Empire britannique : une hégémonie mondiale (1815-1919)

Histoire Universelle | Le XIXe siècle

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La victoire sur Napoléon à Waterloo, le 18 juin 1815, ouvre la voie à la suprématie mondiale de l'Empire britannique. En effet, ce n’est pas vers l’Europe que la Grande-Bretagne va désormais tourner ses efforts, mais vers le reste du monde. C’est la construction de l’Empire colonial, certes déjà entamée le siècle précédent, mais qui va se confirmer tout au long du XIXe siècle, pour contribuer à la première mondialisation. Une puissance britannique qui dépasse les domaines militaire et économique, agrégeant sur tous les continents un ensemble de territoires, réunis jusqu’en 1931 par leur allégeance à la Couronne britannique.

 

L’ Empire colonial britannique

Définir le monde britannique et les frontières sans cesse mouvantes de l’Empire durant le long XIXe siècle est un débat historiographique récurrent. Sans prétendre le trancher, nous dirons que l’Empire évoqué ici est constitué de : la Grande-Bretagne (dont l’Irlande depuis 1801), les dominions (comme le Canada, l'Australie et la Nouvelle Zélande), l’Inde (« un empire dans l’Empire »), les colonies de la Couronne (en Afrique du Sud principalement), les protectorats (Egypte, Malaisie), les condominiums (sur le Soudan à la fin du siècle), les mandats pour l’après Première guerre mondiale (Palestine) et le singulier Sarawak. A cela, il faut ajouter les espaces où l’Empire exerce une influence importante, ce qu’on appelle l’Empire informel : ce sont l’Empire ottoman, l’Irak, une partie de l’Amérique latine et de la Chine. Pour résumer, l’ Empire britannique jusqu’aux débuts du XXe siècle, c’est presque le monde !
 
Les facteurs de cette puissance sont très divers, mais le Royaume Uni est dominant sur bien des plans. Il bénéficie d’abord d’un remarquable essor démographique puisque sa population passe de 10,5M en 1801 à 37M en 1901 !  Sa suprématie est ensuite militaire et navale, essentielle pour maintenir la pax britannica. Elle permet d’exercer une politique impériale qui amène à l’apogée de l’Empire en 1914 (33M de km2, 400M d’habitants), même si le contrôle de ces territoires est loin d’être direct. 
Sa puissance s’exerce également aux niveaux industriel, commercial et financier ; la Grande Bretagne dispose ainsi de la plus grande capacité de production, de négoce et de prêt. En 1815, son PNB est déjà de plus de 300M de livres ; sa production de charbon passe de 11M de tonnes en 1800 à 225M en 1900 ! La Livre est la première monnaie mondiale.
 

La domination est de plus idéologique, le mode de vie britannique s’érige en modèle. Certains parlent d’un « empire moral », avec la lutte contre l’esclavage et l’importance des missions britanniques un peu partout dans le monde. Le modèle est aussi politique, le Westminster model, qui s’exporte dans les dominions et jusqu’en Inde (création du parti du Congrès en 1885). Toutefois, il ne faut pas idéaliser ce modèle, qui fait parfois miroir déformant, comme lors de massacres coloniaux (chasse aux Aborigènes par exemple)… 

La suprématie est enfin technique. Le développement des transports (chemin de fer, navires à vapeur) et des outils de communication (télégraphe, Imperial Penny Post en 1898) favorise les échanges et le sentiment d’appartenir à une communauté. Cela permet la transmission du modèle britannique et stimule les migrations en son sein. 

Le symbole de cette hégémonie est peut-être la création des fuseaux horaires à partir du méridien de Greenwich en 1880, marquant la centralité spatio-temporelle de la Grande-Bretagne.

La puissance navale et militaire britannique

Le poids de l’armée et de la marine est plus important pour les Britanniques au XIXe siècle que pour leurs rivaux français ou allemands ; ce sont des fondements de l’Empire et de la domination britannique. La marine en particulier est indispensable pour contrôler les immenses espaces que la Grande-Bretagne prétend dominer. Se pose toutefois le problème des priorités car les moyens ne sont pas infinis : il faut trouver l’équilibre entre défendre la métropole, défendre l’Empire, et maintenir la balance of power en Europe. 

La Royal Navy tout d’abord, à laquelle est liée jusqu’en 1858 l’India Navy (de la Compagnie des Indes orientales). Ses missions : protéger les Îles britanniques et les routes maritimes ; être un instrument d’influence et de dissuasion (en 1836, face à la France, au large de la Tunisie par exemple ; ou politique de la canonnière en Chine) ; exercer des fonctions scientifiques et techniques (ethnologie, botanique, exploration en général). La Marine est très populaire.

 L’armée, quant à elle, est chargée de protéger les ports et les grandes villes, les frontières impériales, les colons (contre les indigènes, comme en Jamaïque en 1831, ou à Ceylan en 1848), et d’assurer le maintien de l’ordre dans les colonies de peuplement (émeutes à Montréal en 1832, 1849 et 1853), tout comme en métropole. Cela contribue à lui donner une image moins positive que celle de la Marine. Elle est de plus clivée entre des hommes de rang recrutés dans les classes défavorisées (dont beaucoup d’Irlandais), et des officiers issus de l’aristocratie (les fighting families).
 

