L'idée d'une restauration impériale
La disparition de l’Empire romain en 476 ne met pas un terme à l'idée d’un rétablissement impérial au sein du clergé et dans l’entourage du pape. À la fin du VIIIe siècle, elle surgit à la cour des rois francs et s’impose peu à peu, surtout sous l’impulsion de lettrés comme Alcuin. Ceux-ci entre perçoivent la grandeur de l’Empire à travers les textes classiques et sont peu à peu gagnés par la volonté d’une restauration impériale autour de Charlemagne. À leurs yeux, le nouvel Empire romain ne peut être que chrétien. Ils le conçoivent comme un corps politique destiné à défendre l’Église en Occident, au même titre que l’Empire byzantin en Orient.
Le choix de Charlemagne
En outre, des troubles éclatent à Rome et à Byzance, et bouleversent l’ordre du monde connu à l’époque. On attend une personne capable de le maintenir car l’autorité du pape et de l’empereur byzantin faiblit.
Le rôle joué par Léon III
En 799, un soulèvement populaire fomenté par les aristocrates menace le pape Léon III. Le 25 avril, il est attaqué lors d'une procession. Il trouve refuge auprès de Charlemagne, choix qui n'a rien d’étonnant car Pépin le Bref avait déjà défendu le Saint-Siège contre les Lombards.
Charlemagne se rend à Rome pour confirmer l'autorité de Léon III qui profite de cette occasion pour le couronner empereur. Cette idée ne germe pas subitement dans son esprit. Au contraire, il souhaite le couronnement de Charlemagne, protecteur du Saint-Siège, depuis plusieurs années. De 796 à 798, il fait d'ailleurs réaliser la mosaïque du Triclinium. Cette œuvre rapproche le souverain franc de l’empereur romain Constantin et établit une filiation entre eux.
La cérémonie
La cérémonie comprend trois moments forts. Léon III pose la couronne impériale sur la tête du monarque. L’assemblée acclame le nouvel empereur. Puis le pape se prosterne devant Charlemagne. Alors qu’à Byzance l’acclamation des grands précède et légitime le couronnement impérial, Léon III impose qu’elle suive la proclamation même. Il signifie par là qu’il demeure le chef suprême de la chrétienté, capable d’imposer ses choix aux grands. Charlemagne n’est d'ailleurs pas sacré empereur. Toutefois, le pape accompagne le couronnement d’une consécration. Il octroie ainsi une fonction sacrée à Charlemagne.
Les conséquences du couronnement de Charlemagne
Les Romains attendaient un maître depuis quelque temps et accueillent donc favorablement l’événement. Charlemagne, quant à lui, délaisse cette ville au profit de celle d’Aix-la-Chapelle. Il semble moins attaché à Rome qu’à la chrétienté. Il se veut le garant de la paix entre les peuples chrétiens soumis à son pouvoir temporel et spirituel.
Enfin, à Constantinople, l'accession d’un barbare au trône impérial est mal accueillie. Aux yeux des Grecs, Byzance demeure le seul héritier de l’Empire romain. Les relations entre les deux puissances ne s'améliorent qu’en 812 quand une ambassade grecque reconnaît à Charlemagne son titre d’empereur, à condition qu’il retranche « des Romains » de ce titre.
Pendant plusieurs siècles, papes et empereurs s’opposeront régulièrement pour s’assurer de la prééminence de l’un sur l’autre (excommunication de Frédéric II, querelle des investitures, sac de Rome par Charles Quint…). Prudent, Napoléon Bonaparte se déposera lui-même la couronne sur la tête devant un pape devenu simple figurant.
Bibliographie
- Le couronnement impérial de Charlemagne: (25 décembre 800), de Robert Folz. Gallimard, 2008.
- Charlemagne: Empereur et mythe d'Occident, d'Isabelle Durand-Le Guern et Bernard Ribémont. Klincksieck, 2009.