Le mirage des Trente Glorieuses
Entre 1945 et 1973, une croissance économique sans précédents se produit. En 1979, Jean Fourastié forge le terme de « Trente Glorieuses » afin de désigner cette période. A la fois euphorique et fier de lui-même, l'Occident connait une période de « prospérité » économique, jusque-là inconnue. La consommation suit une courbe ascendante tout au long de la période. Le mythe de la croissance illimitée semble alors se bâtir à l'aide des crédits à la consommation et via la propagande « culturelle ». La publicité, déjà développée avant la guerre, encourage des modes de vie nouveaux. L'obsolescence programmée des biens de consommation vient entretenir un système productiviste qui, pour fonctionner, a un besoin croissant de matières premières. Les énergies se cumulent peu à peu.
En effet, le pétrole ne vient pas remplacer de vieilles énergies comme le charbon contrairement au mythe. Toutes les usines tournent à plein régime. En 1971 cependant, éclate le premier choc pétrolier. Ce qui aurait dû fonctionner comme une sérieuse alerte débouchant sur un changement de cap devient en réalité une « simple » épreuve à surmonter à tout prix. Les « Trente Glorieuses » semblent alors se dissiper dans un nuage de fumée crasseuse. Cependant, dès les années 1970, de nombreux scientifiques, intellectuels ou autres mettent en garde contre les dangers de cette société où la consommation massive est érigée en modèle à suivre, impliquant une croissance illimitée. Bien entendu, c'est tout le modèle de la société occidentale qui est remis en cause.
La remise en cause de la croissance illimitée
La critique de la croissance illimitée ne peut être comprise sans la rapide, et donc forcément incomplète, contextualisation que nous avons tenté d'apporter en introduction. Il s'agit d'un phénomène global, qui implique une prise en considération de nombreux autres domaines comme l'histoire sociale, l'histoire des mentalités, l'histoire de l'économie mais aussi des sciences dites « dures », afin d'en saisir les causes et les conséquences. Il faut aussi savoir faire la part des choses entre le mythe et la réalité qui se glissent dans cette construction idéologique même qu'est l'infini.
C'est ce que de nombreux scientifiques, historiens, politologues ont tenté de faire dès les années 1970. La croissance illimitée, infinie, éternelle, devint rapidement un leurre. Un beau mythe qui allait butter contre des limites qui, elles, étaient bien plus réelles. Comme nous allons le voir, des critiques vont émaner de personnes de milieux différents mais qui se rejoignent sur le constat qu'elles dressent.
Les mises en garde du Club de Rome (1972)
Dans un premier temps, intéressons-nous aux mises en garde de Dennis Meadows, formulées dès 1972[1]. Scientifique et professeur émérite de l'Université du New Hampshire, il a aussi fait partie du Club de Rome de 1970 à 1972 pour lequel il a participé à la rédaction d'un rapport concernant les limites de la croissance. Meadows, identifie alors cinq principales tendances : l'accélération de l'industrialisation ; la croissance démographique rapide ; l'extension de la malnutrition ; l'épuisement des ressources non renouvelables ; la détérioration de l'environnement. Si ces tendances venaient à perdurer dans le temps, les limites de la croissance seraient atteintes dans le siècle à venir avec pour principales conséquences un déclin soudain et incontrôlable de la démographie et de l'industrialisation.
Ceci trouve son explication dans des équations à la fois logiques et scientifiquement fondées. En effet, une augmentation de la population provoque une augmentation de la production, donc du capital. De fait, le besoin en ressource augmente et, de fait, la pollution aussi. Ce cercle vicieux s'autoalimente. Les effets de cette croissance illimitée, qui touche tous les secteurs, se font durement ressentir au niveau de l'environnement. En effet, la production massive de biens de consommation provoque le rejet de gros polluants comme le plomb, le mercure, l'amiante, les radio-isotopes ou les pesticides.
Dennis Meadows retient alors deux scénarios susceptibles de se réaliser si ces tendances se confirment : celui du dépassement et celui de l'effondrement. L'augmentation du capital nécessite un apport croissant en ressources. De fait, si la quantité des réserves baisse, leurs prix, eux, croissent. Ainsi, la raréfaction des matières premières entraîne l'augmentation du coût de leur extraction. Tout ceci nuit évidement aux investissements futurs. Ce constat « mathématique » vient démonter l'idée qu'une croissance illimitée, dans le cadre qu'elle s'est choisie, est possible. Le rapport de Meadows n'a malheureusement pas provoqué un impact notable dans le champ des pouvoirs politiques. D'autres, vont tirer la sonnette d'alarme en employant un autre discours.
