Origine de l'éventail
Importé d'Asie à la Renaissance, il est peu utilisé, bien qu'on le trouve parfois dans l'inventaire des biens après décès. Catherine de Médicis est l'une des premières à s'en servir régulièrement et dès 1594 les « doreurs, garnisseurs et faiseurs d'éventails de Paris » sont habilités à les produire. De plus en plus utilisé par les dames dans la société, le roi Louis XIV va fixer les règles de fabrication et de commercialisation en fondant en 1678 la communauté des « maîtres-éventaillistes, faiseurs et compositeurs d'éventails » composée de 60 membres.
Paris devient la capitale de cet objet aristocratique et artistique, les artisans dominent le marché et participent à la diffusion de l'art français en Europe avec 253 maîtres en 1782 : c'est le siècle d'or de l'éventail.
Les maîtres éventaillistes
Les français vont pourtant devoir partager le commerce de l'éventail avec les Anglais, les Italiens qui produisent des éventails à peaux odoriférantes et ceux du Nord qui les décorent avec des sujets bibliques. Les maîtres éventaillistes ne sont pas seuls sur le marché et la concurrence est rude avec les marchands-merciers, gantiers, parfumeurs, rubaniers, joailliers et orfèvres. Le prix de l'éventail varie en fonction de leur qualification de « commun » ou « enrichi » allant en 1750 de une livre et quatre sols à 144 livres pour un éventail avec lunette et 200 livres pour celui représentant des oiseaux dont les plumes sont naturelles.
Confection d'un éventail
Après la peinture, la phase de pliage ou plissage est le moment le plus délicat, car de cette action, l'éventail s'ouvrira correctement ou non. Il faut de la dextérité mais surtout respecter un intervalle régulier et ce travail en fut facilité à partir de 1760 avec l'invention d'un moule à plier. Simultanément, les tabletiers exécutent les montures, en bois ou en os pour les objets de peu de valeur ; en matériaux rares comme l'écaille brune ou blonde, l'ivoire, la nacre, avec incrustation d'or et d'argent ou de pierres précieuses pour les objets de luxe réservés à une élite. Le montage se fait à « l'anglaise » avec une feuille simple et les bouts apparents ou « double » si les bouts disparaissent entre deux feuilles bordées en haut pour consolider le collage. Pour un éventail « parfait », la bordure doit être peinte.
Le décor principal ornant la face présentée à la vue de tous est le plus riche, tandis que le revers est moins orné. Le maître éventailliste sculpte délicatement les brins et utilise des matières nobles comme la feuille d'or et la feuille d'argent. Il décore avec finesse les têtes de personnages en ivoire et les habille de vêtements de soie. Les fleurs, feuillages ou arbustes sur lesquels viennent se poser des oiseaux aux corps en plumes naturelles sont réalisées avec de la paille blonde ou colorée.
Les décors et les thèmes
Rivalisant dans les détails, on découvre des éventails coulissants ou pliants au format de poche ; des lunettes et loupes, des thermomètres ; des tubes à parfum miniatures pour laisser un délicat sillage derrière soi ; des animations où l'on voit les visages se modifier comme Actéon se métamorphosant en cerf devant Diane ou une personne âgée retrouvant la fraîcheur de la jeunesse près de la fontaine de jouvence.
Usage de l'éventail dans l'histoire
L'éventail passe un peu de mode à la fin du XVIII è siècle ; à la Restauration, les collectionneurs recherchent particulièrement ceux des collections royales, car rappelons-le les autres n'ont ni origine ni marque.
Au XIX è siècle, l'éventail est produit en grand nombre jusqu'à « inonder le marché » alors qu'apparaît en même temps « l'éventail de l'artiste » : Degas, Gauguin, Toulouse-Lautrec peignent et signent les feuilles d'éventail, y ajoutant parfois des dédicaces et des vers. La feuille est raffinée mais la monture devient des plus simples, gageons que cet éventail ne servira pas beaucoup à s'éventer !
Pour aller plus loin
Le siècle d'or de l'éventail, de Georgina Letourmy Bordier et José de Los Llanos. Editons Faton, novembre 2013.