Quelle est l'origine de la crise de 1929 ?
La crise des années 1930 fut la plus grave de celles que connut l’économie capitaliste. Elle se déchaîna d’une manière tout à fait inattendue, au milieu de l’euphorie qu’avait suscitée la rapidité de la reconstruction après la Première Guerre mondiale. Dix ans après 1918, la production mondiale et le commerce international atteignaient des chiffres encore inégalés. Sauf en URSS, toute l’économie de l’après-guerre se développait sur la base du libéralisme économique (retour général à l'étalon-or), qui avait fait la prospérité de l’Europe au XIXe siècle. L’ampleur des progrès techniques et le succès des méthodes de rationalisation contribuaient encore à augmenter la confiance.
Durant les années 1920, les Etats-Unis connaissent une forte croissance qui permet à la production industrielle de croître d'environ 50%. Mais dans le même temps, les cours à la bourse de New-York gonflent de plus de 300% sous l'appétit insatiable des spéculateurs qui ne tiennent aucunement compte de la réalité économique. D'ailleurs, ni la productivité, ni les salaires ne reflètent cette euphorie.
Les ingrédients du désastre à venir sont rapidement réunis: les investisseurs ne cherchent plus du tout à cueillir les dividendes prélevés sur les bénéfices, fruits de la réalité de la croissance: ils achètent massivement des titres à crédit dans le seul objectif de les revendre le plus rapidement possible en se goinfrant au passage de la plus grosse plus-value possible. Les fondements de la bourse sont tout bonnement piétinés, le krach est inévitable.
Les causes du krach boursier de 1929
Signe flagrant de l'aveuglement acharné des opérateurs financiers, le cours des actions grimpe pourtant encore de plus de 100 % au cours de la même période ! Manque de liquidités, ou lent retour à la réalité ? Toujours est-il que la bourse atteint une relative stagnation à partir du mois de septembre après un gavage forcené de plusieurs mois, puis une baisse progressive dès le début du mois d'octobre.
Les gros opérateurs, qui ne voient plus de perspectives de croissances immédiates, enchainent les prises de bénéfices, dans des volumes qui deviennent de plus en plus préoccupants entre le 18 et le 23 octobre. Petit problème: sans la promesse d'une indécente plus value à très court terme, plus personne ne veut racheter des actions totalement surcotées... Plus rien ne peut empêcher le pire d'arriver.
L'effondrement du marché : le jeudi noir (24 octobre)
Le lendemain, jeudi 24 octobre 1929, est le premier jour de panique totale: plus personne ne veut acheter d'action, et tous les gros opérateurs sont en position de vente: c'est l'effondrement total des cours, -22 % à midi, un triste record vient de s'établir. Des rumeurs, démenties par la suite, parlent de suicides massifs de traders. Toujours est-il que la panique se propage et que les banques sont contraintes de racheter massivement des actions pour relever les cours. Elles parviennent à limiter la casse, la baisse en fin de journée n'étant plus que de 2%, dans un volume d'échange stratosphérique (13 millions contre une moyenne habituelle de 2,5 million). Sursaut avant la déconfiture finale, les cours restent même stables les deux journées suivants.
Avec la dérive des semaines suivantes ce sera, modestement, l'équivalent de 10 fois le budget fédéral américain qui partira en fumée, soit des milliards de dollars. En juillet 1932, l’indice de la production industrielle américaine (100 en 1929) était tombé à 48,7 ; le drame de l’agriculture se manifestait spectaculairement par l’effondrement du cours du coton (1929 : 17,65 cents; 1933 : 6 cents) et du blé (1920 : 98 cents ; 1933 : 40 cents) ; la crise bancaire atteignit son sommet au début de 1933, lorsque toutes les banques fermèrent après la proclamation d’un moratoire général. Des Etats-Unis, la crise s’était étendue rapidement à l’Amérique latine (1929/30), à l’Autriche (faillite de la Credit Anstalt, 11 mai 1931), à l’Allemagne (d’où les capitaux américains avaient été brusquement rapatriés), à la Grande-Bretagne et au Commonwealth, enfin, plus tardivement mais plus durablement, à la France (1932).
De la crise financière à la crise économique
Après la crise financière, place à la crise économique, qui frappe de plein fouet des entreprises qui auraient préféré que les crédits alloués les années précédentes soient consacrés aux investissements nécessaires à leur propre développement. La consommation des ménages dégringole. Les banques sont contraintes de fermer les vannes des crédits, ce qui fragilise encore plus les entreprises dont beaucoup font faillite. C'est un cercle vicieux : n'étant plus remboursées, les banques les plus faibles font faillite à leur tour, et les petits épargnants tentent alors de sauver leurs économies en retirant leurs avoirs auprès des banques encore en vie. Une crise bancaire se déclenche.
Ainsi, entre 1929 et 1933, le commerce mondial chute des deux tiers. La grande Bretagne est contrainte de dévaluer la livre Sterling en 1931, ce qui provoque une réaction en chaine dans tous les grands états européens. Le chômage explose. Suivant l’exemple anglais, les Etats-Unis de Roosevelt dévaluèrent le dollar (avril 1933), et le gouvernement, pour lutter contre le chômage et favoriser la reprise des affaires, inaugura le New Deal, qui consacrait l’intervention de l’Etat dans un pays qui avait été jusqu’alors la forteresse du libéralisme.
Les conséquences en France et en Allemagne de la crise de 1929
Jusqu’à l’automne 1931. la France semblait à l’abri de la crise mondiale déclenchée en octobre 1929 par le krach boursier de New York. Tout se gâte lorsque, en septembre 1931, la Grande-Bretagne abandonne l’étalon-or et laisse flotter la livre sterling sur les marchés des changes. En quelques semaines, la devise britannique perd 30 % de sa valeur : les exportateurs français sont frappés de plein fouet par cette mesure qui équivaut à réexporter la crise vers l’Europe continentale. Le gouvernement se refusant à dévaluer le franc Poincaré (malgré les conseils de certains experts comme Paul Reynaud), les dévaluations anglaise et américaine accentuèrent la disparité des prix français avec les prix étrangers.
Aussi, alors que dès la fin de 1933 la reprise se dessinait dans la plupart des pays, la crise française ne cessa de s’aggraver en 1934-1935 et l’expérience déflationniste du cabinet Laval aboutit à un échec. La victoire électorale du Front populaire (mai 1936) devait marquer le ralliement français à l’évolution dirigiste qui entraînait désormais tous les Etats. Le franc fut dévalué (octobre 1936), mais la France allait, en fait, continuer à subir la crise jusqu’à la guerre de 1939.
Dans tous les pays du monde libéral, la confiance était désormais perdue, les barrières économiques dressées avec plus de méfiance que jamais, et, pour oublier leur misère, les peuples se confiaient de nouveau aux drogues du nationalisme belliqueux. La crise ne fut pas vraiment surmontée et ses conséquences devaient aboutir à la Seconde Guerre mondiale.
Bibliographie
- Le Krach de 1929, de Maury Klein. Les Belles Lettres (1929).
- Dans les coulisses du krach de 1929, de Gordon Thomas. Nouveau monde, 2020.
- La crise économique de 1929, de John Kenneth Galbraith. Payot, 2018.
- La crise de 1929, de Bernard Gazier. Que-sais-je, 2016.