La campagne du Maryland
Alors que l’armée de Virginie septentrionale goûtait un repos bien mérité, mais précaire, dans le comté de Fairfax aux portes de Washington, Robert Lee écrivit à Jefferson Davis, le 3 septembre 1862. Non pour lui demander quelles étaient ses instructions pour la suite des opérations, mais pour lui annoncer ce que lui, Lee, avait décidé de faire, et se disposait à mener à bien sans délai – à moins que le président confédéré y voit une objection.
Le général sudiste passait en fait davantage de temps, dans sa missive, à réclamer à Davis des munitions, dont il craignait qu’elles vinssent à manquer, et des chaussures. Le prestige de Lee était devenu suffisamment grand pour qu’il puisse désormais imposer sa vision stratégique à l’homme auprès duquel il aurait dû normalement se contenter de prendre ses ordres. Le jour même, autrement dit sans attendre de réponse, il emmena ses troupes vers le nord, lançant une campagne dont l’issue et les conséquences se révèleraient décisives dans le déroulement du conflit – et dans l’histoire des États-Unis.
Lee avait en fait décidé d’envahir le Maryland – avec l’arrière-pensée de pousser ensuite jusqu’en Pennsylvanie. L’idée n’était pas nouvelle : Stonewall Jackson l’avait déjà soumise à Davis, en vain, dans les mois précédents. Les raisons de Lee étaient nombreuses. La première relevait de la pure logique militaire : venant d’arracher l’initiative à deux armées nordistes en à peine plus de deux mois, Lee aurait commis une faute grossière en restant inactif au lieu de chercher à profiter de son avantage. Du reste, demeurer sur la défensive n’était ni dans la nature de l’agressif chef confédéré, ni dans ses moyens. Une inaction prolongée permettrait immanquablement aux forces nordistes, désormais concentrées autour de Washington, de se réorganiser en pansant leurs blessures, et elles étaient mieux à même de le faire que l’armée sudiste, toujours à court de presque tout. Lee aurait pu se lancer dans le siège de Washington, mais il savait pertinemment que son armée était trop faible pour se lancer dans une telle opération. Même démoralisées, les troupes fédérales étaient plus nombreuses et solidement retranchées, ce qui rendait chimérique toute velléité de s’emparer de la capitale de l’Union.
Il aurait fallu pour cela que l’armée de Virginie septentrionale ait une artillerie lourde suffisante, ce qui n’était pas le cas. Qui plus est, soutenir un siège impliquait une intendance bien pourvue et qui fonctionnât correctement, or c’était justement là que le bât blessait. La Virginie, dévastée par les opérations militaires menées depuis mars et déjà éprouvée par l’occupation de vastes portions de son territoire par les Nordistes, avait de moins en moins de ressources à offrir à ses défenseurs. Ces derniers n’ont jamais, à aucun moment de la guerre, vécu dans la profusion, mais à la fin de l’été 1862 l’armée de Virginie septentrionale commençait sérieusement à manquer de tout : de munitions et de chaussures, comme Lee le faisait remarquer explicitement à Davis, mais également d’uniformes, de vivres et même de chevaux – y compris, chose préoccupante entre toutes, pour assurer le transport de l’artillerie.
Mais l’opération lancée par Lee n’était pas seulement une question d’intendance. Son importance politique était évidente. Lee espérait qu’à son arrivée, le Maryland, qui comptait une forte minorité sécessionniste, se soulèverait en masse contre « l’occupant » nordiste. Le fait que l’État, au printemps 1861, ait tenté de demeurer neutre et ait opposé une certaine résistance au passage des troupes fédérales, alimentait cette opinion. En coupant Washington du reste de l’Union, un soulèvement général du Maryland, en particulier à Baltimore, était de nature à placer le gouvernement fédéral en très fâcheuse posture. Accessoirement, Lee espérait compléter les rangs sévèrement éclaircis de son armée grâce aux Marylandais pro-sudistes qui, espérait-il, viendraient s’y enrôler. Il fut, de ce point de vue, assez mal inspiré, car la majorité des sécessionnistes du Maryland résidaient dans l’est de l’État, à l’exact opposé de la région qu’il était sur le point d’envahir.
Plus généralement, cette orientation nouvelle constituait un changement majeur par rapport à la stratégie confédérée, jusque-là purement défensive. Pourtant, Davis se contenta d’entériner la décision de son général, sans émettre d’objection. Le président sudiste avait déjà, un peu plus tôt, donné son aval à une offensive du même genre, en l’occurrence l’invasion du Kentucky par les armées de Braxton Bragg et Edmund Kirby Smith. Mais le Kentucky était revendiqué par la Confédération, dont il faisait partie – fût-ce à l’instigation d’une législature « croupion ». Son invasion revêtait donc davantage, aux yeux de Davis, d’une campagne de libération que d’une occupation pure et simple. C’était différent pour le Maryland, qui n’avait jamais fait sécession de quelque manière que ce soit, et demeurait donc légalement, même du point de vue sudiste, partie intégrante de l’Union. Davis fit pourtant sienne la stratégie de Lee, se bornant à rédiger à son intention une proclamation destinée aux habitants du Maryland et leur expliquant que les soldats sudistes venaient à eux en libérateurs et non en conquérants. Toutefois, lorsque ce texte parvint à Lee, son armée était déjà dans le Maryland, et le général avait édité une autre proclamation de son crû.
