Le rideau de fer et la Guerre froide
Après la capitulation du 8 mai 1945, symbole de la victoire idéologique de la démocratie sur le fascisme et le nazisme, Berlin fut occupée et scindée en quatre zones d'occupation : Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France contrôlèrent l'ouest de Berlin, tandis que L'URSS contrôla l'Est de la ville. La paix revenue en Europe, une fracture apparaît en Europe entre l'Est occupé par les soviétiques, et l'Ouest proche des Etats-Unis. Une situation dénoncé dès 1946 par Winston Churchill, qui évoque un "rideau de fer" qui s'est abattu en Europe. Un antagonisme qui atteint son paroxysme en Allemagne et dans sa capitale.
En 1949, fut créée la RFA (République Fédérale d'Allemagne) à l'Ouest et l'Est fut contrôlé par l'URSS marqué par la création de la RDA (République Démocratique Allemande). Cette date marqua la scission entre deux Allemagnes, fruit de la Guerre Froide. Berlin est donc devenue une enclave à l'intérieur même de la RDA et entre 1949 et 1961, se posa le problème de la fuite massive de sa main-d'œuvre vers la zone occidentale avec trois millions de citoyens de l'Allemagne de l'Est passant à l'Ouest. C'est dans ce contexte que se profile la construction du mur de Berlin.
Pourquoi la construction du mur de Berlin ?
Dans un contexte de « coexistence pacifique », des tensions persistent et la construction du mur de Berlin en fait partie intégrante. Dans la nuit du 12 au 13 août 1961, les Soviétiques décident, pour enrayer le mécanisme d'exode, d'ériger un mur entre Berlin Est et Berlin Ouest et de masser des troupes aux postes frontières. L'exode fut considéré comme une véritable hémorragie pour la zone soviétique. La construction du mur se conçoit donc dans une logique anti-migratoire de nature économique et idéologique. Il fut renforcé de manière progressive à travers plusieurs phases, en 1961, il se compose essentiellement de barbelés avec à certains endroits des murs de briques surmontés de barbelés. Seuls sept points de passage ultra-sécurisés subsistent.
Un symbole d'injustice
A l'Ouest, l'édification du mur ne fit que très peu réagir, dans une période où la tension entre américains et soviétiques est à son comble. Le 27 juin 1963, le président américain John F. Kennedy effectue un déplacement à Berlin-Ouest. Il se rend au Mur de Berlin en compagnie du très populaire social-démocrate, Willy Brandt, futur chancelier et prix Nobel de la paix. Il prononce alors un discours dans lequel il déclare en allemand: "Ich bin ein Berliner", "Je suis un Berlinois". Une citation, restée fameuse, qui fait savoir aux Soviétiques et au reste du monde que les États-Unis n'abandonneront pas la ville divisée.
Quant à la population allemande, divisée, Le mur de Berlin devient vite un mur de haine, le mur du poison qu'est le communisme dans l'esprit des Berlinois de l'Est, et du capitalisme, dans l'esprit des Berlinois de l'Ouest. Chacun voit en son bloc un indéniable défaut commun : la privation de liberté, la disparition du choix. Et le mur rappelle jour après jour aux Berlinois, mais également aux Allemands, le mal-être quotidien dans lequel ils sont plongés. Bien plus qu'une ville, c'est un pays qui est coupé en deux. Le mur est une prison, il est le reflet concret de la punition infligée aux Allemands qui ont suivi Hitler, et même pour ceux qui ne le suivaient pas.
Le « mur de la honte »
Mais plus encore, la construction du mur et des événements qui lui sont attachés, va heurter les opinions publiques sans pour autant que ces événements prennent fin. Nous parlons de « mur de la honte » pour une raison bien précise, celle des tentatives de franchissement du mur de Berlin qui coûteront la vie à 80 personnes, dont 59 ont été abattus par les « vopos » (gardes-frontières) et 115 autres seront blessés par balles.
On estime à un peu moins de 5 000 le nombre des personnes qui sont parvenues à passer de Berlin-Est à Berlin-Ouest. Pendant toute la décennie des années 1960, la situation restera figée et il faut attendre le début des années 1970, et l'arrivée au pouvoir des sociaux démocrates avec comme chef de file, Willy Brant, pour assister à la mise en place d'une Ostpolitik, qui constitue une politique d'ouverture et de détente avec l'Europe communiste et avec l'URSS.
