Le contexte de la guerre d'Indochine
Depuis la seconde moitié du xixe siècle, les Français sont présents dans une grande partie de la péninsule indochinoise, en Asie du sud-est. Leur colonie d'Indochine comprend le Tonkin, l'Annam et la Cochinchine (trois régions qui composent l'actuel Vietnam), le Laos et le Cambodge.
A l’issue de la seconde guerre mondiale, les nationalistes, membres du Viêt-minh, le parti communiste indochinois, réclament le départ des Français et l’indépendance de l’Indochine française. Ils refusent le maintien de l’occupation coloniale française, en raison de l'attitude du gouvernement de Vichy pendant la guerre et du rôle important joué par les nationalistes dans la libération de leur pays envahi par les Japonais à partir de juillet 1941. A l’initiative de leur leader Hô Chi Minh, ils proclament l’indépendance de la « république démocratique du Viêtnam » le 2 septembre 1945, jour de la reddition officielle du Japon et, donc, de la fin de la seconde guerre mondiale.
La France envoie deux émissaires, Jean Sainteny et le général Leclerc, pour discuter avec Hô Chi Minh de l’avenir de la colonie française. Elle entend maintenir celle-ci dans l'Union française, en dépit d’un statut d'autonomie qui ne fait que « l'associer » à la France sans lui donner son indépendance. Les nationalistes jugent cette solution inacceptable et, en novembre 1946, éclate la guerre d'Indochine.
L'opération « Castor », prélude de la bataille de Diên Biên Phu
Dans le cadre de l’opération Castor, deux groupements aéroportés sont parachutés le 20 novembre dans les hauteurs du Tonkin, à proximité de la frontière avec le Laos, sur un ancien chef-lieu administratif du nom de « Diên Biên Phu ». L’objectif initial est alors de reprendre le secteur pour empêcher l’avancée des troupes du général Giap. Pour protéger la route de Luang-Prabang, les Français installent un camp retranché, placé dans une cuvette de 16 kilomètres sur 9. Le choix de cette cuvette peut étonner, mais les Français surestiment alors gravement les capacités du Viêt-minh et comptent aussi sur des renforts.
Les soldats du génie aménagent le terrain de façon à pouvoir repérer l’artillerie ennemie et attaquer les combattants du Viêt-minh depuis cette base. Sous les ordres du colonel Christian de Castries, plus de 4 500 hommes installent tout un dispositif de sécurité avec des barbelés, des tranchées, des fortins, etc., et restaurent un ancien terrain d’aviation utilisé par les Japonais dix ans auparavant.
Encerclés par le Vietminh
Les Français ont sous-estimé l’ennemi, jugeant que le général Giap ne pourrait ni masser plus de deux divisions dans la région, ni intervenir en force loin de ses bases, car les routes sont si mauvaises qu’elles limitent l’approvisionnement en artillerie lourde, vivres et munitions.
Pourtant, les troupes du Viêt-minh vont s'avérer à la fois plus nombreuses et bien mieux équipées. Le général Vo Ngyen Giap, chef de l’armée populaire du Viêtnam, a réuni non pas deux mais cinq divisions qui, début décembre, prennent la route à marche forcée en direction de Diên Biên Phu. Au même moment, entre 75 000 et 80 000 porteurs équipés de 20 000 bicyclettes sont réquisitionnés parmi la population pour compléter les effectifs déjà présents, tandis que les Chinois fournissent à leurs alliés communistes un important stock d’armement.
Au début de 1954, les divisions de Ciap arrivent dans le secteur. Les services de renseignements français confirment la présence de près de 60 000 hommes dotés d'une importante artillerie, telle qu’une vingtaine d'obusiers de 105, une quinzaine de canons de 75 et de nombreux mortiers et canons sans recul.
Les Français se retrouvent encerclés et doivent demander des renforts d'urgence, le corps expéditionnaire passant à près de 12 000 hommes... A l'origine offensif, leur plan d’action devient défensif. Pourtant, les Français restent convaincus que l'ennemi ne peut déployer ses pièces d'artillerie sur les hauteurs entourant le camp et qu'aucun obus ne peut, par conséquent, atteindre avec précision les points sensibles comme, par exemple, le terrain d’aviation au centre du camp.
