La difficile accession au trône d’ Élisabeth Ire
Ce n’est pas dans les meilleures conditions qu’Elisabeth monte sur le trône en 1558. Née en 1533 à Greenwich, elle est la fille d’Anne Boleyn, deuxième femme d’Henri VIII, qui a fini décapitée sur ordre de ce dernier. La réputation plus que sulfureuse de sa mère suit la jeune princesse Elisabeth, et cela continuera une partie de son règne. Elle n’est donc pas la première sur la liste de la succession d’Henri VIII ; c’est d’abord Edouard VI et Jeanne Grey pour deux règnes courts (neuf jours pour Grey…), puis donc Marie Tudor (Marie Ire), fille d’Henri VIII et de sa première femme, Catherine d’Aragon.
Elle monte néanmoins sur le trône en 1558, et est couronnée à Westminster le 15 janvier 1559. Son statut de fille illégitime d’Henri VIII, la réputation de sa mère, mais aussi tous les complots de la période 1547-1558 auxquels elle est soupçonnée d’avoir participé plus ou moins directement, font qu’elle n’est pas une reine totalement reconnue dès son avènement.
La question religieuse
Celle qui a affiché son catholicisme (de façade sans doute) sous Marie Tudor est aussi celle qui créé l’Eglise anglicane. Il y a toutefois débat sur le rôle exact de la reine durant cette période, tout comme sur ses motivations. Elle affiche surtout un vrai pragmatisme. Cela aboutit au vote de l’acte d’Uniformité et de l’acte de Suprématie dès 1559, confirmé par les Trente-Neuf Articles en 1563. Par ces décisions, elle impose aux évêques un serment de fidélité, et devient « gouverneur suprême de l’Eglise ».
Pourtant, l’anglicanisme ne fait pas l’unanimité. Chez les catholiques évidemment (Pie V l’excommunie en 1570, et les catholiques subissent une sévère répression), qui plus est dans un contexte de tension avec l’Espagne, mais également chez certains protestants, très vite appelés les « Puritains », qui lui reprochent un calvinisme pas assez radical et trop mâtiné de papisme. Ce sont néanmoins ces ambiguïtés qui facilitent la transition religieuse en Angleterre.
Élisabeth et l'exercice du pouvoir
La façon de gouverner de la reine est elle aussi marquée par le pragmatisme. Elisabeth conserve tout d’abord l’essentiel des conseillers de Marie Tudor, mais se sépare des ecclésiastiques pour en faire un organe de gouvernement uniquement laïc. Se forme un clan autour de son conseiller principal, l’expérimenté secrétaire d’Etat William Cecil, et la reine gouverne avec ce Conseil privé. Elisabeth peut alors se consacrer à sa tâche principale, les relations avec le Parlement.
Celui-ci est moins convoqué sous le règne d’Elisabeth que sous ses prédécesseurs, mais il est plus sous contrôle. Si la reine sait s’appuyer sur le Parlement pour régler la question religieuse ou lors du conflit avec l’Espagne, elle sait aussi faire preuve d’autorité (voire d’autoritarisme) si besoin est, tandis que ses conseillers négocient habilement avec les parlementaires. Il faut donc attendre la fin de son règne pour que le Parlement commence à devenir un opposant crédible.
Le problème Marie Stuart
Pourtant, même enfermée, Marie Stuart reste dangereuse pour la reine Élisabeth. Toujours soutenue par les catholiques, et plus encore suite à l’excommunication de la souveraine en 1570, elle est soupçonnée de fomenter complot sur complot. La reine supporte la situation de nombreuses années mais doit se résoudre à la faire exécuter en 1587.
La politique internationale d’ Élisabeth Ire
Le règne d’Elisabeth est marqué par le véritable début de l’essor maritime et colonial de l’Angleterre. Cependant, elle se heurte quelques obstacles, en particulier l’Espagne.
Toutefois, l’Angleterre commence son expansion outremer. C’est le moment des explorations de Francis Drake (au tournant des années 1580), de la création de la Compagnie des Indes (1600) et de la colonisation en Amérique du Nord (création de la Virginie, en hommage à la « reine vierge », par Raleigh). Dès les années 1560, les marins anglais se lancent dans des explorations systématiques, mais aussi dans la course contre les navires portugais et espagnols, avec John Hawkins par exemple. Leurs voyages les mènent jusqu’en Russie, en Afrique, sur l’Euphrate, ou à la cour du grand Moghol en Inde.
La « Reine Vierge »
On peut invoquer plusieurs raisons, les principales étant politiques, que ce soit avec les souverains étrangers ou les nobles anglais, encore plus nombreux à lui faire la cour. La religion avait aussi son importance, et la « gouverneur » de l’Eglise anglicane ne pouvait pas se marier, par exemple, au très catholique roi d’Espagne…
Quand, au cours des années 1580, il devient certain qu’elle ne se mariera pas, et surtout n’aura pas d’enfant, il faut lui trouver un successeur. En 1601, c’est Jacques VI d’Ecosse qui est désigné, en tant qu’arrière petit-fils de Jacques IV, qui avait épousé la sœur d’Henri VIII.
Le règne d’Élisabeth Ire : un âge d’or ?
La personnalité de la reine, sa manière de gouverner, sa propre « propagande » ont contribué à en faire une reine presque mythique, vivant à une époque exceptionnelle pour l’Angleterre.
On sait cependant que, si elle a été une grande reine, Elisabeth était aussi critiquée pour son caractère colérique, son autoritarisme, ses difficultés parfois à prendre des décisions, et quelques erreurs comme l’aide aux protestants des Pays-Bas. Elle a aussi laissé un pays appauvri, et sa fin de règne est marquée par les tensions avec le Parlement, les guerres et la solitude.
Toutefois, la période élisabéthaine est aussi celle d’un grand essor artistique et culturel, l’exemple le plus célèbre étant évidemment Shakespeare. L’économie est elle aussi en pleine progression, des progrès un peu freinés par les dépenses dues aux guerres de la fin du règne. Enfin, la société connait de profondes mutations, l’agriculture doit s’adapter et le commerce maritime s’affirme, au profit principalement de la bourgeoisie.
La reine d’Elisabeth Ire s’éteint en 1603, et avec elle la maison Tudor. Jacques VI Stuart lui succède, sous le nom de Jacques Ier d’Angleterre. Au-delà du mythe de la « reine vierge », le règne d’Elisabeth est très important dans l’histoire de l’Angleterre, avec la fin de la mise en place de l’Eglise anglicane et l’expansion maritime, tout comme l’affirmation d’une culture et d’une civilisation. Et le mystère et la personnalité de la reine continuent de fasciner jusqu’à aujourd’hui.
Bibliographie
- M. Duchein, Elisabeth Ire d’Angleterre, Fayard, 1992.
- J. Chastenet, Elisabeth 1ère. Marabout, 1983.
- L. Crété, Les Tudors, Flammarion, 2010.
Pour aller plus loin
- La Reine Vierge, Elisabeth 1ère, fiction de Coky Giedroyc. First International Production, 2011.