Le Gers est assurément un département magnifique, célèbre pour les produits de son terroir et sa douceur de vivre. Mais, cœur de la Gascogne, il est également renommé pour les qualités de courages de certains de ses représentants comme le fameux d'Artagnan, personnage popularisé par Alexandre Dumas, et natif de Lupiac, décéda dans la guerre de Hollande sous Louis XIV, fauché par un boulet de canon. On connait également la profusion des édifices sacrés dans le Gers, ces églises et cathédrales à l'aspect si particulier, à tel point que certaines sont fortifiées. Mais nous aimerions faire connaître ici un autre aspect du patrimoine gersois ; l'héritage gallo-romain. Pour ce faire nous invoquerons trois sites différents, particulièrement intéressant à notre sens pour le voyageur-historien.
Le musée de Lectoure
En premier lieu, nous pouvons commencer par le musée de Lectoure, à l'Est de Condom. Il est situé dans la mairie, plus précisément dans les sous-sols. Cet hôtel de ville possède lui-même un certain cachet, mais il ne doit pas détourner le regard de celui qui souhaite en apprendre plus sur le patrimoine antique des environs. La visite est guidée, et il faut s'adresser à l'accueil pour être ensuite convié à entrer dans les caves voutées qui s'étalent sous le bâtiment. Le cadre est magnifique et apporte au musée une véritable ambiance intimiste voir quasi mystérieuse.
La visite commence par tout un ensemble de pièces de fouille préhistoriques, du biface aux bois de rennes travaillé. Les vitrines, bien que vieillottes, sont richement dotée, par rapport à ce que le caractère modeste de la ville et du musée en lui même laissent improprement présager. Mais c’est la suite qui nous intéresse le plus ici ; la salle suivante est dédiée à l’époque gauloise. On peut notamment y admirer deux têtes sculptées par les Celtes de la région. Dans des styles différents, elles sont un témoignage rare car les représentations anthropomorphes sont assez rares chez les Gaulois. Elles prennent place à coté d’objets de la vie courante, comme des poteries, mais aussi, plus étonnant une passoire.
Mais c’est en pénétrant dans les salles consacrées à la civilisation gallo-romaine que les plus belles surprises nous attendent. En effet, Lectoure abritait un important lieu de culte à Jupiter et Cybèle et un très grand nombre d’inscriptions consacrant des sacrifices sanglants nous sont parvenus. Des particuliers offraient ce type d’offrandes à l’occasion de fêtes religieuses. Le prêtre sacrifiait alors un animal, dans le cas présent un taureau (taurobole) ou un bélier (cariobole) et répandait son sang. Lectoure possède ainsi pas moins de 20 autels, daté des IIe et IIIe siècle ap. J.-C., pour la plupart réalisés en marbre pyrénéen. A leur coté on peut voir une statue probablement de Jupiter, ainsi qu’une représentation du dieu Mithra. Mais le culte païen n’était pas le seul représenté, et des sarcophages d’une belle qualité nous sont parvenus. L’un d’entre eux est magnifiquement décoré d’écailles de poisson et de rameaux de vignes, symbole à l’époque du christianisme.
En poursuivant cette visite décidément bien surprenante, on peut découvrir des trésors monétaires, une salle voutée entièrement dédiée aux mosaïques ainsi que tout un ensemble d’objets courants dans la vie de la civilisation romaine, mais au combien touchant aujourd’hui. Ainsi une très belle figurine de gladiateur en bronze prend place à coté de lampes à huile, de cuillères, de pièces de monnaies, mais aussi d’une représentation d’un bateau romain en os. Il ne faut pas oublier également le fond rassemblant des objet de l’époque mérovingienne, don des boucles de ceintures et autres bijoux précieux, peignes en os.
La villa de Séviac
L’intérêt que revêt ce petit musée présage le meilleur pour notre courte présentation de quelques lieux représentatifs de la vie quotidienne dans le Gers d’il y a près de 2000 ans. En poussant vers l’Ouest, après Condom, on peut se rendre à la villa de Séviac. Ancienne demeure d’un aristocrate local, c’est un brillant témoignage du génie architectural romain. Le site mis en valeur nous permet tout d’abord de découvrir le système de chauffage des habitations cossues des romains, à savoir le système d’hypocauste ; un foyer était entretenu par des esclaves et diffusait dans le sol et les murs, la chaleur. En effet les dalles étaient posées sur des sortes de petits piliers aménageant ainsi un espace qui permettait de diffuser l’air chaud. Il pouvait remonter dans les murs grâce à des canalisations aménagées.