Deux armées renforcées
Lee avait une bonne raison supplémentaire de se mettre en route sans tarder. La Virginie désormais presque libre de troupes fédérales, le général sudiste avait pu faire venir de Richmond les divisions McLaws (quatre brigades) et D.H. Hill (cinq brigades), qu’il affecta respectivement à l’aile droite de Longstreet et à l’aile gauche de Jackson. La capitale sudiste n’étant plus menacée, Lee racla même les fonds de tiroir en rameutant la petite division de John George Walker, dont les deux brigades furent confiées, elles aussi, à Longstreet. Les forces de ce dernier furent également réorganisées pour éviter que le fidèle lieutenant de Lee ne se retrouvât avec sept divisions à commander. Les divisions Kemper et Wilcox furent dissoutes, leurs chefs retournèrent au commandement de leurs brigades, et leurs forces furent affectées, respectivement, aux divisions D.R. Jones et R.H. Anderson – lesquelles comportaient désormais six brigades chacune. La division Hood et la brigade indépendante d’Evans, en revanche, gardèrent leur organisation d’origine.
En tout, Longstreet pouvait compter sur 21 brigades et Jackson sur 19 autres. Le commandant de l’aile gauche sudiste n’avait pas autant réorganisé ses forces que son homologue de l’aile droite. Tout juste s’était-il contenté de retirer à Starke le commandement temporaire de son ancienne division pour la confier à John R. Jones, désormais remis de la blessure reçue à Malvern Hill deux mois auparavant. Lee avait appris à imiter les Nordistes en organisant sa réserve d’artillerie, confiée à William Pendleton et comprenant quatre bataillons et plusieurs batteries indépendantes. La division de cavalerie de J.E.B. Stuart, quant à elle, gardait son articulation en trois brigades héritée de la campagne précédente. Au total, Lee emmenait vers le nord environ 55.000 hommes, les renforts reçus compensant les pertes subies depuis le début du mois d’août. Le général sudiste ne laissait derrière lui que le strict minimum de troupes, et comptait surtout sur l’inaction de son principal adversaire.
Indubitablement adroit dans cet exercice, Little Mac réussira à remettre ses troupes sur le pied de guerre en quelques jours. Il incorpore tout d’abord les trois corps de l’armée de Virginie à celle du Potomac, en les renumérotant selon l’ordre standard des armées de l’Union. Le 3ème Corps reprend ainsi sa désignation d’origine – Ier Corps – et se voit confié à Joseph Hooker, McDowell étant alors considéré comme le principal responsable de la défaite nordiste lors de la seconde bataille de Bull Run. Les 1er et 2ème Corps, quant à eux, deviennent les XIème et XIIème Corps d’armée. Si Franz Sigel conserve son commandement, il n’en va pas de même pour Banks – non que celui-ci soit particulièrement à blâmer, son unité n’ayant pas joué de rôle direct lors des derniers combats, mais il faut quelqu’un pour chapeauter les défenses de Washington et Banks se voit affecter ce rôle statique. Lui succède Joseph Mansfield, un officier qui commandait jusque-là une division du VIIème Corps dans la région de Norfolk, et qui malgré une longue carrière dans l’armée régulière n’a pris part à aucun combat majeur depuis le début de la guerre.
Une nouveauté introduite par McClellan concerne la cavalerie. Copiant l’organisation sudiste, le général nordiste décide de regrouper l’essentiel de ses forces montées en une unique division comportant cinq brigades et confiée à Alfred Pleasonton. Ces brigades, toutefois, sont de taille modeste comparativement à leurs contreparties sudistes : toutes, sauf une, ne comptent que deux régiments quand la moyenne confédérée se situe à quatre ou cinq. De surcroît, les officiers sont inexpérimentés et les unités peu habituées à opérer en masse. L’artillerie, toujours commandée par le colonel – et bientôt général – Henry Hunt, compense par sa redoutable puissance de feu cette infériorité de la cavalerie nordiste. Hunt dispose de 66 batteries. C’est à peu près autant que les Confédérés, mais les batteries nordistes sont généralement à six canons au lieu de quatre, donnant à l’Union un avantage notable dans ce domaine. En tout, McClellan dispose d’environ 84.000 hommes – une nette supériorité numérique annulée par sa propension à surestimer les effectifs de l’ennemi.
Le nombre de déserteurs augmenta rapidement : beaucoup de soldats sudistes estimaient s’être engagés pour une guerre défensive et considéraient que l’invasion d’un État de l’Union, fût-il esclavagiste, n’entrait pas dans le cadre de leur devoir. Les ordres stricts donnés par Lee restèrent sans effet. En dépit des attentes des Sudistes, le pays qu’ils occupaient n’avait guère à offrir que du maïs encore vert, qui à la longue rendait les soldats malades. En quelques jours, les effectifs sudistes fondirent de plusieurs milliers d’hommes.