Les alternatives
Le constat de Meadows était déjà accablant. Celui-ci croyait cependant à l'ingéniosité des êtres humains qui, afin de remédier à ces problèmes, pouvaient recourir à des procédés technologiques permettant de changer de cap. Cependant, la trop grande foi dans les technologies pouvait également détourner des problèmes du monde réel. La solution demeurait certainement dans une utilisation attentive de la technique, combinée à des décisions politiques d'envergure. Certains, au même moment que Dennis Meadows, vont critiquer la croissance illimitée sur un terrain plus politique et idéologique.
Pour le philosophe André Gorz, la lutte écologique n'est pas une fin en soi mais une étape. Pour lui, le modèle capitaliste est nuisible aux sociétés humaines sur plusieurs points. La foi placée dans le productivisme est en réalité nocive pour les hommes et leur environnement. André Gorz prend l'exemple de la vallée du Rhin, où la course productiviste d'entreprises chimiques concurrentes a provoqué une hausse considérable de la pollution[2]. Face à cette situation alarmante, des structures sont mises en place à l'aide de moyens de dépollution accompagnés de cahiers des charges dits « optimaux » pour l'environnement.
A.Gorz montre qu'en réalité ces normes, censées protéger l'environnement d'une émission trop importante de polluants, sont en réalité rédigées par des technocrates qui s'arrangent pour maintenir leurs bénéfices et la croissance. Par la suite, André Gorz s'aventure sur un terrain davantage socio-économique. Selon lui, pour se maintenir, la croissance économique a besoin d'entretenir les inégalités.
En effet, dès que la masse peut accéder aux biens de l'élite, ceux-ci sont immédiatement dévalorisés dans le but de recréer de nouveaux besoins. La croissance illimitée apparaît alors comme une promesse future visant à améliorer sa propre condition. Tout ce système, qui profite à une infime minorité, a donc tout intérêt à produire massivement des biens d'une durée de vie limitée, voire programmée. La croissance apparaît alors comme fondamentalement contraire aux intérêts humains. André Gorz milite pour une reprise en main par le pouvoir politique des moyens de production (produire des produits durables par exemple). Plus profondément, il invite à une sérieuse remise en question du modèle sociétal de l'Occident. La croissance illimitée apparait alors comme une illusion qui, pour exister, a besoin de créer des mythes tout en exploitant en sous-main les hommes qu'elle dupe.
Le XXIe siècle : la croissance à tout prix ?
Tout ce que nous venons d'évoquer dans la première partie émane de textes des années 1970. Aujourd'hui, avec près de quarante ans de recul, qu'en est-il advenu ? Ceux qui avaient émis des prévisions dans les années 1970 ont-ils nuancé leurs analyses ? Comme nous allons le voir, les pires scénarios semblent se confirmer. Pour cela nous verrons en un premier lieu se dresser le constant des échecs au début du XXIe siècle qui donne raison au scénario de l'effondrement établit en 1972. Dans un second temps, nous nous arrêterons sur un exemple plus précis qui illustre le fond de ce sujet, le barrage de Sivens.
Le Club de Rome, quarante ans après
Quarante ans après le rapport du Club de Rome, on retrouve Dennis Meadows qui, à l'occasion de la réédition augmentée d'un de ses ouvrages[3] en 2012, accorde plusieurs interviews dans divers médias[4]. Dans tous ces entretiens, le scientifique avoue son désenchantement. Il utilise une métaphore assez parlante en prenant l'exemple d'une voiture lancée à plein régime contre un mur. Si dans les années 1970 on pouvait encore appuyer sur le frein, désormais cela ne sert plus à rien.
Cette fois-ci, la voiture ne vise plus le mur mais s'est jetée du haut d'une abrupte falaise. Freiner ne sert plus à grand-chose... Meadows dénonce l'inefficacité des grands sommets internationaux à l'image du récent « Rio+20 [5]». Pour lui, ces grandes conférences (Stockholm en 1972, Copenhague en 2009, Rio en 2012) n'aboutissent à rien. Chaque pays s'y rend pour défendre ses propres intérêts économiques. Tant que le problème de la recherche perpétuelle de la croissance et la limitation de l'exploitation des ressources ne seront pas prises en compte, les débats seront condamnés à déboucher sur une impasse.
