Opération Overlord : ouvrir un nouveau front
« Nous reviendrons » : malgré le désastre de Dunkerque (voir notre article sur l'opération Dynamo), en juin 1940, alors que les troupes britanniques et françaises étaient contraintes, sous la pression allemande, de réembarquer pour l'Angleterre, Winston Churchill espérait bien voir un jour ses troupes refouler le sol français. Cela aurait pu être chose faite, en 1942 : le 19 août, un raid sur le port français de Dieppe est lancé, l'poération Jubilee. Le but de cette opération, qui fut un échec retentissant (près de 1200 soldat Alliés sont tués) était déjà de satisfaire les velléités de Staline, qui souhaitait l'ouverture d'un nouveau front à l'Ouest, afin de soulager l'Armée Rouge.
De cette opération, furent cependant tirés plusieurs enseignements : il était d'abord impossible de lancer une attaque directe contre les ports qui étaient trop bien défendus. Et ce d'autant plus, qu'à partir de mars 1942, Hitler ordonne la construction de gigantesques fortifications sur les littoraux depuis la Scandinavie jusqu'au golfe de Gascogne. La construction du « Mur de l'Atlantique », reposant sur la pose d'obstacles sur les plages et l'édification de bunkers pour canons et mitrailleuses, devait dès lors rendre très minutieuse toute opération de débarquement.
Parallèlement, l'idée d'un débarquement en France fait son chemin : la nomination du général Morgan comme chef de l'état-major interallié, puis trois conférences (la conférence Trident en mai 1943, la conférence Quadrant de Québec en août, puis la conférence de Téhéran en novembre 1943) définissent la nouvelle stratégie alliée. Un assaut frontal va être donné en Europe : afin de profiter d'un effet de surprise, la Normandie est choisie, au détriment du Pas-de-Calais, plus proche de l'Angleterre. Une nouvelle structure est créée pour planifier et organiser l'opération prévue initialement pour mai 1944: le Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force (SHAEF), dont le commandement est confié au général américain Dwhight D. Eisenhower.
Le mur de l'Atlantique : obstacle infranchissable ?
Au regard de l'intense propagande allemande autour du Mur de l'Atlantique, la grande confiance dans les fortifications côtières apparait démesurée. Si certains secteurs concentrent un nombre immense de troupes et de batteries côtières – ainsi dans le Pas-de-Calais –, les plages de la baie de Seine, situées entre Le Havre et Cherbourg, sont beaucoup moins bien défendues. Aussi les Alliés mènent-ils une série d'opérations d'intoxication afin de renforcer la conviction d'Hitler qu'un débarquement dans le Pas-de-Calais se prépare.
Créant des tanks factices et de faux entrepôts, les Alliés feignent ainsi de concentrer leurs troupes dans le Sud-Est de l'Angleterre, alors qu'en réalité, les troupes alliées sont concentrées à l'Ouest de l'île. Les Allemands mordent à l'hameçon...
6 juin 1944 - Le Jour J du débarquement en Normandie
Initialement prévue le 5 juin, l'opération Neptune – qui est la première phase de l'opération Overlord – est reportée d'un jour en raison d'un temps exécrable. Le 5 juin 1944, 1200 navires de guerre, ainsi que 4000 navires amphibies, quittent leur port d'attache pour débarquer, le lendemain, 150 000 hommes sur les plages des côtes normandes. Ceux-ci sont répartis en 5 forces, chacune étant accompagnée d'une force de bombardement naval. Avant que Britanniques, Canadiens et Américains ne posent pied à terre, les appareils alliés, épaulés par les croiseurs et cuirassés, ont tiré, depuis 5h30 du matin, sur les principales batteries de défense. La force aérienne est également mobilisée : les intenses bombardements, près des côtes et sur les lignes arrières, coûtent la vie à 2200 civils.
A 5 heures du matin, les premières troupes débarquent sur la plage la plus à l'Ouest, Utah Beach, au pied du Cotentin. Les chars amphibies s'élancent, trouvant une faible résistance lorsqu'ils touchent terre : un courant marin les a déviés à 2 kilomètres de la zone prévue. Si l'avancée est satisfaisante à Utah Beach, le débarquement sur Omaha Beach se révèle très sanglant. Avec des défenses installées en surplomb de la plage et peu abîmées par les bombardements, les mitrailleurs allemands fauchent les premières vagues d'assaut alliées. Tant et si bien que le général Bradley, menant l'opération sur Omaha, est prêt à retirer ses troupes.