La politique navale et militaire de la Grande-Bretagne évolue au cours du XIXe siècle. Entre 1815 et 1840 se met en place le système impérial, dans le contexte post-french wars, ce qui amène à une baisse de budget (de 45M à 8M entre 1815 et 1837). L’Empire développe ses bases stratégiques et ses points d’appui, comme Gibraltar, Singapour, Aden ou Hong Kong. La période 1840-1880 est celle d’une réorganisation rendue nécessaire par une suite d’affrontements.

En 1853, sont déployés 27000 hommes en Inde, 23000 aux Antilles et en Asie, 50000 dans les colonies de peuplement, ce qui amoindrit la présence en Europe à la veille de un congrès à Berlin, en juillet 1878 et relance la peur de l’invasion avec l’arrivée au pouvoir en France de Napoléon III. On rapatrie alors des troupes en métropole, en faisant confiance aux colonies de peuplement (qui ne sont pas forcément d’accord). C’est également à cette époque que se développe la politique britannique de la canonnière, qui consiste à bombarder des côtes pour ouvrir des marchés.

La Chine est touchée en 1860, tout comme la Jamaïque (1865) et le Kenya (1875, contre les marchands d’esclaves). L’Empire développe parallèlement de nouveaux réseaux : canal de Suez (1869), liaison télégraphique (Malte-Alexandrie en 1859 ; Grande-Bretagne-Inde en 1863 ; Grande-Bretagne-Amérique en 1865). La dernière période est marquée par la course aux armements et des défaites en série : Isandlwana contre les Zulus (1879), Maiwand contre les Afghans (1880), plus les guerres contre les Boers (22000 soldats tués, coût de 300M de livres). La puissance navale britannique est alors contestée, et le Naval Defence Act (1891) est décrété pour que la Grande-Bretagne possède toujours une flotte supérieure aux deux autres principales puissances maritimes réunies. 

La Grande-Bretagne, en ce début de XXe siècle, décide de développer des alliances pour rationaliser la défense de l’Empire. Elle y parvient avec la France (1904) et la Russie (1907), mais échoue avec l’Allemagne, devenue sa rivale dans le domaine industriel.  

L’expansion britannique en Asie 

Quand on pense « Empire britannique », c’est souvent l’Inde qui revient. Pourtant, si celle-ci a été le joyau du monde britannique, la puissance de ce dernier s’est exercée dans toute l’Asie, sous différentes formes, et pas toujours dans la facilité, y compris aux Indes.

La situation en Europe a contribué à l’expansion britannique dès le XVIIIe siècle. En effet, suite à la Guerre de Sept Ans, le traité de Paris (1763) permet à la Grande-Bretagne de récupérer non seulement le Canada, mais également de consolider sa présence dans le sous-continent indien, même si la France y reste présente (à Pondichéry). 

Le principal outil de cette expansion est une compagnie commerciale, l’East India Company ,qui, depuis son siège de Calcutta, exerce un monopole commercial sur la région. En 1784, est signé l’India act entre le gouvernement britannique et la Compagnie. L’EIC agit de concert avec des autorités indiennes qui s’allient aux Britanniques et qui fournissent des troupes, dès les années 1750. Des castes nobles, les Cipayes, composent alors l’essentiel des armées de la Compagnie. Ces alliances constituent le socle du British Raj

L’Inde, le joyau de la couronne

Les Britanniques « créent » l’Inde comme un empire, suite à l’effondrement des Moghols et des derniers états indépendants (troisième guerre marathe, en 1817), puis par les alliances locales. En 1805, ils ont conquis Dehli et mis sous tutelle le seigneur moghol. Dix ans plus tard, c’est Ceylan qui tombe sous la coupe britannique puis, en 1816, un accord donne l’indépendance au Népal en échange d’un accès aux montagnes. Tout au long de cette période, les Britanniques ont joué des divisions entre seigneurs indiens, tout en s’appuyant sur l’EIC.

A partir de ce moment, la Grande-Bretagne contrôle l’Inde depuis Calcutta, Bombay et Madras, confirmant sa puissance dans les années 1850 en vainquant les Sikhs (annexion du Pendjab). En 1858, l’EIC étant dissoute, lui succède un vice-roi. En effet, la domination britannique est fragile, et éclate en 1857 la révolte des Cipayes, ou Grande Mutinerie, une contestation au sein des armées indiennes, où se retrouvent musulmans et hindous, et qui met en péril la présence britannique dans la région. La répression est féroce, et la rébellion anéantie l’année suivante.

Le gouvernement et la reine Victoria décident alors de reprendre la main en dissolvant l’EIC et en plaçant l’Inde directement sous gouvernance britannique. En 1876, Victoria est « impératrice des Indes ».

La périphérie des Indes 

La réussite est plus contrastée dans les régions qui entourent l’Inde. Si, comme nous l’avons dit, le Népal et Ceylan sont finalement contrôlés plus ou moins directement, la situation est bien plus difficile en Birmanie et en Afghanistan. 

Dès la fin des années 1830, l’ Empire britannique a connu des difficultés dans sa volonté de contrôler l’Afghanistan, pour contrer l’expansion russe dans la région par la constitution d’un glacis. En 1842, c’est le célèbre désastre de Khyber Pass, où l’armée britannique est exterminée. Il faut attendre plus de trente ans, et la crise avec les Russes dans les Balkans, pour que l’Empire tente à nouveau de conquérir l’Afghanistan. La deuxième guerre afghane (1878-1881) se solde par un nouvel échec (avec la bataille de Maïwand, où le Watson de Conan Doyle est blessé). Toutefois, l’avancée russe conduit finalement l’émir de Kaboul à signer des accords avec les Britanniques au début des années 1890. 