Les solutions dites « alternatives » comme l'économie verte, sont en réalité entre les mains de ceux qui veulent profiter de ce nouveau secteur. Les préoccupations écologiques ne sont, selon Dennis Meadows, que des prétextes pour s'enrichir. Quarante ans après Halte à la croissance ?, le scientifique est bien moins optimiste. Si en 1972, 85% des capacités de la biosphère étaient mobilisées par an, en 2012 ce chiffre atteint les 150%, d'où un déclin inévitable. L'absence d'un véritable débat autour de la démographie est totalement néfaste. Il faudrait mettre en place des politiques d'envergure qui mènent des réflexions sur la longue durée et non plus à court terme. Le scénario de l'effondrement établit en 1972 semble bien se confirmer. Les discussions autour de la croissance et de ses effets réels sur le monde ne sont même pas abordées.
« L'affaire Sivens » : symbole d'une impasse
Comme nous venons de le voir, cette croyance contemporaine – qui pour certains devient du fanatisme - en une croissance illimitée conduit inévitablement sur des problèmes majeurs que devront affronter les hommes dans un futur proche. Dans les années 1970 toujours, André Gorz soulignait déjà les effets pervers d'un tel modèle sur la société. Une fois de plus, le temps semble donner raison au philosophe. En France, les récents évènements du barrage de Sivens viennent illustrer de façon assez tragique les effets néfastes qui résultent d'une volonté politique soutenant une croissance aveugle. D'un simple « fait divers », la mort de Rémi Fraisse est rapidement devenue le symbole de cette machine froide et impassible qui écrase les hommes pour imposer sa domination.
Au lendemain de sa mort, de nombreuses associations ou intellectuels ont pris la parole pour dénoncer la trop grande foi dévolue dans la croissance sans fin et les ravages à la fois humain, écologique et économique qu'elle provoque. Dans un tract distribué en novembre 2014, le groupe M.A.R.C.U.S.E dénonce la complicité de l'Etat qui, en soutenant le capitalisme, a provoqué des drames humains. Rédigé sous le coup de l'émotion – comment ne pas l'être ? – le tract met en avant le « meurtre » de Rémi Fraisse (le trac affiche : TUER POUR LA CROISSANCE).
On ne retiendra pas ici cette idée. Cependant, on ressent le profond bouleversement humain. Dans un article paru dans Le Monde, Edgard Morin compare les opposants au barrage à Astérix défendant son village contre l'avancée de l'Empire. Ici, l'Empire se mute en une machine bulldozerisante assoiffée par le gain. Le sociologue montre comment une agriculture industrielle avec ses pesticides détruit l'écosystème.
Au-delà, c'est tout un passé à dimension humaine qui est souillé, toutes les espérances futures qui sont niées. Par l'ampleur des moyens que le gouvernement a mis en place, l'affaire du barrage de Sivens est devenue le symbole d'une guerre de civilisation. Le symbole de ceux qui croient en une croissance illimitée faisant fi des hommes face à ceux qui placent l'être humain et l'environnement avant les intérêts économiques. Le bulldozer nommé croissance veut modeler physiquement et moralement le monde afin d'alimenter son réservoir. Mais, à travers le cas de Sivens, en plus des limites matérielles, ce sont les limites humaines qui semblent atteintes.
Critiques et analyses du monde scientifique
Après avoir évoqué les années 1970 et le début du XXIe siècle en résumant les pensées de scientifiques, philosophes, sociologues ou militants, il convient à présent dans cette dernière partie d'évoquer les bilans sur le moyen terme que vont tenter d'établir scientifiques et d'historiens. En effet, nous revenons ici à ce que nous avons tenté de mettre en valeur en introduction. A savoir que la « croissance illimitée » des Trente Glorieuses a produit de nombreux effets sur notre environnement et nos modes de pensées. En premier lieu nous reviendrons sur les effets environnementaux puis, pour conclure, sur les conséquences politiques.
Les effets de la croissance illimitée
Dans un ouvrage sorti en 2013[6], les historiens Christophe Bonneuil et Stéphane Frioux tentent d'établir le bilan de l'empreinte environnementale et sanitaire des « Trente Glorieuses [7]». Ils partent du principe que les phénomènes physiques, biologiques ou culturels ont trop longtemps été mis de côté. Le point de vue adopté est global et s'étend de la lithosphère à l'atmosphère en passant par la biosphère. L'enquête à mener n'est pas simple car les statistiques disponibles paraissent assez opaques. Le cadre choisit est celui de la France.