Une armée divisée
Lee avait également commis l’erreur de renvoyer vers l’arrière les soldats dépourvus de chaussures, craignant que les routes empierrées du Maryland ne les mettent hors de combat pour de bon, mais ceci incita nombre d’entre eux à se débarrasser discrètement de leur chausses – le général leur offrant une occasion unique de déserter en toute légalité. Ces pertes subies avant même la bataille décisive qu’espérait Lee ne furent pas compensées par les enrôlements de volontaires pro-sudistes, loin s’en fallait. En fait, le chef de l’armée de Virginie septentrionale s’était montré exagérément optimiste dans la plupart de ses pronostics. Il y eut bien quelques engagements, mais en vérité, la majorité des Marylandais dont le sentiment sécessionniste était suffisamment fort pour rejoindre l’armée de la Confédération l’avait déjà fait l’année précédente. La seule prédiction de Lee à s’avérer correcte concernait l’inaction de McClellan. L’armée du Potomac demeurait ainsi en posture défensive au nord de Washington, comme si elle attendait que les forces ennemies vinssent l’attaquer – ce dont Lee n’avait naturellement aucune intention.
Dans le camp nordiste, on se trouvait effectivement plus enclin à la défense qu’à l’attaque. La première inquiétude passée, Lincoln et Halleck prirent les mesures nécessaires pour faire face à l’invasion. John Wool concentra l’essentiel de son VIIIème Corps d’armée à Baltimore pour en assurer solidement la défense. Le commandement fédéral envoya en Pennsylvanie John F. Reynolds, qui commandait jusque-là la division des Pennsylvania Reserves du Ier Corps, pour qu’il en mobilise la puissante milice. Reynolds, lui-même pennsylvanien, parvint à mettre sur pied une force de 50.000 hommes. L’avancée des Confédérés menaçait également les arrières des garnisons nordistes installées dans la vallée de la Shenandoah, à Winchester, Martinsburg et Harper’s Ferry. Les deux premières furent évacuées. En revanche, et malgré l’insistance de McClellan, qui en aurait volontiers récupéré les 14.000 hommes, la troisième fut laissée en place.
Le début de la campagne du Maryland, en septembre 1862. Lee marche sur Frederick, poursuivi de très loin par McClellan, tandis que les garnisons nordistes de Winchester et Martinsburg se replient sur Harper's Ferry. Wool avec le VIIIème Corps et Banks avec les IIIème et XIème Corps se mettent en posture défensive, respectivement à Baltimore et Washington. Carte de l'auteur, à partir d'un fond de la cartothèque Perry-Castaneda.
Cette décision allait à la fois donner à Lee l’occasion de remporter une nouvelle victoire et, dans le même temps, de commettre une erreur dont il allait amèrement se repentir par la suite. Le Sudiste avait compté sur l’évacuation rapide de toute la Vallée, qu’il comptait utiliser comme axe de ravitaillement pour obtenir ce qu’il avait demandé à Davis le 3 septembre – en premier lieu des munitions. Or, il s’était une nouvelle fois trompé, car la puissante garnison de Harper’s Ferry coupait toujours cet axe. Ce fait, et d’autres informations plus ou moins erronées, l’incitèrent à diviser son armée. Non seulement Harper’s Ferry entre des mains fédérales constituait pour lui un obstacle, mais elle renfermait aussi d’importantes quantités d’équipement et de munitions – précisément ce dont il avait besoin. Mais Lee devait également tenir compte d’une autre menace, ses services de renseignements lui ayant indiqué que la milice de Pennsylvanie commençait à se concentrer à Hagerstown, au nord-ouest de Frederick.
Rédigées par Robert Chilton, l’adjudant – c’est-à-dire, aux États-Unis comme au sein de la Confédération, le responsable de l’administration d’une unité militaire – de l’armée de Virginie septentrionale, des copies de cet ordre, baptisé « ordre spécial numéro 191 », sont envoyées à Jackson, Longstreet et à tous les commandants de division. L’ordre est mis à exécution dès le lendemain, 10 septembre. Pendant que Jackson, McLaws et Walker convergent sur Harper’s Ferry, Longstreet atteint rapidement Hagerstown. C’est pour s’apercevoir qu’en fait de concentration de miliciens, il n’y a même pas sur place l’équivalent d’une compagnie. Le flanc de l’armée de Lee se trouve ainsi sécurisé sans coup férir, et Longstreet retourne sans attendre à Boonsboro. La dispersion des forces sudistes leur permet aussi de couvrir davantage de terrain, limitant ainsi l’impact des réquisitions auprès d’une population locale qui, pourtant, continue à se montrer guère accueillante. Au moins l’armée n’est-elle pas menacée : McClellan et ses hommes ont quitté Washington le 7 septembre, mais ils marchent à une allure d’escargot – il leur faudra ainsi près d’une semaine pour atteindre Frederick.
Le siège de Harper’s Ferry
Harper’s Ferry est située au confluent du Potomac et de la Shenandoah, sur un terrain relativement escarpé. Étant placée tout au bout de la péninsule formée par les deux cours d’eau, la ville en elle-même est relativement facile à défendre, à condition toutefois de tenir solidement les collines qui l’entourent. Celles situées immédiatement à l’ouest de Harper’s Ferry, les Bolivar Heights, sont relativement basses, mais offrent une bonne position défensive contre toute approche directe. Au nord, les Maryland Heights, situées comme leur nom l’indique dans le Maryland, de l’autre côté du Potomac, commandent les deux ponts sur ce fleuve – le pont de chemin de fer du Baltimore & Ohio et un pont de bateaux construit par le génie nordiste. Quant aux Loudoun Heights, dont le nom faisait lui aussi figure de pléonasme puisqu’elles se trouvaient dans le comté de Loudoun en Virginie, elles ne contrôlaient aucun pont – la Shenandoah n’en était pas pourvue à cet endroit – mais offraient une position de tir parfaite pour prendre à revers des défenses installées sur les Bolivar Heights.
