Un double héritage
On comprend l’apparition du mouvement surréaliste à la lumière des expériences littéraires et artistiques qui ont succédé au XIXe siècle, et de la psychanalyse de Sigmund Freud. Depuis 1800, on assiste à un éloignement progressif des canons classiques. Après le refus romantique, un mouvement d'innovation est lancé. Les écoles littéraires se succèdent et introduisent des formes nouvelles (vers libre, poème en prose, etc.). En peinture, la reproduction du réel devient floue, avec les impressionnistes à la fin du XIXe siècle, et restructurée, avec les cubistes au début du XXe siècle.
Ces expériences profitent à Guillaume Apollinaire qui cherche à innover en permanence, notamment avec ses Calligrammes (1918). Outre ces expériences esthétiques, la psychanalyse de Freud semble révélatrice, surtout pour André Breton, l’auteur du Manifeste du surréalisme (1924). Pendant la guerre, Breton est amené à travailler comme étudiant dans des centres neuro-psychiatriques. Il prend connaissance des travaux de Freud et s’inspire du principe de l’association libre pour élaborer l’écriture automatique.
Le contexte historique du surréalisme
De nombreux surréalistes participent à ce mouvement, mais grâce à André Breton, ils dépassent le simple refus avec le recours à la psychanalyse. Breton conçoit le surréalisme comme une exploration de l’Inconnu, comme l’expression du «fonctionnement réel de la pensée.» Pour cela, l’écrivain ou le peintre doit supprimer ce que sa raison lui impose et créer en toute liberté.
Les principaux écrivains surréalistes : Breton, Desnos, Eluard, Aragon
Après avoir fréquenté le cercle d’Apollinaire, André Breton devient le théoricien et le chef de file du surréalisme avec ses trois Manifestes (1924, 1929 et 1942). Il s’adonne à la poésie, mais ses plus beaux textes sont en prose, proches du roman (Nadja, 1928 ; Les Vases communicants, 1932 ; L’Amour fou, 1937). Si Breton reste fidèle au surréalisme jusqu’au bout, il semble hésiter entre l’écriture automatique et la composition longue.
L’influence de Desnos sur le mouvement surréaliste est moins visible, mais bien réelle. Il se penche surtout sur ses rêves qu’il collectionne. Il en établit le compte rendu qui se doit d’être authentique. En partant du rêve, Desnos semble un véritable génie de l’automatisme verbal lors des « séances de sommeil » collectives. Dès la fin des années 1920, il conjoint rêve et réalité. Il se lance également dans le cinéma.
Avec le roman Anicet ou le panorama (1921), Aragon exprime la révolte de sa génération. Il s’adonne également à la poésie, notamment avec un recueil qui marque le mouvement surréalliste avec Le Mouvement perpétuel (1925). Il laisse également un roman surréalliste : Le Paysan de Paris (1926). Il se détachera du groupe d’André Breton pour se mettre au service de la révolution sous l’impulsion de sa femme, Elsa Triolet.
Le cadavre exquis, inventé à cette période, est un jeu poétique collectif où les participants construisent une phrase en inscrivant l’un après l’autre un mot sur une feuille de papier. Ils la replient de façon à dissimuler à leurs voisins ce qu’ils ont noté, et ont pour seule contrainte le respect de l’ordre syntaxique correct (nom, adjectif, verbe, complément). Des dessins peuvent également être construits selon le même principe.
Le surréalisme dans la peinture
C’est Max Ernst qui est le précurseur de la peinture surréaliste. Ses « romans-collages » et ses « frottages » sont l’équivalent de l’écriture automatique pour la peinture. Il est suivi par l’espagnol Joan Miró qui applique le principe de l’écriture automatique à ses « tableaux-poèmes ». René Magritte, la principale figure du surréalisme belge, s’amuse avec un humour décapant à créer des associations inattendues. Il joue sur l’écart entre la représentation des choses et leur désignation : il est l’auteur d’un tableau représentant une pipe et légendé ainsi : « Ceci n’est pas une pipe ».
Le mouvement surréaliste, qui gagnera le monde entier pendant les années 1930-1950, s’auto-dissout symboliquement par un acte de décès publié dans le journal Le Monde en 1969.
Pour aller plus loin
- Histoire du mouvement surréaliste, de Gérard Durozoi. Hazan, 2004.
- Histoire du surréalisme, de Maurice Nadeau. Seuil, 1970.