On remarque qu'entre 1950 et 1972, la production industrielle quadruple, la population n'est pas loin de doubler et l'espace urbanisé croit jusqu'à atteindre 123m2 par habitant. Les secteurs qui explosent sont ceux du pétrole, de la chimie, de l'électricité, du béton, de l'amiante ou de l'automobile, en résumé tout ce qui a un impact majeur sur l'environnement et la santé. Sur la période allant de 1962 à 1973, la production de PVC croit de 393%, celle des plastiques de 425%.
De tels taux nécessitent une utilisation massive du pétrole. Tout ceci n'est pas sans effets sur l'homme. Si l'espérance de vie est passée de 67 ans à 77 ans pour les femmes en 1976 nées aux alentours de 1900, il faut noter que celles nées durant les Trente Glorieuses voient leur espérance de vie en bonne santé réduire considérablement. Ceci est en partie dû à l'utilisation intensive de matériaux comme l'amiante ou la silicose qui ont provoqué des décès brutaux[8]. De 50 décès/an dus à l'amiante en 1950, on passe à 750 en 1996[9]. Cette société de consommation de masse qui s'est fixé pour objectif une croissance sans fin, rejette de plus en plus de déchets dans la nature[10]. Ceci engendre une pollution sans précédents qui touche tous les milieux.
En 1950, 50 tonnes d'azote sont rejetées dans la Seine à Paris. En 1980, c'est 125 tonnes. Entre 1970 et 1972, 15 kilogrammes de mercure sont déversés quotidiennement dans le lac Léman. Les émissions de poussières passent de 740 000 tonnes en 1960 à 1 233 000 tonnes en 1970. Les pluies fines rabattent le plomb dans les sols[11]. L'atmosphère est également polluée par des radio-isotopes causés par des essais nucléaires et par les chlorofluocarbures contenus dans les aérosols[12]. Au final, les périodes de croissance comme celles des Trente Glorieuses s'avèrent désastreuses pour l'environnement et les hommes. Le bilan écologique est catastrophique.
Une impasse politique ?
Face à de telles perturbations, on pourrait s'attendre à ce que les pouvoirs publics soient alertés par des bilans aussi sombres. Cela ne semble pas être du tout le cas. Plutôt que de trouver de nouveaux moyens de productions, les « décideurs » prennent certes en compte les limites de la planète mais cela pour mieux les pousser à bout. Des politiques sont mises en place pour réduire la consommation énergétique dans l'industrie.
Entre 1959 et 1973, cette consommation baisse même de 10%. Cependant, les nouveaux modes de production sont davantage polluants dans la mesure où des énergies à l'empreinte écologique plus lourde sont utilisées. Des secteurs comme l'agriculture consomment en revanche davantage qu'avant 1950. Les coûts de production augmentent alors et de fait, le chômage croit fortement. Les effets politiques et sociaux de la période des Trente Glorieuses se font durement ressentir dans les pays occidentaux. D'un point de vue international, il devient compliquer pour les pays ayant favorisé la croissance d'imposer à l'heure actuelle des normes sur les pays dits « émergeants » qui veulent s'enrichir par n'importe quels moyens.
Pour prendre un exemple, la Chine est doublement confrontée à ce problème. En tant qu'atelier du monde, elle subit une déportation des taxes carbones [13]de l'Occident qui, dans un même temps, tente de réduire ses émissions. Le problème se pose donc sur une échelle planétaire. D'un autre côté, après la guerre les Etats providences ont tablé sur le « salariat pour tous », la promotion des classes moyennes ou encore l'établissement d'un mode de vie équitable.
Ce mode de vie supposait une croissance forte. Dès lors que celle-ci est forcée de s'arrêter comme on le remarque aujourd'hui, c'est tout le modèle qui s'écroule. L'Occident se retrouve pris en tenaille entre les pays émergeants qui refusent l'ingérence et son propre échec. Le mythe de la croissance illimitée ne résiste pas devant les analyses et les bilans.
Vers un effondrement du modèle occidental ?
Pour conclure, plusieurs points sont à rappeler. La critique de la croissance illimitée a été très tôt formulée par des scientifiques, philosophes ou spécialistes de la question qui, dès les années 1970, s'évertuèrent à démontrer qu'un tel modèle de société n'était pas viable. Près de quarante ans après, ceux qui dressent le bilan ne peuvent qu'approuver les scénarios établis par leurs prédécesseurs. Les problèmes qui se posent au monde aujourd'hui sont d'une complexité rare. L'Occident est forcé d'accepter que le modèle qu'il s'est choisi est une aberration écologique, économique et donc humaine.