En Birmanie, les problèmes ont commencé dès la fin du XVIIIe siècle et, en 1818, les Birmans prennent Assam (à l’est de l’Inde). Les Britanniques la récupèrent suite à un accord intervenu après la première guerre birmane (1824-1826), dont l’enjeu est le contrôle du golfe du Bengale. En 1852, une seconde guerre permet à l’Empire de mettre la main sur Rangoon. Puis, à la fin des années 1880, la Haute-Birmanie est rattachée à l’empire des Indes pour contrer l’avancée française en Indochine. Les Britanniques décident alors de consolider leurs positions en Asie du Sud-est.

Au Nord, enfin, se pose le problème du Tibet autour du Sikkim. Les tensions, dans lesquelles entre la Chine, durent jusqu’au début du XXe siècle. En 1904 est finalement signé un traité à Lhassa, qui ouvre le Tibet au commerce britannique. 

L’influence britannique en Asie du Sud-est

La présence britannique en Malaisie date de la fin des années 1780. La région est constituée d’Etats princiers et de sultanats avec lesquels l’Empire joue le même jeu qu’aux Indes, mélange d’alliances et d’offensives. 

C’est encore le contexte européen qui contribue à l’expansion britannique. Les Hollandais, présents en Asie du Sud-est depuis le XVIe, en contrôlant entre autres Malacca, s’allient aux Français en 1795, justifiant l’intervention britannique. Le congrès de Vienne (1815) enfonce le clou, malgré quelques rétrocessions. En 1819, est créé le port stratégique de Singapour, consolidé en 1824 par l’acquisition de Malacca, suite à des échanges de territoires avec les Hollandais. Dès 1841, les Britanniques s’implantent à Sarawak, mais il faut attendre quarante ans pour que ce petit Etat soit annexé, tout comme Bornéo et Brunei. Enfin, au début du XXe siècle, les derniers Etats malais et le Siam renoncent aussi, et passent sous protectorat britannique. 

Les relations avec la Chine

Les relations entre l’Empire et la Chine sont plus complexes, bien que l’Empire du Milieu soit l’un des objectifs principaux des Britanniques. 

La guerre de l’opium, parfois expliquée par la perte du monopole de l’EIC sur le commerce de la région, éclate en 1840, suite à l’échec diplomatique visant à « ouvrir » la Chine au commerce. Par le traité de Nankin (1842), les Britanniques obtiennent l’île Victoria (Hong Kong) et l’ouverture de cinq ports chinois (dont Shanghai).

La situation se complique avec une menace de guerre civile en Chine, suite à l’installation des Taipings à Nankin entre 1843 et 1845. Cela annonce la révolte qui éclate en 1851 et met à mal la dynastie régnante en Chine, les Qing. Britanniques, mais aussi Français, tentent alors d’en profiter, mais la situation n’est guère favorable au commerce, surtout qu’éclatent d’autres « guerres de l’opium » dans les années 1858-1860, dont l’une où le palais d’été impérial est attaqué. Finalement, les Européens aident les Qing à écraser la révolte des Taipings en 1864-1865. Cela leur permet de voir la Chine s’ouvrir, contrainte, au commerce et au « libre-échange ». 

La fin du siècle confirme la domination de la Chine, dans un contexte de concurrence entre Européens, surtout que les Qing ont échoué au Japon (1894-1895) et sont encore plus affaiblis. La Grande-Bretagne est le créancier de l’Empire du Milieu, et installe ses zones d’influence et ses points d’appui sur les côtes chinoises, entrant peu dans les terres. Cet effort britannique est toujours à situer dans le « Grand Jeu », en particulier avec les Russes, comme le confirme l’accord signé avec le Japon en 1902. La révolte des Boxers (dont le siège de Pékin en 1900) et la fin de la dynastie Qing en 1912, qui fait place à la République de Chine, ne changent pas la donne. 

L’Asie et le joyau indien sont donc bien une part majeure de l’ Empire britannique, surtout avant sa conquête de l’Afrique. On peut y voir la diversité des systèmes de domination, plus ou moins indirecte, que la Grande-Bretagne met en place pour imposer son influence et son commerce de libre-échange.

« La question d’Orient »

Le Moyen-Orient tient une place à part dans la politique de l’ Empire britannique au XIXe siècle et au début du XXe, jusqu’à la Première Guerre mondiale. S’il ne fait pas à proprement parler partie du « monde britannique », il n’en est pas moins un enjeu important, voire central, dans le Grand Jeu avec la Russie, puis lors de la guerre, comme le montre l’aventure de Lawrence d’Arabie. De la Méditerranée orientale à l’Afghanistan, en passant par l’Egypte et le golfe Persique, découverte d’un « grand Moyen-Orient » sous influence britannique jusque dans les années 1930.

