-Etienne, des « allées » à Chambéry, des « traverses » à Villefranche-sur-Saône et à Marseille, des « trages » ou « traiges » à Besançon ou encoure des « cours » à Nantes et à Troyes. Il faut également signaler que certaines villes européennes comme Prague, Londres ou Salzbourg ont aussi des traboules.
Pour aller plus loin...
- René Dejean, Traboules de Lyon, l'histoire secrète d'une ville, ed. des Traboules, 2003
- Guide de Lyon et ses traboules, de Corinne Poirieux. ELAH, 2009.