A l'origine de l'invention du parapluie : le parasol
Le parasol existait depuis environ 2000 avant J.C. Répandu en Orient, on le retrouve en Grèce puis à Rome où chaque individu s’en servait sur le Forum et aux jeux du cirque, car le velum prévu pour protéger les spectateurs, n’était pas entretenu.
Avec le temps, ce parasol était devenu bien encombrant comme le raconte Henri Estienne dans ses « Dialogues du nouveau langage françois italianzé » en 1578 « devenu d’une grandeur démesurée, soutenu d’ un baston, et tellement faict, qu’estant ployé et tenant bien peu de place, quand ce vient qu’on en a besoin, on l’a incontinent ouvert et estendu en rond, jusqu’à couvrir trois ou quatre personnes » ; et Montaigne approuve en racontant « que ces parasols dont l’Italie se sert, chargent plus les bras qu’ils ne déchargent la tête ».
Les cavaliers en faisaient un grand usage lorsqu’ils partaient à cheval, pour éviter les inconvénients de trop de soleil, l’extrémité du manche étant fixée à leurs cuisses. On constate donc curieusement que l’on prémunissait plus du soleil que de la pluie.
Le parasol utilisé comme parapluie
Au Moyen âge, le parapluie n’existant pas encore, on portait un capuchon sur le vêtement, nommé balandras ou chape à pluie, agrémenté pour certains comme celui d’Henri IV en 1595 « un chapeau de pluie garny de taffetas ». Au XVIIe siècle, le parasol est revêtu de toile cirée et Tabarin écrit en 1622 « que c’est de son immense chapeau qu’on tira l’invention des parasols, qui sont maintenant si communs en France, que désormais on ne les appellera plus parasols, mais parapluyes et garde collets, car on s’en sert aussi bien en hyver contre les pluyes qu’en esté contre le soleil ».
Cet instrument avait la forme d’un petit dais rond, comme celui qui protégeait la tête du petit Louis XIII âgé de six ans et tenu par son page Bompar. Utilisé uniquement à la Cour par ces dames qui voulaient se prémunir du « troisième élément qui tombe », les hommes préféraient la cape contre la pluie.
Peu à peu, au milieu du règne de Louis XIV, on l’utilisait régulièrement. Les maîtres boursiers-colletiers-pochetiers qui avaient le droit de les confectionner, remplaçaient alors la toile cirée par du taffetas gommé, tendu sur de légères tiges en jonc. Avec un anneau glissant le long du manche, on pouvait le fermer ; pour le rouvrir, on remontait l’anneau et on l’arrêtait avec une grosse épingle. Peu d’écrits existent, seul Furetière le décrivait comme étant « un petit meuble portatif ou couverture ronde qu’on porte à la main pour défendre sa tête des grandes ardeurs du soleil, servant aussi pour se défendre de la pluie et alors quelques-uns l’appellent parapluie ». Un ambassadeur anglais a mentionné en 1675 « de petits ustensiles forts légers que les femmes emploient ici pour se garantir du soleil et dont l’usage nous semble très commode ». Avant la fin de son règne, Louis XIV accorde à un industriel, le monopole de fabriquer les parapluies « brisés ne pesant que cinq à six onces, vendus enfermés dans des étuis de sept à huit pouces de long sur un et demi de large ».
Pendant la Régence, le dais rond devenait l’ombrelle, montée sur des bambous des Indes, décorée de crépines d’or et d’effilés de perles, panaches de plumes et reflets de soie, prenant le charmant nom de « balancier des Grâces ».
Un instrument qui sert à tout
En 1757, le parapluie de taffetas étant très à la mode à Paris, il se transformait en parapluie-canne « on a imaginé pour la plus grande commodité des voyageurs, des parasols et des parapluies contenus dans une canne, de manière qu’en poussant un ressort qui est adhérent à la canne qui sert d’étui au parasol, on fait rentrer ou sortir celui-ci, suivant qu’on le juge à propos et qu’on en a besoin. Ainsi, l’instrument qui auparavant servoit de point d’appui pour soulager la marche du voyageur est changé tout à coup en un autre pour le mettre à couvert de l’ardeur du soleil ou de l’incommodité de la pluie ».
Le parapluie de 1770 était constitué d’ « un manche en deux pièces réunies par une vis, dont les branches se repliaient au moyen de brisures ». Mais bien vite, c’est le conflit dans les corporations entre les tourneurs qui fabriquaient les manches et les boursiers qui assemblaient et vendaient les instruments, puis les boisseliers (ouvriers du bois travaillant à la confection du manche) et les boursiers voulant chacun s’attribuer le droit de créer et vendre les parapluies. Finalement le Parlement décrète en septembre 1773 que les boisseliers doivent se contenter de fournir aux boursiers le manche des parasols. Puis en 1776, les boursiers furent réunis aux ceinturiers et aux gantiers avec des statuts où ils avaient « aussi le droit de fabriquer et faire toutes sortes de parapluies et parasols, les garnir… ».
Le succès du parapluie
A la Révolution, le parapluie devient populaire, servant de tente aux marchandes, mais aussi d’épée : en mai 1793, Théroigne de Méricourt fut frappée au visage et fouettée avec les parapluies de l’assistance, au milieu d’une assemblée. Les parasols des Muscadins rivalisaient avec ceux des Jacobins ; l’ombrelle était réservée aux Merveilleuses : ce fut une profusion d’étoffe précieuse, avec utilisation de fil d’or, d’argent, de cachemires, aux couleurs éclatantes dénommées « soupirs étouffés, regrets inutiles, carmélite, cuisse de puce, œil de roi, cheveux de la reine, cuisse de nymphe émue »… jusqu’aux abbés munis de parasol violet clair ou lilas !
Sources : « Les ornements de la femme » paru en 1892.