Si la Grande-Bretagne domine depuis longtemps la Méditerranée occidentale (prise de Gibraltar en 1704), il faut attendre la fin des guerres napoléoniennes et le congrès de Vienne (1815) pour qu’elle se tourne vraiment vers la Méditerranée orientale, le Levant. Toutefois, elle doit d’abord régler « la question d’Orient », notamment dans le cadre d’une rivalité croissante avec la Russie. Cette eastern question concerne avant tout l’Empire ottoman qui, dès la fin du XVIIIe siècle (perte de la Crimée au profit de la Russie en 1774), a commencé à tomber dans une spirale négative, qui ne cesse de s’aggraver au XIXe siècle.

La guerre d’Indépendance grecque est un tournant car, après une certaine neutralité au début des années 1820, les puissances européennes –parmi lesquelles, évidemment, la Grande-Bretagne – entrent en jeu en 1827, et contribuent à l’indépendance de la Grèce en 1830. Mais les Britanniques doivent dès l’année suivante réagir à l’arrivée au pouvoir en Egypte de Muhammad Ali, puis en 1833 à l’alliance entre la Russie et la Turquie. Une perte d’influence de l’Empire sur l’Egypte menace les intérêts britanniques aux Indes, et selon lord Palmerston et le Foreign office la question des détroits doit rester européenne. 

Entre interventions militaires et diplomatie

Commence alors une intense activité diplomatique et militaire des Britanniques pour conserver un certain équilibre au Levant. D’abord, restreindre le pouvoir de l’Egypte de Muhammad Ali, avec la prise d’Aden en 1839. Puis, l’année suivante, alors que les tensions avec la France augmentent autour de la question égyptienne, s’opère un rapprochement avec la Russie au traité de Londres. Cela permet de casser les ambitions de l’Egypte en Syrie, et d’ainsi aider l’Empire ottoman face aux ambitions de Muhammad Ali et de son fils Ibrahim Pacha. Entre temps, la Grande-Bretagne et La Porte ont signé le traité de Balta Liman (1838), renforçant la puissance économique britannique dans la région, et son influence sur la Turquie. 

Durant les années 1840, la Grande-Bretagne augmente cette influence au Levant grâce au libre-échange et à un réseau de clientèles régionales (Druzes, Arméniens,…). Le principal rival semble alors être la France, qui commence à connaître des réussites en Méditerranée occidentale. Se développent chez les Britanniques les French scares, qui conduisent entre autres au renforcement des fortifications de Malte (sous contrôle de l’Empire depuis 1800). Pourtant, c’est à nouveau la Russie qui change la donne.

D’abord lors de son conflit avec la France sur la gestion des Lieux saints (1852), puis surtout quand la Russie envahit les provinces ottomanes du Danube en 1853. C’est le début de la guerre de Crimée, dans laquelle la Grande-Bretagne s’engage aux côtés de la France et de l’Empire ottoman. En effet, les Britanniques ne veulent pas de l’influence russe dans la région, qui pourrait menacer jusqu’à la Perse et, de plus, ils tiennent aux réformes conduites par La Porte, positives pour le commerce et donc la puissance économique de l’Empire. Le traité de Paris (1856) met fin à la guerre, dont sortent vainqueurs la France et la Grande-Bretagne, qui renforcent leur présence dans la région, mais aussi leur tutelle sur l’Empire ottoman. 

La fin des années 1870 est une nouvelle période de crise pour la Turquie : révolte en Herzégovine, puis en Bosnie et en Bulgarie (1875-1876), banqueroute en 1876, déclaration de guerre de la Russie l’année suivante,…Le chancelier allemand Bismarck réunit un congrès à Berlin, en juillet 1878. Sont entérinées les indépendances de la Serbie, du Monténégro et de la Roumanie, alors que la « Grande Bulgarie » est scindée en deux entités (Bulgarie et Roumélie). Les Britanniques, qui ont participé au congrès avec Disraeli pour contrer l’influence russe, sont satisfaits et obtiennent même la tutelle sur Chypre. Mais cette crise a montré que l’Empire ottoman n’était vraiment plus fiable, ce qui pousse l’ Empire britannique à « abandonner Istanbul pour Le Caire »

L’Egypte : la clef stratégique

Si la période Muhammad Ali avait été néfaste pour l’influence britannique en Egypte, la fin des années 1850 constitue un nouveau tournant. L’Empire a alors comme rivale la France, autour de la question du canal du Suez, dont le projet est vu d’un mauvais œil par lord Palmerston. Néanmoins, la politique du Foreign office ne parvient pas à empêcher la réussite du projet en 1869, et le choix est alors fait de s’y associer avec l’achat au khédive égyptien de ses actions en 1875. La France doit faire avec, même si elle reste toujours majoritaire dans la Compagnie du canal de Suez.

 La banqueroute ottomane de 1876, puis celle de l’Egypte ensuite, renforcent l’influence étrangère, et particulièrement britannique. Cela provoque des réactions nationalistes, comme celle d’Urabi en 1878. La Grande-Bretagne intervient en bombardant Alexandrie, puis en occupant le pays en 1882. Les Britanniques ne peuvent cependant pas pousser jusqu’au Soudan, pour le moment (révolte du Mahdi en 1885). Le divorce avec la France est consommé, et un accord avec l’Autriche et l’Italie est signé en 1887.
 

De fait, l’Egypte devient un protectorat britannique, même si elle ne l’est officiellement qu’en 1914. La Grande-Bretagne profite de cette position pour contrôler les ambitions allemandes dans la région au début du XXe siècle, et servir les intérêts britanniques dans la question des détroits. L’Egypte tient évidemment lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale une place décisive. 