Avec 14.000 hommes, la garnison de Harper’s Ferry avait largement les moyens d’étendre son périmètre défensif pour englober ces hauteurs stratégiques, se mettant ainsi en position de soutenir un siège en bonne et due forme. Il n’en sera rien. L’homme qui commande à Harper’s Ferry est un colonel de l’armée régulière, Dixon S. Miles. Bien qu’ayant une longue carrière derrière lui, c’est un officier assez mal noté. Lors de la première bataille de Bull Run, il commandait une division qui était restée l’arme au pied pendant tout l’engagement, vraisemblablement parce que Miles était en état d’ébriété. Blâmé pour ce motif par une cour martiale, il n’avait pour cette raison jamais été promu général des volontaires, conservant simplement son grade de l’armée régulière. Le commandement de l’arsenal de Harper’s Ferry – ainsi que de sa garnison – est essentiellement un placard pour cet officier.
Le 12 septembre en fin de journée, les éléments de tête de la colonne McLaws – en l’occurrence la brigade de Joseph Kershaw – atteignent ces défenses. Accueillis par un feu nourri, les Confédérés stoppent leur progression et attendent de se regrouper. Le lendemain, les hommes de Kershaw renouvellent leur attaque dès 6 heures 30. Le colonel Ford, qui s’est opportunément fait porter pâle, a laissé le commandement de sa force à Eliakim Sherrill, qui exhorte ses soldats à résister… avec succès. Le premier assaut frontal est repoussé, ainsi qu’un deuxième. Les Nordistes tiennent ainsi jusqu’en début d’après-midi, lorsque Sherrill est cruellement blessé au visage et que la brigade de William Barksdale entreprend de contourner le flanc droit de leur position. Les Fédéraux commencent alors à reculer tandis que Ford reprend le commandement. Bien qu’il dispose encore d’un millier d’hommes en réserve, il néglige de les engager et préfère ordonner à ses forces de repasser le Potomac pour se réfugier dans Harper’s Ferry. À 16 heures 30, McLaws est maître des Maryland Heights.
Il n’est plus seul : Jackson et Walker sont arrivés presque simultanément dans la matinée. Les généraux sudistes sont très étonnés de trouver vides de troupes les hauteurs qui entourent la ville et entreprennent aussitôt d’y hisser leur artillerie – un exercice périlleux car le terrain est escarpé. Miles, de son côté, demeure passif. Ses subordonnés le pressent de contre-attaquer pour reprendre au moins les Maryland Heights et briser l’encerclement, mais leur chef demeure confiant. Il semble ne pas réaliser qu’avec l’artillerie sudiste dans son dos, ses positions sur les Bolivar Heights seront virtuellement intenables. Durant la nuit, quelques cavaliers nordistes parviendront à s’exflitrer de la place pour aller demander du secours à McClellan. Ce dernier a cependant ses propres soucis, s’étant mis à poursuivre les Confédérés plus franchement. Il se contente donc d’exhorter Miles à tenir aussi longtemps que possible, jusqu’à ce qu’il puisse venir délivrer la garnison assiégée.
Au matin du 15 septembre, Jackson déclenche une préparation d’artillerie en vue de l’assaut, prévu pour 8 heures. Les positions nordistes sont prises sous un tir croisé qui ne laisse aucun abri. En quelques minutes, il devient évident que la garnison va être écrasée. Réalisant enfin que sa situation est désespérée, Miles fait hisser le drapeau blanc pour signifier qu’il capitule, au milieu de soldats consternés et furieux de son comportement – certains rapportant ensuite que Miles, de nouveau, était ivre. Quelques instants plus tard, un obus tiré d’on ne sait trop où – l’historien David Eicher considérera même plausible qu’il l’ait été, délibérément, par des artilleurs nordistes – blesse grièvement Miles en lui arrachant presque tout le mollet gauche. Les hommes sollicités pour porter son brancard refusent les uns après les autres, et un temps interminable s’écoule avant qu’il ne soit évacué. Il mourra le lendemain. Au prix de 39 tués et 247 blessés, Jackson s’empare de la place stratégique de Harper’s Ferry et de tout ce qui s’y trouve, y compris plus de 12.000 prisonniers nordistes. Ne pouvant s’encombrer d’autant de captifs, le général sudiste les fait rapidement libérer sur parole.
La chute de Harper’s Ferry résonnait comme une nouvelle humiliation pour l’Union, encore une fois victime d’un choix mal avisé de commandant. Jackson ouvrait ainsi un axe de ravitaillement pour l’armée de Virginie septentrionale et éliminait la dernière menace sérieuse qui pesait sur les arrières confédérés.
