Une Amérique en plein doute
Richard Nixon (1913-1994) est élu le 5 novembre 1968 avec l’une des plus faibles majorités de l’histoire électorale américaine, au plus fort du séisme contestataire des sixties, dans une société profondément divisée entre les «faucons» (hawks) et les «colombes» (loves) qui, de plus nombreuses, réclament le retrait du bourbier vietnamien et la fin d’une guerre qui s’éternise. L’Amérique triomphante laisse ainsi place à une Amérique du doute, où s’installe à nouveau un conservatisme qui ne fera que se renforcer au fil des décennies suivantes. Nixon entre à la Maison-Blanche en promettant une «remise en ordre» du pays, et une réduction des dépenses fédérales après les débordements démocrates au nom de la « grande société » ; porte-parole de l'Amérique moyenne, il se dit à l'écoute d’une « majorité silencieuse » (silent majority) éclipsée jusque-là par les cris des minorités.
Le cessez-le-feu annoncé en janvier 1973 ne met cependant par un terme définitif au conflit qui constitue le premier échec d’envergure des États-Unis, dont l’humiliation sera confirmée lors de l’évacuation en catastrophe de Saigon qui tombe aux mains des Nord-Vietnamiens en avril 1975. Nixon tente de redorer le blason du pays à l'international à travers une politique fondée sur le pragmatisme, qui le mène notamment à un rapprochement paradoxal avec l’URSS et avec la Chine ; à l’extérieur comme à l'intérieur, cependant, le bilan de l’un des présidents les plus controversés de l’histoire américaine reste très contrasté.
Nixon, un président hors de contrôle
Californien d’origine modeste, Nixon a toujours été animé d’une ambition dévorante et sa détermination est sans faille. Fervent anticommuniste en début de carrière, puis vice-président d’Eisenhower pendant huit ans, il échoue face à Kennedy lors d’une première course à la présidence, en 1960. S'il manque de la chaleur humaine d’un tel adversaire, il se montre parfois âpre et agressif, et souvent maladroit devant les médias (qu’il a en horreur), il n’en est pas moins un politicien compétent et un orateur percutant, qui sait tirer profit de la situation troublée pour que les portes de la Maison-Blanche s’ouvrent à lui. Il en augmente considérablement le personnel, au point que certains parlent d’«inflation administrative» sous ses mandats. Il multiplie les assistants présidentiels et les agences échappant au contrôle du Congrès, de plus en plus conscient des dangers de dérive de cette «présidence impériale ».
Dès juin 1971, la publication des «dossiers du Pentagone» (Pentagon Papers) - malgré la tentative de censure de Nixon - révèle que l’opinion et le Congrès ont été délibérément trompés par le gouvernement et le département de la Défense, coupables de désinformation dans leur justification d’un engagement massif au Vietnam. Voilà qui sème la confusion et aggrave les regrets amers d’une très grande partie des Américains vis-à-vis d’une guerre perçue comme inutile. Une blessure qui n'est, aujourd’hui encore, pas entièrement refermée. Ce premier scandale met en lumière le pouvoir et le rôle de la presse (dont Nixon fait son premier ennemi), ceux du New York Times en l’occurrence.
Le scandale du Watergate et la démission de Nixon
Ce sont ensuite deux journalistes du Washington Post (Cari Bernstein et Bob Woodward) qui contribuent à mettre au jour l’affaire retentissante du Watergate, hôtel de luxe du centre de Washington où les démocrates ont établi leur quartier général pour l'élection présidentielle de 1972. À la suite de la découverte de la mise sur écoute du bâtiment par des collaborateurs de Nixon, qui fait l’erreur de nier toute implication, une enquête est ouverte sur les curieux agissements de l’équipe présidentielle.
Le 8 août 1974, en pleine disgrâce, Nixon décide de démissionner et de se retirer de la vie politique. Alors qu’elle doutait déjà d’elle-même, l’Amérique doute désormais de ses dirigeants, dont l’autorité morale est profondément remise en cause. Le "credibility gap" se creuse entre le président et la population et les successeurs de Nixon, le républicain Gerald Ford (1974-1977) et le démocrate Jimmy Carter (1977-1981), ne parviendront pas à restaurer la confiance en Washington.
Pour aller plus loin
- Le scandale du Watergate: L'affaire qui a fait tomber Nixon, de Quentin Convard. 50Minutes, 2015.
- Gorge profonde: La véritable histoire de l'homme du Watergate, de Bob Woodward. Folio, 2007.