De l’Irak à l’Afghanistan  

Le Grand Jeu qui oppose les Britanniques aux Russes ne se joue pas seulement en Méditerranée orientale, mais également aux portes de l’Inde. L’Empire britannique veut contrer l’avancée de la Russie en créant un glacis autour de son joyau indien mais, dès les années 1830, les difficultés s’accumulent à cause de la résistance de l’Afghanistan. C’est d’abord le désastre de Khyber Pass (1842), puis celui de Maiwand (1880). Finalement, c’est par la diplomatie que les Britanniques l’emportent en convainquant l’émir de Kaboul d’un accord au début des années 1890. 

En Mésopotamie, où l’Empire ottoman n’exerce qu’un contrôle symbolique, la Grande-Bretagne est présente depuis la deuxième moitié du XVIIIe siècle (Bassorah en 1764, Bagdad en 1798). La région est indispensable dans la protection de la route des Indes, et les Britanniques n’hésitent pas à transformer les émirats côtiers du golfe Persique en protectorats, souvent sous le prétexte de combattre la piraterie. Les accords avec le Koweït, signés en 1899, sont dans cet esprit. On peut alors parler d’une « pax britannica » dans la péninsule Arabique. 

Mais la rivalité allemande au XIXe siècle menace les intérêts britanniques ; ce sont les projets du Bagdadbahn, ou du chemin de fer du Hedjaz au début du XXe siècle. Il faut en fait attendre la Première Guerre mondiale pour que les Britanniques prennent vraiment l’ascendant dans la région. 

La guerre au Moyen-Orient : Lawrence d’Arabie 

Quand la Première Guerre mondiale éclate, le Moyen-Orient est un enjeu fondamental pour la Grande-Bretagne pour de nombreuses raisons. Au-delà du combat contre l’Empire ottoman, allié de l’Allemagne, il faut se placer dans la région pour continuer à contrôler la route des Indes, mais aussi rattraper un certain retard sur des enjeux stratégiques nouveaux comme le pétrole. Par rapport aux Américains, les Britanniques ne se « placent » que dans la deuxième moitié du XIXe siècle, et au début du XXe, malgré la création de Shell dès 1833. En mai 1914, le premier lord de l’Amirauté, Winston Churchill, achète 51% des parts de l’Anglo-Persian Oil Company (créée en 1909) pour contrôler une ressource devenue indispensable pour la flotte britannique (passée au mazout en 1913), et donc pour l’Empire. L’essentiel des gisements se trouve alors en Perse. 

Les débuts de la guerre au Moyen-Orient ne pas sont pas très bons pour les Britanniques, avec notamment le désastre des Dardanelles en 1915. Même en Egypte, leur pouvoir est contesté et ils doivent instaurer la loi martiale en 1914. Dès la fin de l’année 1914, des troupes venues d’Inde arrivent en Irak, mais elles sont incapables de l’emporter et, pire, sont défaites en avril 1916 ! Le général Allenby transfère alors ses efforts dans le Sinaï, puis en Palestine, en prenant Gaza et Jérusalem entre mars et décembre 1917.

Il peut bénéficier du front ouvert en Arabie grâce à l’action diplomatique puis militaire du lieutenant Thomas Edward Lawrence, connu plus tard sous le nom de Lawrence d’Arabie. Celui-ci est engagé volontaire en 1914, et il travaille au Renseignement au Caire.

En 1916, il est envoyé comme émissaire auprès de l’émir Fayçal au moment où éclate la révolte arabe. Bien accepté par les Arabes, il est l’un des leaders des offensives dans le Hedjaz, où il s’illustre en isolant la garnison turque de Médine, puis en prenant le port d’Aqaba en juillet 1917. Il rejoint ensuite Allenby en Palestine puis, avec ses alliés arabes, prend Damas et Alep en octobre 1918. Entre-temps, une nouvelle offensive britannique a permis la prise de Bagdad (11 mars 1917). Mais l’engagement de la Grande-Bretagne dans la région a des conséquences très importantes bien après la guerre. 

Sionisme et le nationalisme arabe 

Le projet sioniste apparaît à la fin du XIXe siècle, dans le contexte des pogroms d’Europe de l’est, qui provoquent une première alya en Palestine, dans les années 1880-1890. Le fondateur du sionisme, Theodore Herzl, veut créer un Etat juif, comme il l’affirme à la suite du congrès de Bâle en 1897. Ce projet est rapidement vu comme une menace par les Arabes, surtout après la première alya.

Quelqu’un comme Rachid Rida (qui inspirera les Frères musulmans), dès 1902, voit dans le sionisme un projet visant à s’emparer de la souveraineté politique en Palestine. La seconde alya intervient en 1914, faisant passer le yichouv (foyer juif) à plus de 80 000 personnes. Les Britanniques s’engagent alors dans un double-jeu, soutenant d’un côté le sionisme, et de l’autre le nationalisme arabe.