En outre, ses hommes purent profiter des vivres et de l’équipement stockés dans la ville, et qui furent les bienvenus après des semaines de privations quasi continuelles. Toutefois, les soldats sudistes n’allaient guère avoir le temps de se reposer. Lee, qui ne se croyait pas menacé, s’est soudainement retrouvé pris à la gorge par un McClellan étonnamment hardi. Au moment même où les soldats de McLaws montaient à l’assaut des Maryland Heights, un événement, à première vue insignifiant, avait complètement changé le cours de la campagne.
Coup du sort
Au soir du 12 septembre, l’armée du Potomac approche prudemment de Frederick, autour de laquelle est toujours déployée la division D.H. Hill. La poursuite des Nordistes étant pour le moins lente, l’arrière-garde sudiste n’est pas réellement menacée et peut tranquillement se préparer à rejoindre les troupes de Longstreet à Boonsboro. Le lendemain à l’aube, D.H. Hill lève le camp et se retire sans hâte en direction du nord-ouest. Il ne sera pas inquiété. Quelques heures plus tard, les Fédéraux entrent à Frederick, qui leur réserve l’accueil enthousiaste dont avait vainement rêvé Robert Lee une semaine auparavant. La cavalerie confédérée masquant efficacement les mouvements de l’armée sudiste, McClellan demeure dans le flou quant aux véritables intentions de son adversaire, désormais à l’abri derrière les Appalaches.
Le même jour, vers 10 heures du matin, un détachement d’infanterie nordiste découvre le campement que l’état-major de D.H. Hill a évacué quelques heures plus tôt seulement. En cherchant des indices susceptibles de les éclairer sur les plans des rebelles, le caporal Barton Mitchell met la main sur un paquet apparemment anodin : trois cigares enroulés dans une feuille de papier qu’un aide de camp de D.H. Hill a négligemment oublié de prendre avec lui ou fait tomber en quittant les lieux. Une jolie trouvaille, la solde d’un caporal ne permettant guère de s’offrir ce genre de luxe. Toutefois, le plus important ici n’allait pas être le contenu, mais le contenant. Sur le papier est griffonné un ordre. Lorsqu’il le lit, le caporal Mitchell comprend rapidement qu’il détient une source de renseignements de la plus haute importance.
Il s’agit en fait d’une copie de « l’ordre spécial 191 », celui-là même qui indique explicitement et par le menu les routes et les objectifs des différentes parties de l’armée confédérée. Lorsqu’il a reçu cet ordre le 9 septembre, Stonewall Jackson a pris l’initiative d’en adresser une copie à ses commandants de division, sans savoir que Lee en avait déjà fait rédiger à leur attention. Selon toute vraisemblance, seule la copie faite sur l’ordre de Jackson a été transmise à D.H. Hill. L’ordre original faisant doublon, un officier de l’état-major de D.H. Hill – on ne découvrira jamais lequel précisément – aura sans doute prit la liberté de réemployer la désormais inutile feuille de papier pour son usage personnel. Toujours est-il que la découverte du fantassin nordiste remonte toute la chaîne de commandement, avant d’être finalement transmise à McClellan en fin d’après-midi.
L’idée de McClellan est de lancer une partie de ses forces aux trousses de D.H. Hill, sur la droite, pour s’emparer de Turner’s et Fox’s Gap et occuper l’aile de Longstreet. Pendant ce temps, la gauche nordiste frappera à Crampton’s Gap pour s’interposer entre Longstreet et Jackson, qui assiège Harper’s Ferry. Il pourra ainsi écraser Longstreet, isolé sur la rive nord du Potomac, avant qu’il ne soit renforcé par Jackson, réduisant la supériorité numérique supposée de l’ennemi. Pour mettre ce plan à exécution, McClellan regroupe ses corps d’armée en trois ailes ou « grandes divisions ». L’aile gauche, qui sera confiée à Franklin, comprendra son VIème Corps renforcé par la division Couch et marchera sur la cluse de Crampton. Burnside emmènera la droite, constituée par les Ier et IXème Corps, attaquer celles de Turner et Fox. Le centre, avec les IIème et XIIème Corps et sous les ordres de Sumner, restera en réserve. Quant au Vème Corps, resté plus longtemps à Washington, il n’est pas encore à pied d’œuvre.
Batailles sur South Mountain
Dès les premières heures du 14 septembre, l’armée nordiste se met en route vers les cluses à marche forcée. Le soleil est à peine levé quand la cavalerie nordiste engage les premiers avant-postes confédérés au pied de Fox’s Gap. Cette dernière, escarpée et très boisée, commande une route secondaire qui mène à Sharpsburg. Mais elle s’ouvre également sur un chemin de traverse qui permet de rejoindre Turner’s Gap sans emprunter la route principale, dite « route fédérale » (car ouverte en 1811 par le gouvernement à travers les Appalaches), qui mène à Boonsboro. Les deux passages ne sont alors défendus que par deux brigades : la cluse de Fox est tenue par celle de Samuel Garland, la cluse de Turner par celle d’Alfred Colquitt. Le reste de la division D.H. Hill est en train de se porter vers le sud-ouest pour renforcer les défenses dangereusement dégarnies de Crampton’s Gap, conformément à un ordre de Lee reçu la veille au soir.