L’habitation possède des thermes (établissement de propreté et de bien être souvent public ) privées où l’on pouvait bien évidemment bénéficier d’une eau tiède, froide ou chaude. Le luxe de l’habitions se remarque également dans les mosaïques qui sont nombreuses et bien préservées. Elles sont pour la plupart décorées de motifs géométriques et se permettent avec aisance des techniques en trompe-l’œil. Les décors fragiles sont protégés par des toitures et parfois aussi du sable, quand le travail de restauration n’est pas assez abouti pour le montrer au public sans risque. Le parcours balisé est clair et nous amène à pénétrer dans un domaine très riche où l’histoire est également en marche.
En effet, un petit baptistère privé est aménagé dans la villa et atteste de la diffusion du culte chrétien. Un peu à l’écart de l’habitation, un village mérovingien a été bâti probablement après que le domaine d’exploitation agricole fut abandonné. Sur le site, dans la cour intérieure, les archéologues ont mis au jour deux corps, les amants de Séviac, deux jeunes gens morts autour du VIe et VIIe siècle. Dans un décors vraiment magnifique il est donc possible de s’instruire et de marcher dans les pas des antiques habitants du Gers. Mais la visite du site se poursuit à quelque distance de là, dans le village de Montréal, où un sympathique petit musée conserve les découvertes réalisés à Séviac.
L’accès est gratuit et on découvre dans trois petites salles de très belles pièces, comme un buste d’époque romaine représentant peut être le maitre du domaine. Il y a aussi plusieurs mosaïques mises en exposition et donc sauvées des outrages du temps. L’époque mérovingienne est également présente car on peut voir le fer d’une francisque, petite hache de lancer utilisée par les guerriers francs. Une colonne en pierre de la même époque apparait aussi dans une des vitrines et signale ainsi une forme de copie par les nouveaux arrivants des pratiques gallo-romaines. De nombreux petits objets sont également présentés, comme des statuettes, des clous, des éléments de métier à tisser, des fragments de décors en marbre, des morceaux de canalisation, des clefs, des fils à plomb, des bagues, des cuillères, des fibules, des plaques de ceinture, de la poterie…
Mais encore une fois, ces découvertes sont associées à du matériel paléolithique comme des silex taillés, des bois de cerfs transformés en outils… Trois reproductions d’animaux de l’époque grandeur nature sont également proposées au visiteur, donnant une idée de la faune locale de l’ère tertiaire. Le Gers est donc aussi très riche en ce qui concerne la préhistoire.
Le musée d’Eauze
Afin de poursuivre ce voyage dans l’époque Antique, nous pouvons continuer vers l’Ouest et nous rendre à Eauze, lieu qui abrite un trésor d’époque romaine. Or, ici, nous avons rencontré une certaine déception. En effet, l’entrée du musée est chère et le visuel suggère une vocation bien plus commerçante que les précédents. De plus, la visite n’est guère à la hauteur de la structure flambant neuf et l’essentiel se borne à une longue litanie de pièce alignées derrière une vitrine de protection dans un sous sol mal éclairé et ultra-sécurisé. La déception est moindre pour le féru de numismatique qui pourra s’extasier devant les 28000 pièces de monnaie mise au jour.
Ce trésor daté du IIIe siècle, s’inscrit dans une histoire particulière de l’Empire romain; à cette époque des bandes barbares font des raids sur les frontières et parfois pénètrent en profondeur sur les terres de Rome en pillant le pays. Ils rentraient alors sur leur territoire chargés de butin. Les populations civiles apeurées cachaient souvent de vraies fortunes sous terre plus à cause d’une psychose qu’à cause d’un danger immédiat. Dans le cas présent, la somme enterrée aurait pu servir à acheter un petit domaine d’exploitation agricole. Ce musée est donc décevant par le manque de diversité de son exposition et la débauche de visuel mise en œuvre. Par contre si vous appréciez les pièces romaines n’hésitez surtout pas.
C’est sur cet avis mitigé que nous laissons ce court voyage dans le Gers romain, en espérant vous avoir donné envie de parcourir les sentiers antiques de la province gallo-romaine. Il apparait donc que les meilleurs adresses restent celles qui sont les moins en vue, mais qui recèlent une richesse bien plus grande que celle du musée d’Eauze.