L’accord Sykes-Picot, d’abord, signé en mai 1916, juste avant la révolte arabe, par le Français Georges Picot et le Britannique Mark Sykes. Ratifié par les ministres des Affaires Etrangères des deux pays, il est également soumis à l’approbation de la Russie. Cet accord se veut dans la lignée des discussions entre le chérif Hussein et McMahon, et il ouvre la voie vers « un Etat arabe indépendant ou une confédération d’Etats arabes » que la France et la Grande-Bretagne seraient disposées à reconnaître. Toutefois, l’accord reste secret et les partisans d’Hussein l’ignorent quand ils lancent leur révolte. L’autre aspect de l’accord Sykes-Picot est de faire de la Palestine un régime d’internationalisation garanti par la Russie, alors que France et Grande-Bretagne revendiquent ce territoire… 

L’évolution de la guerre modifie la situation, notamment en Palestine justement. Alors que les sionistes avaient espéré un temps le soutien des Ottomans, ils se tournent finalement vers les Alliés, avec par exemple des combattants juifs engagés en tant qu’unité dans l’armée impériale. Puis, ce sont des responsables britanniques qui commencent à s’intéresser aux avantages que pourrait amener un soutien au sionisme, surtout dans les rapports avec les Etats-Unis.

Le retrait de la guerre de la Russie change la donne de l’accord Sykes-Picot, c’est le moment décisif qui conduit à la déclaration Balfour du 2 novembre 1917. Elle est adressée à lord Rothschild, de la fédération sioniste anglaise, et soutient l’établissement d’un Foyer national juif en Palestine. Les populations arabes de la région sont désignées comme des « communautés non juives », dont les droits religieux et civils devront être garantis, mais leur statut de peuple et leurs droits politiques ne sont pas mentionnés. 

La situation se complique après la guerre, dans le contexte des rivalités franco-britanniques dans la région. Les Arabes souhaitent l’unification de la Syrie, du Liban et de la Palestine avec comme roi Fayçal, fils du chérif Hussein. Mais la conférence de San Remo en avril 1920 attribue les mandats de Syrie/Liban et de Palestine/Mésopotamie respectivement à la France et à la Grande-Bretagne. Les violences commencent en Palestine. Un soulèvement nationaliste éclate en Irak en 1920, et les Britanniques en profitent pour donner le trône à Fayçal en 1921, en compensation de la Syrie, et la Transjordanie à son frère Abdallah. En Arabie, les Britanniques perdent la main quand, en 1925, leur allié Hussein est défait par les Saoud, dont les Américains vont rapidement se rapprocher… 

En Palestine, les tensions ne cessent de monter entre Juifs et Arabes à mesure que l’immigration juive augmente (la population juive a doublé entre 1919 et 1929). Les Britanniques s’engagent à protéger les Palestiniens non juifs, et en 1930 tentent en vain de limiter l’immigration juive. Le conflit israélo-palestinien est en germe. 

La situation en Egypte n’est pas tellement meilleure. L’influence et la présence britanniques ont exacerbé le nationalisme, et Saad Zaghoul fonde le parti Wafd pour réclamer l’indépendance. Celle-ci est proclamée en février 1922, et le sultan Fouad devient roi d’Egypte, contre l’avis du Wafd cependant. L’indépendance ne signifie pas la fin de la tutelle de la Grande-Bretagne, ni des tensions, et la création des Frères musulmans par Hassan el-Banna en 1928 se fait en grande partie sur le rejet des Britanniques. 

Le Moyen-Orient tient donc une place à part dans le monde britannique au XIXe siècle et dans la première partie du XXe siècle. Sa position stratégique, sur la route des Indes, pousse l’Empire à intervenir régulièrement et à se maintenir par tous les moyens (souvent économiques, et de plus en plus militaires), dans le contexte des rivalités avec la Russie, mais aussi la France, et évidemment l’Empire ottoman. Les décisions politiques de la Grande-Bretagne, notamment aux débuts du XXe siècle, en Palestine, en Egypte ou en Irak, ont des conséquences jusqu’à aujourd’hui.  

L' Empire colonial britannique en Afrique

L’Afrique tient une place moins importante que l’Inde ou le Canada dans le monde britannique du XIXe siècle, mais elle devient la grande affaire des années 1890-1900, notamment dans le contexte d’une rivalité avec la France. La pénétration britannique dans le continent africain est donc lente, dictée par des raisons très diverses, et pas sans opposition, l’exemple de la guerre des Boers étant loin d’être le seul. Au début du XXe siècle, l’axe Le Cap-Le Caire est constitué, et la Grande-Bretagne exerce son influence sur une grande partie de l’Afrique.

Les premiers contacts avec l’Afrique

Dès la fin du XVIe siècle, des marchands britanniques sont présents en Gambie (James Island), grâce son fleuve navigable. La Compagnie Royale Africaine est fondée en 1678 et construit un fort en Gambie. En 1787, la Sierra Leone est créée pour accueillir des esclaves affranchis ; elle devient colonie britannique en 1808.

La lutte contre la Traite et l’esclavage devient un prétexte pour intervenir en Afrique. En 1833, l’esclavage est aboli dans les possessions britanniques, et les abolitionnistes décident d’imposer cette décision aux autres puissances européennes, mais aussi aux souverains africains. A partir de la Sierra Leone, l’escadre British West African Squadron a pour mission d’arraisonner les navires transportant des esclaves. Cette politique permet aux Britanniques de s’installer plus solidement dans la région, y compris dans l’actuel Ghana (Gold Coast). Puis, elle se diffuse dans toute l’Afrique, et est en partie à l’origine de la guerre des Boers. Nous y reviendrons.

