De la IIIe Rome à l'expansion de la Russie
Pendant les siècles de suzeraineté tatare, Moscou resta tournée vers l’est, la Perse et l’Asie centrale. Par ailleurs, les Russes se trouvaient liés à l’Empire byzantin par la foi orthodoxe. Après la chute de Constantinople, conquise par les Ottomans en 1453, Moscou fut érigée au rang de troisième Rome. En épousant Zoé, nièce du dernier empereur byzantin, le grand-prince Ivan III adopta l’emblème de l’Empire byzantin, l’aigle à deux têtes.
Ivan IV (1533 à 1584) confirma cette association en se faisant couronner tsar (dérivé de “césar”, ou empereur) en 1547. À sa mort, la superficie du territoire russe avait presque doublé. Il vint à bout des Tatars et étendit la sphère d’influence russe à la Sibérie. Toutefois, ses tentatives expansionnistes à l’ouest de la Baltique se heurtèrent à la résistance de la Suède et de la Pologne. Ivan IV restreignit le pouvoir des nobles (les boyards) et s’empara de leurs terres. Il institua le règne de la terreur, durant lequel ses gardes personnels tuèrent des milliers de boyards, ce qui lui valut le surnom d’Ivan le Terrible.
Pour remédier au premier de ces obstacles, on institua le servage : les paysans se trouvèrent liés à vie à un même seigneur dans des conditions proches de l’esclavage. Les nobles, pour leur part, devinrent les serfs des tsars. Au cours du XVIe siècle les échanges commerciaux et culturels avec l’Europe prirent de l’ampleur ce qui se traduisit par l’implantation, à Moscou, d’une communauté prospère d’Occidentaux composée de marchands, artisans, artistes, intellectuels et membres du clergé.
La Russie de Pierre le grand s'ouvre sur l'Occident
De retour dans sa patrie, il réorganisa l’armée. Ensuite, en 1700, il partit en guerre contre la Suède afin de lui arracher un débouché sur la Baltique, où il fonda sa nouvelle capitale, Saint-Pétersbourg. A l’Oural, Pierre le Grand établit des fonderies de fer et de cuivre en vue d’exploiter les riches gisements de minerai de la région. Il alla jusqu’à modifier la tenue de ses sujets en ordonnant à ses courtisans de se vêtir à l’occidentale et aux nobles de se raser la barbe russe traditionnelle. Quiconque s’y refusait devait s’acquitter d’une amende.
Sous son règne, les serfs se virent imposer davantage de contraintes, dont les taxes nécessaires au financement de ses grands projets. En outre, nombre d’entre eux furent enrôlés de force à la construction de Saint-Pétersbourg, où des milliers périrent dans des conditions atroces. Pierre le Grand alla jusqu’à étendre le servage aux ouvriers de ses nouvelles usines.
L'Empire russe au XVIIIe siècle
Au cours du XVIIIe siècle, la Russie connut une lente expansion. Les Ottomans durent céder la Crimée et le sud de l’Ukraine ; Sébastopol tomba en 1783, ouvrant la mer Noire aux commerçants russes. À l’est, les marchands de fourrures sibériens franchirent le détroit de Béring jusqu’en Amérique du Nord pour; en 1784, fonder les premières colonies européennes en Alaska. Toutefois, c’est à l’ouest que la Russie annexa le plus vaste territoire. En effet, profitant de l’affaiblissement de la Pologne, elle participa, avec l’Autriche et la Prusse, à son partage entre 1772 et 1795. Puis, à l’issue des guerres napoléoniennes (voir pages 146-149), le congrès de Vienne (1815) céda le reste du royaume à la Russie.
A l’instar des autres souverains d’Europe, c’est avec inquiétude que Catherine II vit éclater la Révolution de 1789 en France. Tandis que les révolutionnaires s’employaient à diffuser leurs idées dans toute l’Europe, la Russie s’allia à l’Autriche, à l’Espagne, à la Prusse et à la Grande-Bretagne pour déclarer la guerre à la France. En 1796, Paul, fils de Catherine lui succéda sur le trône. Les initiatives excentriques de ce dernier, qui envoya par exemple un régiment de cosaques à la conquête de l’Inde, lui valurent d’être assassiné en 1801. Son fils Alexandre Ier lui succède et s’empare de la Finlande au détriment de la Suède.
En 1812, Napoléon envahit la Russie, dont l’immensité lui sera fatale. L’armée française au bord de l’anéantissement dut battre en retraite, poursuivie dans toute l’Europe par le tsar Alexandre et les alliés. En 1814, il fait son entrée à Paris, consacrant la place de la Russie parmi les grands d’Europe.
Bibliographie
- Histoire de la Russie et de son Empire, de Michel Heller. Tempus, 2015.
- La Russie impériale. L'Empire des Tsars, des Russes et des Non-Russes (1689-1917). PUF, 2019.