L’engagement de cavalerie n’est qu’un prélude. Dès 9 heures, la division de tête du IXème Corps, sous Jacob D. Cox, attaque la position tenue par Garland. L’unité fédérale comprend deux brigades de l’Ohio commandées par George Crook et Eliakim Scammon. On la surnomme « division Kanawha » parce que les unités qui la composent ont servi dans cette vallée de Virginie occidentale au début de la guerre, déjà sous le commandement de Cox. Bien soutenue par l’artillerie nordiste, la brigade Scammon assaille les Caroliniens du Nord de Garland d’abord sur leur gauche, puis au centre, les mettant bientôt dans une situation critique. D.H. Hill, qui observe la scène depuis le sommet de Turner’s Gap, réalise qu’il a face à lui le gros de l’armée nordiste – en fait l’aile droite et, plus en arrière, le centre – et fait en toute hâte rappeler le reste de sa division. Il alerte également Lee et Longstreet, qui s’empressent de lui envoyer du secours.
La bataille de South Mountain, 14 septembre 1862 : les combats de Fox's et Turner's Gap. Carte de Steven Stanley pour le Civil War Preservation Trust.
À Fox’s Gap, les Confédérés s’appuient sur les murets de pierre qui servent à délimiter les rares champs cultivés des environs, et offrent une bonne protection aux défenseurs. Malgré tout, les Sudistes luttent à un contre trois. Garland est mortellement blessé, sa brigade est submergée. Elle n’échappera à l’anéantissement qu’en perçant vers l’arrière. À 10 heures, les Fédéraux sont maîtres de la cluse, la seule chose leur faisant face étant un régiment de cavalerie sudiste. Pourtant, Cox va échouer à tirer parti de la situation. Il envoie dans un premier temps des tirailleurs en direction de Turner’s Gap, mais ceux-ci sont rapidement pris à partie et n’insistent pas. Ignorant la force réelle des Confédérés, Cox préfère temporiser et attendre le reste du IXème Corps. Puisque Burnside coordonne l’action de l’aile droite, le commandement de son corps d’armée est assuré par Jesse Reno.
L’étrange passivité des Nordistes devant Fox’s Gap n’est, en réalité, pas totalement fortuite – même si elle les prive d’une belle occasion tactique. Burnside retient le IXème Corps à dessein : en effet, plutôt que d’assaillir Turner’s Gap de front, il a mis au point une manœuvre visant à arriver sur la cluse par une autre route flanquant la gauche des Confédérés. Cette tâche incombe au Ier Corps, et Burnside veut que l’assaut sur les deux ailes sudistes soit coordonné. Le temps perdu à préparer l’attaque permet l’arrivée de nouveaux renforts confédérés. Les deux brigades de la division Hood et deux autres de la division D.R. Jones sont envoyées vers la cluse de Fox, tandis que les trois autres brigades de D.R. Jones et la brigade indépendante d’Evans vont renforcer les défenses de la cluse de Turner. Quelques minutes plus tard, la canonnade reprend, et les deux corps d’armée nordiste se mettent à gravir les pentes de South Mountain.
Vent de panique
À Fox’s Gap, la division Willcox attaque en plaçant ses deux brigades en chevron, évitant ainsi d’être prise en enfilade par l’artillerie sudiste. Néanmoins, la bataille devient confuse dans les épais sous-bois qui couvrent les pentes de la montagne, et les Fédéraux ne progressent guère. Face à Turner’s Gap, Hooker a fait détacher la brigade des Black Hats de Gibbon dans une attaque frontale de diversion, tandis que le reste du corps d’armée effectue un mouvement tournant contre la gauche sudiste. La division Meade frappe ainsi la brigade Rodes, bientôt renforcée par celle d’Evans, à 17 heures. Les troupes sudistes résistent aussi longtemps qu’elles le peuvent mais, dépassées en nombre, elles finissent par abandonner le sommet qu’elles défendaient. Toutefois, les assaillants ont été sévèrement malmenés eux aussi, et le soleil déclinant empêche les Fédéraux de tirer pleinement parti de leur succès.
De son côté, le reste de la division Hatch livre aux brigades sudistes de Richard Garnett et James Kemper une lutte acharnée pour une clôture et le couvert sommaire qu’elle offre. Les Fédéraux s’en emparent les premiers, mais leurs adversaires contre-attaquent furieusement en dépit de leur infériorité numérique – à tel point que ce sont les Nordistes qui auront l’impression d’être dépassés en nombre. Hatch, blessé dans l’action, est remplacé par Abner Doubleday. La lutte se poursuit jusqu’en début de soirée, les Fédéraux étant relevés par la division Ricketts et les Confédérés par la brigade de Joseph Walker. Le soleil est déjà couché lorsque les hommes de Gibbon, retardés par les tirailleurs sudistes, entrent enfin en action. Sous l’œil de Hooker et de McClellan, les Black Hats gravissent la pente qui mène à la cluse de Turner et marchent droit sur la brigade Colquitt. Bien qu’accablés de mitraille, ils ne fléchissent pas, arrachant à McClellan ce mot d’admiration : « Ils doivent être de fer ! » Un correspondant de guerre ayant eu l’heur de saisir ses paroles les transmettra à son journal, et l’article qui s’ensuivra vaudra à l’unité des « Chapeaux noirs » un nouveau surnom : Iron Brigade, la Brigade de Fer.