L’autre moyen pour découvrir l’Afrique, et qu’il ne faut pas négliger, est l’exploration. Dès 1770, James Bruce découvre les sources du Nil bleu, puis Mungo Park explore le Niger au début du XIXe siècle. La cité de Tombouctou est découverte par Alexander Gordon Laing en 1825, tandis que Richard et John Lander descendent le Niger jusqu’à la mer (1830). En 1862, John Speke et James Grant identifient la source du Nil au lac Victoria et, deux ans plus tard, David Livingstone atteint le lac Nyassa, puis les Grands Lacs au début des années 1870.

Entre explorations et installations progressives, manœuvres militaires et diplomatiques, les Britanniques rencontrent de plus en plus de résistance.

Les résistances à la pénétration britannique en Afrique

L’ambition de la Grande-Bretagne en Afrique se heurte à plusieurs résistances. D’abord des souverains africains qui ne veulent pas cesser l’esclavage. C’est le cas, par exemple, avec le roi de Lagos (Nigéria), Oba Kosoko, qui refuse de stopper la Traite. Les Britanniques prennent ce prétexte pour intervenir en aidant le frère du roi, Oba Akitoye, à recouvrer son trône. Cela conduit à l’installation d’un consul britannique à Lagos en 1853, puis à la création du protectorat en 1861.

L’autre grande résistance à l’ Empire britannique est plus connue : ce sont les Zulus. Ces derniers menacent les Boers, qui ont accepté d’être intégrés à l’Empire en 1877. Deux ans plus tard, la Grande-Bretagne doit régler « le problème zulu ». Cela commence très mal par la débâcle d’Isandhlwana (22 janvier 1879), où plus de 20 000 guerriers zulus massacrent un millier de soldats britanniques. Malgré la résistance à Rorke's Drift quelques heures plus tard, il faut attendre le 4 juillet de la même année pour que les Zulus soient définitivement défaits, à la bataille d’Ulundi.

La poussée britannique à partir de l’Egypte est quant à elle un temps contrariée par la révolution mahdiste qui éclate au Soudan en 1882. Le soulèvement intervient à l’initiative de Muhammad Ahmad Abd Allah, autoproclamé mahdi (imam caché dans l’islam chiite), qui s’empare de Khartoum en 1885. Le Soudan était censé être sous administration ottomane, mais il était en fait gouverné par un Britannique, Charles George Gordon, ou Gordon Pacha (immortalisé au cinéma par Charlton Heston), qui est tué lors de la prise de Khartoum.
Echaudés, les Britanniques attendent 1896 pour achever la conquête du Soudan, qui devient trois ans plus tard un condominium anglo-égyptien. C’est dans ce contexte qu’éclate la crise de Fachoda qui oppose la Grande-Bretagne et la France en 1898. Une crise qui manque de peu de tourner à la guerre ouverte entre les deux puissances coloniales.
 

Le cas du Basutoland, enfin, est très singulier. Sous Moshoeshoe, le royaume de Sotho bénéficie d’une assemblée représentative, et n’est ainsi pas spécialement influencé par la modernité prônée par la Grande-Bretagne, et qui l’aide en partie à accroître son emprise en Afrique. Le royaume de Sotho résiste donc un temps, non seulement aux Britanniques mais également aux Zulus et aux Boers. Ils doivent toutefois demander l’aide de la Grande-Bretagne contre ces derniers en 1868, et deviennent ainsi un protectorat. Trois ans plus tard, ce qui est à présent le Basutoland est mis sous l’autorité du Cap, provoquant le mécontentement des habitants.

En 1881, ils se soulèvent contre l’Empire et ont gain de cause en obtenant qu’aucun colon blanc ne vienne s’installer sur le territoire. Le Basutoland ne sera ainsi jamais annexé par les Britanniques, et les chefs locaux y conserveront un pouvoir important.

La guerre des Boers

Entre 1795 et 1815, le Cap passe successivement entre les mains de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas, avant de définitivement devenir colonie britannique. La politique impériale est alors marquée par une volonté d’angliciser le territoire par l’immigration et l’introduction des lois britanniques. Cela provoque évidemment de vives tensions avec les colons hollandais, appelés Afrikaners ou Boers.

C’est néanmoins la question de l’esclavage qui met véritablement le feu aux poudres. Refusant d’émanciper leurs esclaves, les Boers entament le Grand Trek (1836-1844), une migration vers le Natal, puis l’intérieur des terres. Les Britanniques reconnaissent l’Etat libre d’Orange et du Transvaal dans les années 1850. Mais en 1877, la Grande-Bretagne annexe le Transvaal, en profitant de la menace zulu. Une fois celle-ci écartée, les Boers se rebellent contre les Britanniques, qu’ils battent à Majuba, le 6 mars 1881.

L’arrivée massive d’immigrants britanniques attirés par les gisements aurifères, et le refus du gouvernement afrikaner de Paul Krüger de leur accorder des droits politiques, provoque de nouvelles tensions. Les Britanniques réagissent par le Cecil Rhodes, qui contrôle la Rhodésie et le Cap, et soutient le raid Jameson en 1896 afin de renverser le gouvernement du Transvaal. La guerre des Boers éclate véritablement en 1899, avec pour enjeu principal les droits des Uitlanders, les immigrés britanniques.
 