Sans cela, certains comme Dennis Meadows pensent que l'effondrement est inévitable, que l'Occident est condamné à disparaître tel que nous le connaissons. Les évènements récents de Sivens sont une illustration de ce qui risque de se propager à des échelles nettement plus importante. Victime de la croissance illimitée et irréfléchie, l'environnement est également mis à mal. Plus que malade, il est mourant. Le véritable problème aujourd'hui est de savoir qui de l'homme ou de l'environnement cédera en premier face aux assauts répétés qu'on leur porte ? Car l'impasse dans laquelle le monde se trouve semble inévitable.
Certes, l'esprit humain laisse espérer une prise en compte collective des graves problèmes auxquels nous sommes tous confrontés. Cependant, l'infime minorité qui détient la richesse[14], et donc le pouvoir, n'a aucun intérêt à voir les choses changer. Dès lors, que faire ? En étudiant le sujet, on se rend rapidement compte que la critique de la croissance illimitée débouche rarement sur de réelles propositions d'envergure. Seul un travail de réflexion collectif et international qui regrouperait experts scientifiques, intellectuels, politiques, industriels pourrait aboutir à quelque chose. Cela supposerait bien sûr que tous les acteurs de la discussion soient attentifs aux problèmes humains et écologiques. En résumé, un projet qui semble bien utopique...
En complément, on peut relire et méditer les paroles de Pline l'Ancien :
« La terre est la seule partie de la nature à l'égard de laquelle nous soyons ingrats. Combien le luxe n'en abuse-t-il pas ! à quels outrages n'est-t-elle pas soumise ! On l'entasse dans les mers ; on l'entame pour ouvrir le passage aux flots. L'eau, le fer, le feu, le bois, la pierre, les céréales, tout est pour elle, à tout heure, une cause de tourment, et bien plus pour servir à nos plaisirs qu'à notre nourriture. On dira peut-être que les souffrances qu'elle endure à sa superficie, et, pour ainsi dire, à son épiderme, sont tolérables ; mais nous pénétrons dans ses entrailles ; nous y fouillons les veines d'or et d'argent, les mines de cuivre et de plomb, et même nous y allons chercher des pierres précieuses et quelques petits cailloux, à l'aide d'excavations profondes. Nous arrachons ses entrailles, pour qu'un doigt porte le joyau qu'il va chercher. Que de mains s'usent à faire briller une seule phalange ! S'il y avait des enfers, depuis longtemps les souterrains creusés par l'avidité et le luxe les auraient mis à découverts. Et nous nous étonnons que la terre ait enfanté quelques productions nuisibles ! »
[Pline l'Ancien, Histoire naturelle, II. 157-158]
[1] Dennis MEADOWS, Halte à la croissance ?, Paris, Fayard
[2] André GORZ, « Leur écologie et la nôtre », Les Temps modernes, mars 1974
[3] Dennis MEADOWS, Donella MEADOWS et Jorgen RANDERS, Les limites de la croissance, Rue de l'échiquier, 2012
[4] Dennis MEADOWS, « Le scénario de l'effondrement l'emporte », Libération, 15 juin 2012
[5] 20-22 juin 2012
[6] Christophe BONNEUIL, Céline PESSIS, Sezin TOPCU (dir.), Une autre histoire des « Trente glorieuses ». Modernisation, contestations et pollutions dans la France d'après-guerre, La Découverte, 2013
[7] « Les Trente Ravageuses ? L'impact environnemental et sanitaire des décennies de haute croissance », Une autre histoire des « Trente glorieuses ». Modernisation, contestations et pollutions dans la France d'après-guerre
[8] 75 000 entre 1960 et 1987 pour la silicose
[9] Près de 100 000 d'ici 2025 selon les statistiques
[10] 12 mégatonnes en 1972
[11] 0,1 mg/L de plomb dans la Seine au niveau de Tancarville
[12] 1 million d'aérosol vendus en 1954 ; 430 millions en 1974
[13] « Pourquoi ne prend-on pas au sérieux le scénario de l'effondrement ? », La grande table, France Culture, 26 juin 2012
[14] Les 1% des plus fortunés détiennent la moitié de la richesse mondiale.