Les « hommes de fer » atteignent le muret défendu par les soldats de Colquitt vers 21 heures, mais l’obscurité les oblige à se retirer peu après. À Fox’s Gap, Reno n’était pas parvenu à gagner de terrain face aux défenses sudistes, désormais solidement installées au sommet de la cluse. De plus, le couvert végétal, et la certitude d’avoir face à eux des forces bien plus importantes qu’en réalité, empêchent les Fédéraux de pousser pleinement leurs attaques. C’est en voulant éclairer cette situation confuse que Reno, parti mener personnellement une reconnaissance, est mortellement blessé vers 19 heures d’une balle dans la poitrine. Lorsque les derniers coups de feu épars laissent place aux cris des blessés, à 22 heures, les Confédérés tiennent toujours les deux cluses. Lee, toutefois, s’interroge sur la pertinence de rester sur place jusqu’au lendemain. Il sollicite l’opinion de ses subordonnés. Tant Longstreet que D.H. Hill sont du même avis : mieux placée, notamment grâce au sommet pris par Meade, l’artillerie nordiste les taillera en pièces dès l’aube. Qui plus est, des nouvelles alarmantes ne tardent pas à arriver au quartier général sudiste.
La journée est cependant trop avancée pour que Franklin puisse profiter plus avant de son succès. Malgré tout, la chute de Crampton’s Gap place l’armée sudiste dans une situation extrêmement périlleuse. S’il ne se replie pas immédiatement, Lee court le risque de voir son armée effectivement coupée en deux, précisément ce que McClellan cherche à faire. Avec Jackson encore occupé par le siège de Harper’s Ferry, il devrait alors faire face, seul, à toute l’armée du Potomac, alors que sa voie de retraite la plus directe est doublement coupée – par les hommes de Franklin et la garnison de Harper’s Ferry. Seule consolation pour le général sudiste : la résistance de Fox’s et Turner’s Gap a permis au précieux train de ravitaillement confédéré de se mettre hors de portée, pour le moment, de la poursuite nordiste. La campagne du Maryland, déjà un échec en tant que telle, menace de se muer en désastre pour le Sud. Lee ordonne donc à toutes ses forces de converger vers Sharpsburg. Durant la nuit, ses soldats éreintés se retirent des cluses qu’ils ont tenues toute la journée.
Lee, avec les forces combinées de Longstreet et D.H. Hill, arrive à Sharpsburg dans la matinée du 15 septembre, pendant que les cavaliers sudistes sont chassés de Boonsboro. Sa situation demeure précaire, car les Nordistes l’ont suivi de près : les premiers éléments fédéraux le rejoignent dès l’après-midi et le soir même, le gros de l’armée du Potomac lui fait face. Malgré cela, McClellan conserve sa circonspection habituelle et hésite à attaquer un adversaire qu’il croit, encore et toujours, supérieur en nombre.
Prélude au carnage
La position qu’occupe l’armée de Virginie septentrionale est bonne, mais sans plus. La ligne confédérée est ancrée à gauche sur un méandre du Potomac, serpente parmi les basses collines situées immédiatement au nord de Sharpsburg, puis rejoint l’Antietam Creek qui, elle-même, va se jeter un peu plus au sud dans le Potomac. Le terrain est favorable à la défense : si les collines ne sont pas très hautes, les champs cultivés qui les parsèment sont entrecoupés de bois, de clôtures, de vergers, de fourrés, de ruisseaux qui constituent autant de points d’appui. Les routes à péages, notamment celles menant à Hagerstown au nord et Boonsboro à l’est, y contribuent également. Ces voies macadamisées, construites par des intérêts privés et entretenues par les revenus des péages, sont fermées par les traditionnelles barrières de rondins qui allaient devenir une des caractéristiques physiques récurrentes des affrontements de la guerre de Sécession – en premier lieu parce qu’elles offrent aux combattants un abri sommaire.
Les défenses sudistes ne sont toutefois pas exemptes de faiblesses majeures. La première puise sa source dans l’infériorité numérique de l’armée confédérée. Même en comptant sur l’arrivée prochaine d’A.P. Hill, Lee, dont les effectifs sont affaiblis par les pertes, les désertions et l’état d’épuisement des soldats après deux mois et demi de campagnes quasi incessantes, ne pourra pas espérer compter sur plus de 38.000 hommes. Face à lui, McClellan dispose d’environ le double, mais fort heureusement pour la Confédération, il l’ignore. Pour cette raison, Lee n’a pu étirer suffisamment son dispositif, si bien qu’il a dû laisser libres les collines situées plus au nord, et qui surplombent celles qu’il occupe lui-même. De même, le cours de l’Antietam n’a pu être tenu sur une plus grande longueur, laissant la gauche sudiste, en particulier, d’autant plus vulnérable. Il convient d’ajouter que l’armée a le Potomac dans son dos, ce qui implique qu’en cas de défaite, le gué de Boteler, qui permet de rejoindre Harper’s Ferry en longeant la rive droite du fleuve, sera sa seule voie de retraite.