1989, le rideau de fer se fissure
Depuis le début de l’année 1989, un vent de changement souffle sur l’Europe de l’est, sur fond de glasnost et de perestroïka venus de Moscou. Plusieurs pays du bloc communiste voient la mise en place de gouvernements inspirés par l’exemple gorbatchévien, qui amorcent plus ou moins timidement une politique de libéralisation. A l’exception de la Roumanie et de l’Allemagne de l’est, ou les vieux dirigeants staliniens, cramponnés à leur pouvoir et privilèges, réfutent toute idée de réforme d’un système à l’agonie.
Un régime est-allemand à l'agonie
Le leader soviétique tente vainement de convaincre Honecker de la nécessité d’engager des réformes, mais lui indique néanmoins fermement que la répression armée est, quoi qu’il arrive, à exclure. Le 18 octobre, Honecker est écarté de toutes ses fonctions à la tête du pays par les rénovateurs du parti communiste, dont Egon Krenz et Victor Schabowski, officiellement pour « raisons de santé ». Mais l’heure n’est plus à la réforme d’un système à bout de souffle. Descendant cette fois-ci massivement dans les rues, les allemands de l’est réclament des élections libres et pluralistes et la liberté d’aller et venir la où bon leur semble.
Cédant à la pression populaire, le gouvernement est-allemand envisage de lâcher du lest sur la liberté de circulation. Dans la précipitation, une nouvelle réglementation sur les voyages est annoncée le 9 novembre en début de soirée par le porte parole du gouvernement, lors d'une fameuse conférence de presse. Victor Schabowski lit un communiqué qui stipule que « les voyages privés vers l'étranger peuvent être autorisés sans présentation de justificatifs, motif du voyage ou lien de famille ». En réponse à une question d’un journaliste incrédule, il ajoute même que cette réglementation entre immédiatement en vigueur, alors que rien n’a encore été prévu dans ce sens.
La chute du mur de Berlin
Le gouvernement est-allemand, en voie de décomposition, est brièvement tenté de reprendre la situation en main. La police et l’armée leur font poliment comprendre qu’elles en sont incapables, si tentées qu’elles en aient eu l’envie. Dépassé et mis devant le fait accompli, il n’a plus d’autre choix que de laisser faire. L’histoire est en marche, et plus rien ne pourra l’arrêter. Rivés devant leurs postes, les téléspectateurs du monde entier assistent avec émotion à cet événement extraordinaire qui scelle les retrouvailles du peuple allemand.
Ce « mur de la honte » dans lequel les berlinois de l'est donnent les premiers coups de pioche devient un symbole d’espérance, de liberté retrouvée et de paix. Pour ceux qui assistent émerveillés au concert improvisé de Rostropovitch devant un morceau du mur de Berlin couvert de tags et en voie de destruction, une seule chose est sûre. Après cette folle nuit du 9 novembre 1989, plus rien ne sera comme avant.
Le 22 décembre 1989, l'ouverture officielle de la porte de Brandebourg rétablit le libre passage entre les deux Allemagnes et souligne l’extraordinaire libération qui vient de se jouer autour du mur, ce symbole de la division de l'Allemagne, dont la chute fut le prélude à l'effondrement du régime communiste en RDA et à la réunification.
Un autre monde ?
L'Allemagne a célébré et commémoré en 2014 les 25 ans de la chute du mur de Berlin qui a marqué la fin d'une ère, celle de la Guerre Froide mais plus encore, celle de la réunification possible de l'Allemagne qui avait été abandonné après la Seconde Guerre mondiale. Cette volonté d'unification n'a jamais cessé d'animer la population berlinoise qui ouvre la porte à l'unification de l'Allemagne divisée entre RFA et RDA intervenu en 1990.
Pour ne pas oublier cette période de l'Histoire, des morceaux de murs ont aussi été offerts à de nombreuses villes à travers le monde : Paris, Montréal, Buenos Aires... Le côté qui était situé à l'est est généralement blanc ou contenant très peu d'inscriptions, car il était gardé et protégé par des barbelés. Le côté qui était à l'ouest est au contraire bariolé de tags, de dessins et d'inscriptions appelant à la liberté. Plus encore que son appartenance à l'histoire allemande, il est aujourd'hui présenté comme le symbole de la liberté contre l'oppression à travers le monde entier.
Bibliographie
- Le Mur de Berlin, de Fred Taylor. Tempus, 2011.
- Le mur de Berlin : Histoire et chute, de Marc Geoffroy. Duffusia, 2019.
- Histoire secrète de la chute du mur de Berlin, de Michel meyer. Editions Odile Jacob, 2009.