Elle se déroule principalement en trois phases : de fin 1899 à début 1900, période de victoires des Boers ; de janvier à août 1900, quand la Grande-Bretagne envoie des renforts et lève des sièges, avant de prendre Johannesburg et Pretoria ; de septembre 1900 à mai 1902, où les Boers choisissent la guérilla, à laquelle les Britanniques répondent par une répression féroce. La paix est finalement signée le 31 mai 1902, à Vereeniging. Les Boers obtiennent un statut d’autonomie, tout en reconnaissant la souveraineté britannique.

Scramble for Africa

Les anglais s’installe véritablement en Afrique à partir des années 1880. Il se base sur ses deux principaux points d’appui, Le Caire et le Cap, et sur les décisions de la conférence de Berlin (1884-1885). Une fois encore, comme souvent dans l’expansion de l’Empire, le libre-échangisme est un moyen ou un prétexte pour prendre possession de façon plus ou moins directe de territoires. Cet axe Cape to Cairo est notamment défendu par Cecil Rhodes, un entrepreneur qui a fait fortune dans le diamant.

En Afrique de l’Ouest, c’est la National African Company qui mène l’expansion, avec un protectorat commercial dans le delta du Niger (1885) et en Gambie (1893). Le concurrent principal est alors la France. L’Afrique orientale est une rivalité contre l’Allemagne, mais la Grande-Bretagne met la main sur l’Ouganda dans la première moitié des années 1890, puis au Kenya. La création du condominium du Soudan, déjà évoquée, se situe dans le prolongement. Au Sud, outre le Basutoland, on peut citer le Bechuanaland (Botswana), protectorat en 1885, puis la Rhodésie du Sud (Zimbabwe) et du Nord (Zambie), toujours sous l’influence de Cecil Rhodes…Enfin, la réunion de deux territoires sous le nom de Nigéria en 1914 achève l’expansion britannique en Afrique.

Premières installations à visée commerciale, puis lutte contre l’esclavage, explorations, promotion du libre-échangisme et enfin actions plus strictement militaires en pleine période de concurrence coloniale entre Européens, ont ainsi conduit à faire de l’Afrique une part non négligeable, même si tardivement intégrée, de l’ Empire britannique et dont les conséquences ont été décisives au XXe siècle, notamment en Afrique du Sud. En revanche, des recherches récentes effectuées par des historiens de Paris I tendraient à réfuter l’idée longtemps diffusée selon laquelle les Britanniques auraient eu une influence décisive sur la définition des frontières des pays africains, enjeux de conflits contemporains. Dans une grande partie des cas, ils se seraient grandement inspirés de frontières existantes. 

La puissance économique et industrielle de l' Empire britannique 

Au XIXe siècle, l’Empire est la première puissance commerciale mondiale en volume. Elle le doit d’abord à son industrialisation, dès la fin du XVIIIe siècle et jusqu’aux années 1840. C’est la période de la révolution industrielle, avec l’organisation de la production, du développement de l’industrie du textile, des biens de consommation, puis du chemin de fer et de la métallurgie.

La puissance britannique se mesure par son taux d’exportation, avec globalement une montée de ce taux tout au long du siècle. A la veille de la Première guerre mondiale, l’Angleterre exporte environ un quart de sa production. Le tournant a lieu autour de 1840, quand l’économie britannique devient vraiment une économie d’exportation, alors qu’auparavant c’était plutôt : « d’abord à la maison, plutôt qu’à l’étranger » (Deane et Cole).
 
Dans le surplus des richesses de l’Empire, la part du commerce est de 10% en 1820, de 20% en 1880 et de 50% avant 1914. Les Britanniques exportent principalement des produits manufacturés (« l’atelier du monde »), et importent des matières premières et des denrées alimentaires. A la fin du XIXe siècle, la Grande-Bretagne commence à subir la concurrence allemande sur les produits manufacturés, et doit même en importer. 
 

La balance commerciale est déficitaire, condition indispensable cependant à un bon système international de balance des paiements. Le Gold standard assoie la domination de la livre, monnaie indexée à l’or, ce qui permet à la City de devenir la première place financière mondiale, et aux banques britanniques d’être les instruments de cette puissance. 

Les années 1840 voient aussi la doctrine du libre-échange s’imposer. En effet, contrairement aux idées reçues, le processus est long et les débats politiques animés. L’agriculture est sacrifiée au bénéfice de l’industrie (abrogation des corn laws en 1846), et sont votées l’abrogation des actes de navigation (1849) et des préférences impériales (1850). La Grande-Bretagne essaye ensuite de convertir d’autres pays au libre-échange ; c’est par exemple le traité Cobden-Chevallier, signé avec la France en 1860. La Dépression des années 1870 freine toutefois l’élan, et les années 1930-31 voient le retour du protectionnisme, suite au krack boursier de 1929, mais également à cause de la concurrence allemande et américaine. 

Le XIXe siècle, jusqu’à la Première guerre mondiale, est bien le siècle de l’ Empire britannique. Celui-ci assoit sa domination d’une manière originale, souvent indirecte, principalement par l’intermédiaire du commerce et d’une politique impériale qui ne cesse d’évoluer et de s’adapter au cours du siècle.

 Bibliographie

 

- P. Chassaigne, La Grande-Bretagne et le monde de 1815 à nos jours, A. Colin, 2009. 

-J. Weber, Le siècle d'Albion : L'Empire britannique au XIXe siècle 1815-1914. Indes savantes, 2011.

- F. Bensimon, L'Empire britannique. « Que sais-je ? PUF 2014.

 

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