Combats acharnés et chute de Diên Biên Phu
A la mi-janvier, on croit à l'imminence d'une attaque, mais le général Giap envoie finalement une partie de ses troupes à destination du Laos, où le Viêt-minh a lancé une offensive. Giap entame au contraire un siège long, organisé, encerclant Diên Biên Phu par 350 kilomètres de tranchées. Le 13 mars, il donne l'ordre à ses troupes de passer à l'attaque. En une semaine, les Vietnamiens parviennent à 200 mètres du camp, tandis que leur DCA, équipée de 30 canons de 37 mm et de 50 mitrailleuses de 12,7 mm, freine considérablement les moyens aériens des Français, tant pour le ravitaillement en armes et en vivres que pour l’évacuation des blessés.
Au mois d’avril, alors que commencent les pluies de saison qui transforment le théâtre d'opération en bourbier, on compte désormais dans le camp français un millier de blessés qui ne peuvent être évacués. Le dernier espoir réside dans les pourparlers qui ont lieu au même moment entre les puissances occidentales et communistes sur l'avenir de la Corée et du Viêtnam. On attend l’ouverture de la conférence de Genève. Pourtant, celle-ci viendra trop tard pour les soldats de Diên Biên Phu...
Alors que l'étau s'est considérablement resserré, le camp étant réduit à 1 km2, et que la plupart des fortins ont été pris aux premiers jours de mai, l'assaut final est lancé le 7 mai. Les 5 500 hommes du camp retranché encore valides combattent sous un déluge d'artillerie. Le cessez-le-feu est déclaré à 17 heures 30, après que les soldats vietnamiens ont pris le PC du chef français de Castries, général depuis la mi-mars.
Alors que prennent fin ces terribles 56 jours de siège, le bilan est lourd : le Viêt-minh a perdu 8 000 hommes et dénombre 15 000 blessés ; les Français déplorent 1 700 tués et 1 606 disparus, comptant également 4 500 blessés. 10 000 hommes sont emmenés prisonniers dans des camps. Les mauvais traitements qui leur sont infligés ne permettront qu'au tiers d'entre eux de ressortir vivants, lors de leur libération en septembre 1954.
Les accords de paix
Le lendemain de la défaite française, le 8 mars, s'ouvre enfin à Genève la conférence internationale visant à clore la guerre d’Indochine, à officialiser le départ des colons français et à reconnaître l'indépendance du Vietnam. Cette conférence, qui réunit les représentants d'une vingtaine de nations dont la France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’URSS et la Chine, s’est fixé pour objectif de trouver une solution avant le 20 juillet à minuit, date limite pour le déroulement des négociations.
Le Viêt-minh, qui se trouve dans la partie du Viêtnam située au nord du 17e parallèle, proclame la république démocratique du Viêtnam. Sa capitale est Hanoi et son régime, communiste, est dirigé par Hô Chi Minh. Quant à la partie sud du Viêtnam, érigée elle aussi en Etat indépendant, elle est dirigée par un empereur acquis aux Occidentaux, Bao Daï. Celui-ci sera renversé rapidement par Ngô Dinh Dîem, un nationaliste anti-communiste soutenu par Washington. Les élections libres n'auront jamais lieu et, dix ans après la fin de la guerre d'Indochine, s’engage la guerre du Viêtnam, mettant face à face les combattants du Nord communiste et ceux du Sud soutenus par les Américains.
Bibliographie
- Diên Biên Phu : 20 novembre 1953-7 mai 1954, de Pierre Pellissier. Tempus, 2014.
- Diên Biên Phu : 13 mars - 7 mai 1954, d'Ivan Cadeau. Tallandier, 2013.
- La guerre d'Indochine, 1945-1954, de Jacques Dalloz. Points Histoire, 1987.
Pour aller plus loin
- La 317eme section, de Pierre Schcendœrffer. Studiocanal, 2008.