En revanche, le pont supérieur est hors de portée de l’ennemi. En fin d’après-midi, McClellan ordonne à la division Meade de l’emprunter pour mener une reconnaissance en force. Un sérieux accrochage met aux prises la brigade Seymour aux Texans de Hood, mais confirme que le pont est sûr et peut être emprunté massivement pour assaillir le centre et la gauche confédérés, plus vulnérables. Le général nordiste vient de recevoir ses derniers renforts avec l’arrivée du Vème Corps. Bien que s’estimant dépassé en nombre, il sait que chaque jour qui passe risque d’accentuer encore ce désavantage supposé. Qui plus est, aucun des deux adversaires n’est désireux de mettre sans combattre un terme à une campagne dans laquelle aucun affrontement décisif n’a encore été livré. Contrairement à leurs habitudes respectives, McClellan décide donc d’attaquer dès le lendemain à l’aube, et Lee de l’attendre – d’autant plus que l’action menée par Meade a dévoilé les intentions de son adversaire au Virginien, qui s’empresse de renforcer le secteur menacé.
Dans l’arène
Le plan de McClellan prévoit l’engagement de plus de la moitié de son armée contre la gauche sudiste. Le Ier Corps, suivi par le XIIème, prendra possession des collines situées au nord des lignes ennemies, d’où l’artillerie nordiste pourra fournir un appui efficace. Le IIème Corps les soutiendra si nécessaire, ou exploitera la situation en cas de percée victorieuse. Enfin, le VIème Corps accompagnera la manœuvre en troisième échelon, pour servir de réserve en cas de besoin. Au centre, la division de cavalerie s’assurera le contrôle du pont médian, derrière lequel le Vème Corps d’armée restera en réserve générale. Quant à la gauche, elle devra se contenter d’un rôle de diversion. Burnside coordonnera – davantage de son propre chef que sur l’ordre de McClellan – les efforts du IXème Corps – dont le commandement direct échoit donc à Jacob Cox – dans des attaques limitées contre le pont inférieur, le but étant d’obliger Lee à dégarnir sa gauche pour parer à cette menace. Enfin, pour empêcher les Sudistes de déboucher sur ses arrières depuis Harper’s Ferry, McClellan envoie la division Couch occuper les Maryland Heights.
Dans la soirée du 16 septembre, et durant la nuit qui suit, d’importantes forces nordistes traversent l’Antietam par le pont supérieur en préparation de l’assaut du lendemain. Pratiquement au contact de l’ennemi par le biais de la brigade Seymour, le Ier Corps est prêt à avancer dès les premières lueurs de l’aube. Le XIIème Corps, quant à lui, se tient légèrement en retrait, mais n’en est pas moins intégralement passé sur la rive occidentale de l’Antietam. Quant au IIème Corps, s’il demeure encore côté est, il se tient prêt à franchir le cours d’eau dès que l’ordre lui en sera donné. Le VIème Corps, en revanche, n’est pas encore entièrement concentré. Dans un premier temps au moins, les Ier, XIIème et IIème Corps seront donc les seules forces immédiatement disponibles pour l’attaque principale, car l’obstacle que forme la rivière et le déploiement convexe de l’armée nordiste limitent considérablement la capacité des Fédéraux à faire passer rapidement des forces d’un bout à l’autre du champ de bataille.
Les forces sudistes tenant, à l’inverse, des lignes concaves autour de Sharpsburg, elles pourront plus aisément se soutenir mutuellement en cas de besoin. La cavalerie de Stuart ancre la position confédérée sur les rives du Potomac, tout à l’ouest du champ de bataille. Le corps d’armée de Jackson, ensuite, fait globalement face au nord et au nord-est : une moitié de la division Lawton (les brigades Early et Hays) tient la gauche, suivie par la division J.R. Jones. À partir de 22 heures, l’autre moitié de la division Lawton (avec les brigades de Douglass et James Walker) relève les hommes de Hood, que Lee laissera à la disposition de Jackson en tant que réserve. Enfin, D.H. Hill couvre le centre de l’armée confédérée, jusqu’à l’Antietam. Les effectifs sudistes étant trop ténus pour constituer une ligne de défense continue, les forces de Jackson sont généralement déployées en deux lignes, sur des points d’où elles pourraient facilement se porter vers toute brèche pour la colmater.
Étant beaucoup moins bien loti en termes de forces, Longstreet n’a guère ce loisir pour tenir l’aile droite de l’armée sudiste. La brigade Evans couvre les approches du pont médian, tandis que la division D.R. Jones est déployée le long de l’Antietam, mais un peu en retrait du cours d’eau pour échapper aux tirs de l’artillerie nordiste. Seule une petite force avancée, confiée à Robert Toombs, tient les abords escarpés du pont inférieur. Plus au sud, la division de J.G. Walker défend pour sa part l’accès aux gués de l’Antietam situés en aval. McLaws et R.H. Anderson sont en route et devraient arriver dans la matinée du 17. Quant à A.P. Hill, il a été rappelé de Harper’s Ferry et sa division est attendue à Sharpsburg d’ici la fin de la journée – moins la brigade d’Edward Thomas qui y a été laissée en garnison. Ainsi, l’armée de Virginie septentrionale sera pratiquement au complet, pour la première fois depuis une semaine.
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