Sur Juno, les Canadiens sont gênés par la marée montante : s'engorgent sur la plage de nombreux véhicules, ralentissant ainsi la progression. Sur Gold Beach, les Tommies ont pour mission de prendre la ville de Bayeux. En fin de matinée, la plage est sécurisée, par l'envoi précoce des blindés sur les plages. Le soir du 6 juin, les Britanniques sont aux portes de Bayeux.
Les conséquences de l'opération Overlord
Si la date du 6 juin 1944 est aujourd'hui retenue, les semaines qui suivent se révèlent cruciales. Il s'agit, pour les Alliés, de poursuivre l'opération Overlord, en consolidant les têtes de pont. Le renseignement joue un rôle non négligeable afin d'empêcher les renforts allemands de rejoindre la Normandie. Persuadés qu'une seconde attaque va intervenir dans le Pas-de-Calais, les commandants allemands restent prudents. D'autre part, l'application du plan de sabotages, supervisées par le BCRA (services secrets gaullistes), et les réseaux de Résistance, permettent de ralentir la progression des renforts. Parallèlement, tout en progressant à l'intérieur des terres, les Alliés continuent à débarquer des hommes en Normandie : ils sont près de 400 000 le 14 juin, contre 200 000 Allemands dans la région.
A la fin du mois de juin 1944, les Alliés ont deux principaux objectifs : prendre Cherbourg et Caen. La première est prise le 27 juin ; les choses s'avèrent bien plus complexes pour Caen. Les bocages normands ralentissent considérablement la progression des Alliés. En deux semaines de combat, la 1ère armée américaine perd ainsi 40 000 hommes pour une progression d'une dizaine de kilomètres. Si l'on commence à croire à l'enlisement, les choses s'accélèrent à la fin du mois de Juillet, par le lancement de l'opération Cobra, pilotée par le général Bradley, afin de percer le front allemand avec l'appui de lourds bombardements aériens, en direction d'Avranches.
Permise par une supériorité aérienne écrasante et par de considérables efforts logistiques, la victoire de la bataille de Normandie a été permise par la surprise qu'a constituée, côté allemand, le débarquement du 6 juin 1944. La topographie marécageuse et bocagère, alliée à une tenace résistance des troupes allemandes, ont néanmoins considérablement ralenti l'avancée alliée au lendemain du débarquement. Les civils ont aussi grandement souffert : près de 20 000 sont morts durant les 100 jours de la bataille de Normandie. Si le Débarquement ne marque pas la fin de la guerre — il faut attendre le printemps 1945 pour que les Alliés l'emportent définitivement —, elle constitue l'un des ultimes tournants de la Seconde Guerre mondiale.
Par l'ampleur de la préparation logistique, afin de débarquer une quantité inédite d'hommes et de matériels, elle constitue indéniablement, l'une des plus grandes opérations militaires de l'Histoire. La dimension purement militaire et stratégique du Débarquement se double d'une portée très symbolique, qui explique le retentissement des commémorations actuelles : cette opération inaugure la Libération du territoire français, et contribue à la victoire finale des Alliés sur le nazisme.
Les commémorations du 6 juin 1944
L'anniversaire du D-Day est bien entendu célébré à grand renfort de cérémonies aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et bien sûr en France. En 2019, à l'occasion du 75e anniversaire du débarquement célébré au cimetière américain de Colleville-sur-Mer (Calvados), et qui abrite les tombes de quelque 9 000 soldats américains, étaient présents les derniers vétérans américains ayant participé à cette extraordinaire opération, dont Walter Hurd, décoré de la légion d'honneur par le président de la république Emmanuel Macron.
Pour aller plus loin
- Histoire du débarquement en Normandie - Des origines à la libération de Paris, de Olivier Wieviorka. Seuil, 2007.
- Omaha Beach, 6 juin 1944 : Le débarquement de Normandie, de Joseph Balkoski. Histoire et Collections, 2014.
- Yann Magdeleine, Atlas du Débarquement, Editions Ouest-France, 2013
- Isabelle Bournier, Le Débarquement et la bataille de Normandie, Editions Ouest-France, 2013