Le contexte de la bataille d' Azincourt
La France est déchirée par le conflit entre les Armagnacs et les Bourguignons depuis l’assassinat de Louis d’Orléans en 1407, sur ordre de Jean sans Peur. La lutte culmine dans la violence avec l’épisode cabochien de 1413. La même année, suite à son échec à Paris, le duc de Bourgogne négocie avec les Anglais. L’année précédente, c’étaient les Armagnacs qui avaient demandé de l’aide, provoquant une chevauchée anglaise malgré un accord in extremis entre Armagnacs et Bourguignons à Auxerre…
Les Anglais ne sont pas dans une situation beaucoup plus enviable, déchirés également par une guerre opposant le roi Plantagenêt Richard II au duc Henri de Lancastre, son cousin. Ce dernier, soutenu par le Parlement, l’emporte finalement et est désigné comme nouveau roi en 1399. Pourtant, il voit se rebeller contre lui son propre fils en 1411. C’est un échec, mais cela n’empêche pas le jeune Henri V de succéder à son père quand celui-meurt en 1413. La légitimité du nouveau roi anglais étant chancelante, il doit faire face à des conspirations. Pour les calmer, Henri V décide alors de relancer la guerre avec la France. Il a évidemment appris les divisions dues à la guerre civile, et voit d’un bon œil les propositions des Bourguignons.
Les forces en présence à Azincourt
L'armée française est menée par le connétable armagnac Charles Ier d’Albret qui, en raison du contexte trouble, a décidé de se passer des troupes bourguignonnes de Jean sans Peur. Celui-ci ordonne donc à la noblesse de Picardie de ne pas rejoindre l’ost. Le duc de Bretagne, toujours partagé entre les deux rois, est également absent. Les princes présents, quant à eux, ne sont pas d’accord sur la stratégie à adopter, les plus âgés comme le duc de Berry prônant la prudence, les plus jeunes comme le duc Charles d’Orléans l’attaque. Jean de Berry obtient tout de même que le roi et le dauphin restent à Rouen.
L’armée finalement réunie est composée de près de vingt mille hommes (certains disent vingt-cinq mille), essentiellement des cavaliers. Le connétable aurait refusé l’aide d’arbalétriers génois, jugeant ses troupes largement suffisantes. Il est vrai qu’en face, Henri V aligne environ sept mille hommes, dont mille chevaliers et surtout cinq mille archers. Les troupes anglaises sont fatiguées par la campagne débutée plusieurs mois auparavant. L’armée française, qui a choisi le lieu de la bataille, est donc très confiante…
Le champ de bataille
Difficile d’expliquer les erreurs françaises avant même la bataille d'Azincourt ! Le choix du lieu, et plus encore le placement des troupes, sont catastrophiques. L’armée française, trois plus nombreuse que l’ennemi, s’est regroupée dans un espace restreint situé entre deux forêts, ce qui annihile son avantage numérique.
Les conditions météos ne sont pas non plus l’idéal pour une bataille, et plus encore pour une charge de cavalerie. Il ne cesse de pleuvoir, et les soldats passent la nuit dans leur tenue de combat. Le lendemain, c’est un bourbier indescriptible ! Henri V a moins le choix, et il dispose son armée de façon classique : des hommes d’armes au centre ; sur les ailes et un peu vers l’avant, les archers en formation conique. Le roi d’Angleterre, lui, n’a pas oublié les leçons de Crécy.
La bataille d’Azincourt
Après quelques ultimes négociations pour la forme, la bataille commence, aux alentours de dix heures, ce 25 octobre 1415. Henri V fait avancer ses archers, qui sont de suite chargés. Mais la boue ralentit les lourds destriers français, qui subissent alors plusieurs volées de flèches. Les corps s’amoncellent, formant un rempart devant les combattants suivants, coincés par la géographie du terrain ! Les chevaliers français parviennent tout de même au contact, mais sans le bénéfice de la charge ; ils mettent malgré tout en difficulté les hommes d'armes anglais. Le roi d’Angleterre, menacé directement par le connétable, fait alors glisser ses archers sur les flancs ennemis, et la curée reprend, les archers anglais combattant à leur tour au corps à corps. Déjà, de nombreux seigneurs français se rendent. L’armée française tente une seconde charge, mais se heurte au retrait de la première, ajoutant au chaos ! La bataille n’a pas commencé depuis une heure…
En fin d’après-midi, après le passage des pilleurs de cadavres et des charognards, on compte côté français environ mille cinq-cents chevaliers tués, parmi lesquels les ducs de Brabant, d’Alençon, de Bar, les comtes de Nevers, Dammartin, Vaucourt (et bien d’autres), mais également le connétable d’Albret en personne ! A cela, il faut ajouter plus de trois mille morts « autres », dont tous les baillis de la région, chargés jusque là de lever les troupes. Le nombre –et le nom- de prisonniers est encore pire : les ducs d’Orléans et de Bourbon, le maréchal Boucicaut, Charles d’Artois ou le comte d’Harcourt. Des rançons conséquentes en perspective. Les Anglais ne comptent qu’entre trois et cinq cents morts, parmi lesquels une dizaine de chevaliers, dont le duc d’York.
Dans les deux camps, on fait de Dieu le juge de la bataille d'Azincourt, ce qui ajoute à son importance, au-delà même de son impact stratégique, finalement minime. En effet, la victoire n’empêche pas Henri V de reprendre la mer pour l’Angleterre. Les conséquences sont visibles par la suite.
De lourdes conséquences
L’impact de ce 25 octobre 1415 est donc plus politique et psychologique que militaire et stratégique. Le traité de Troyes en 1420, et le partage de la France, n’auraient sans doute pas eu lieu sans Azincourt. En revanche, malgré la leçon tactique, on ne peut pas dire que cette déroute signe totalement la fin de la bataille de cavalerie, ni même de l’idéal chevaleresque. La chevalerie française aura l’occasion de prendre quelques revanches, comme à Castillon (1453), malgré une évolution des armées et l’apparition de l’artillerie. A Marignan, en 1515, la charge de François Ier sera inspirée de cet idéal chevaleresque.
Pour les Anglais, la bataille "d’Agincourt" restera parmi l’une des plus glorieuses, prise comme modèle tant par Henri VIII que par Shakespeare.
Bibliographie
- G. Minois, La guerre de Cent Ans, Tempus, 2008.
- C. Gauvard, La France au Moyen Âge du Ve au XVe siècle, PUF, 2010.
- D. Paladilhe, La bataille d' Azincourt - 1415, Librairie académique Perrin, Collection Pour L'histoire, 2002.