Les Riourikes : l'appel aux Varègues
A partir du VIIe siècle, la grande plaine d'Europe du Nord est peuplée par un ensemble de tribus slaves qui voisinent au Nord, des peuples finnois ou baltes et au Sud, le peuple nomade khazar, qui s'est fixé sur la basse Volga. Ces Slaves pratiquent l'agriculture, élèvent des animaux domestiques tels que les chevaux, les vaches, les chèvres, les moutons et puisent dans la forêt avoisinante d'autres ressources telles que des fourrures de zibeline, de martre, le produit de cueillette comme les champignons et le miel. Ils sont païens, vénèrent les forces de la nature et pratiquent le culte des ancêtres.
La navigation est difficile, car le cours du Dniepr comprend plusieurs rapides infranchissables qui obligent à porter les bateaux. Par ailleurs, les Petchénègues, peuple nomade d'origine turque, sont en embuscade aux environs de la mer Noire. Les navires transportent des fourrures, de la cire, du miel, éventuellement des esclaves. Le gros de ces marchandises provient de tributs que les populations slaves versent aux Varègues.
Selon la chronique des temps passés, aux alentours des années 860, des tribus slaves installées aux environs du lac Il'men, lasses de payer le tribut dû aux Varègues, chassent ceux-ci. Mais, rapidement, le désordre règne. Les tribus se dressent les unes contre les autres. Alors, une délégation d'hommes traverse la mer et va trouver les Varègues afin de leur demander de venir les gouverner. « Notre pays est grand et riche, mais il n'y a pas d'ordre dedans. Venez régner et nous diriger », disent-ils. Trois frères répondent à l'appel et viennent, accompagnés de leurs fidèles : Rjurik, Sineus et Truvor. Rjurik s'installe à Novgorod, Sineus à Beloozero et Truvor à Izborsk.
Rjurik dirige peu à peu tout le pays rus'. Deux de ces boyards (compagnons d'armes du prince), Askold et Dir organisent une expédition jusqu'à Constantinople. Au passage, ils investissent la ville de Kiev, spolient les Slaves qui la gouvernent et s'y installent.
Oleg le Sage
Rjurik meurt en 879. Il lègue son état à Oleg, sans doute son cousin, et place sous la protection de celui-ci son fils Igor, qui est alors très jeune.Oleg est un guerrier ; il règne durant 33 années. En 882, il prend le contrôle de Smolensk, puis il élimine Askold et Dir et s'installe à Kiev dont il fait la capitale de son royaume. Il combat les peuples voisins et leur impose des tributs. Puis, il organise plusieurs expéditions contre Constantinople qui aboutissent à la conclusion de traités de commerce. Ainsi, en 907, deux mille bateaux se dirigent vers la cité grecque.
La légende du prince Oleg
La légende s'est emparée de ce guerrier, que les Slaves, impressionnés par ses succès, qualifiaient par ailleurs de sorcier. La chronique de Nestor rapporte qu'ayant un jour questionné des mages afin de connaître de quelle façon il allait mourir, Oleg apprend de ceux-ci que c'est son fidèle destrier qui le tuera. Oleg décide alors de ne plus monter l'animal. Il le mène aux écuries et ordonne à ses serviteurs de veiller sur lui, afin qu'il dispose toujours de nourriture en abondance et d'eau fraîche.
Les années passent. Oleg remporte de nombreuses victoires. L'empereur Léon de Constantinople comble les ambassadeurs rus' de richesses, or, soie, vêtements précieux, afin d'honorer le prince rus'. Alors, Oleg se souvient de son cheval et demande à son écuyer en chef des nouvelles de celui-ci. « Hélas, répond ce dernier, ton cheval est mort pendant que tu combattais les Grecs ». Oleg rit et se moque des magiciens, puis il demande à voir la dépouille de son fidèle destrier. Il va jusqu'à l'endroit où gisent les os de celui-ci. Il raille encore, pose son pied sur le crâne du cheval en signe de défi. Une vipère, cachée dans la tête, sort et mord le prince. Oleg tombe malade et meurt.
Cette légende a été reprise dans un poème d'Alexandre Pouchkine (1799, †1837) et elle apparaît également dans une cantate profane de Rimsky-Korsakov (1844, †1908).
Bibliographie
• Chronique de Nestor, Naissance des mondes russes, traduite du vieux-russe par Jean-Pierre Arrignon, éditions Anacharsis.
• Oleg le Varègue, nouvelle, Joëlle Delacroix, éditions Edilivre
• Chanson d'Oleg le très sage, poème d'Alexandre Pouchkine, 1822.
• « La Russie médiévale », Jean-Pierre Arrignon, Guide Belles Lettres des Civilisations.
• « Voyage chez les Bulgares de la Volga », Ibn Fadlan, Editions Actes Sud.
• « Catalogue de l'exposition Russie viking », Editions Errance.