La guerre de Sept Ans, premier conflit à l'échelle mondiale
La paix instauré à l'issue de la Guerre de Succession d'Autriche avait laissé tous les belligérants sur leur faim. La paix conclue au traité d’Aix-la-Chapelle en 1748 n’avait été que de courte durée, et il ne s'était agi que d’une trêve dans le conflit qui opposait les puissances européennes. Les hostilités allaient renaître en 1756 et durer sept ans. Mais, depuis la guerre de la succession d’Autriche, les relations entre nations avaient évolué et le renversement des alliances avait transformé les rapports entre États. La crise européenne qui débuta en 1756 avait en fait deux raisons principales : la rivalité maritime et coloniale opposait la France et l’Angleterre en amérique du Nord et dans l’Inde ; l’inquiétude de de l’Autriche devant les progrès de la Prusse et la volonté qu’avait Marie-Thérèse de reprendre la Silésie à Frédéric II.
Depuis le XVIIe siècle, les Français avaient pénétré à l’intérieur du Canada et possédaient, du Saint-Laurent au Mississippi, un territoire très vaste. Ils avaient construit dans la vallée de l’Ohio des forts pour barrer la route aux Anglais, qui disposaient de forces militaires supérieures aux leurs. La lutte s’engagea sérieusement aores le traité d’Aix-la-Chapelle le long du cours de l’Ohio. En 1754, des miliciens de Virginie, commandés par le jeune George Washington, tuèrent dans des conditions obscures un officier français, Jumonville, et les Français ripostèrent en prenant le fort Necessity, où les colons britanniques étaient installés.
L’année suivante, le 10 juin 1755, deux vaisseaux français, l'Alcide et le Lys, victimes de « l’attentat de Boscawen », furent capturés près des bancs de Terre-Neuve par les Anglais. Peu de temps après, trois cents navires français et leurs cargaisons estimées à 30 millions étaient pris par les corsaires anglais. Mais, alors que l’Angleterre se préparait activement à combattre, le roi de France Louis XV se résignait difficilement à accepter une guerre qui lui répugnait.
1756 : le renversement des alliances
L’Angleterre se préoccupait de nouer des alliances en Europe. Le 16 janvier 1756, Frédéric de Prusse conclut un accord de garantie militaire avec le souverain britannique George II. Ce traité provoqua la rupture entre la Prusse et la France et, craignant de se trouver isolé devant une coalition dirigée contre lui, Louis XV décida d’accepter les propositions d’entente que lui faisait depuis plusieurs années Marie-Thérèse d'Autriche. L’ambassadeur de cette dernière, Kaunitz, avait su gagner la confiance de Mme de Pompadour, qui avait chargé son ami, l’abbé de Bernis, de négocier avec l’Autriche.
Grâce au renversement des alliances, la France et l’Autriche étaient désormais alliées et obtenaient l’appui de l’impératrice de Russie, du roi de Suède, de l’Électeur de Saxe et de la plupart des princes allemands. Afin de prévenir les effets de cette coalition, Frédéric II prit l’initiative et se jeta sur la Saxe en août 1756. Dès lors, deux guerres allaient se dérouler simultanément, l’une entre la Prusse et la coalition européenne en Allemagne et aux frontières de la Bohême et de la Pologne, et de l’autre sur mer et dans les colonies entre la France et l’Angleterre.
Succès et revers français dans la guerre de Sept Ans
Les premiers affrontements sur mer furent favorables à la France. Après avoir appareillé à Toulon le 12 avril 1756, l’escadre française, placée sous le commandement de La Galissonière, arriva à Minorque et vainquit la flotte de l’amiral anglais Byng, ce qui permit au maréchal de Richelieu de s’emparer du Port-Mahon, une place réputée inexpugnable.
Mais ces victoires qui enlevaient aux Anglais le contrôle de la Méditerranée n’eurent qu’un effet momentané, car, dans les années qui suivirent, la flotte anglaise reprit l’avantage sur les côtes de France et infligèrent de lourdes défaites aux navire» français, en particulier à Quiberon, ou, en 1759, l’amiral de Conflans fut défait par l’amiral Hawke.
Sur le continent, Frédéric de Prusse privé de l’aide de l’Angleterre qui avait consacré ses forces à la lutte sur mer, se trouvait seul face aux armées coalisées. Avec son armée d’environ 150 000 hommes, il prit l’initiative en Bohême et en Saxe en tentant d’empêcher la jonction entre les troupes de Marie-Thérèse et de celles de l'électeur de Saxe. Mais la guerre commença par une série de défaites pour le roi de Prusse et ses alliés : vaincu à Kolin le 18 juin 1757, Frédéric dut évacuer la Bohême, tandis que la Prusse orientale fut envahie par la Russie et la Poméranie par les Suédois. Les Français étaient entrés en Westphalie.
Le maréchal de Richelieu occupa le Hanovre et contraignit l’armée anglo-hanovrienne du duc de Cumberland à signer la capitulation de Kloster-Zeven (8 septembre 1757). Cependant, Richelieu ne profita pas de son avantage et se contenta de soumettre le pays à un pillage réglé, ce qui lui valut le surnom peu flatteur de « Père la Maraude ».
Frédéric II de Prusse l'emporte difficilement en Europe
Deux mois plus tard, Frédéric de Prusse dispersait les Autrichiens à Leuthen en Silésie. Pendant les années qui suivirent, le roi prussien dut faire face, sur trois fronts différents, à trois groupes d’armées qui convergeaient vers Berlin. Les Français furent vaincus à Krefeld en juin 1758 et perdirent le Hanovre qui ne put être repris, malgré les efforts du maréchal de Broglie. Un an plus tard, en août 1759, ils étaient de nouveau défaits à Minden.
Mais bientôt la Prusse succomba sous les forces de la coalition qui se resserraient autour d’elle. Le 12 août 1759, les Austro-Russes lui infligeaient la défaite de Kunersdorf et entraient à Berlin en octobre 1760. Les Impériaux occupaient la Saxe et les Autrichiens la Silésie. La France elle-même remportait une victoire à Clostercamp le 15 octobre 1760, et cette bataille fut illustrée par un acte de courage rapporté par Voltaire : le jeune chevalier d’Assas tomba, au cours de la nuit qui précédait la bataille, sur une colonne ennemie qui l’entoura et le menaça de mort s’il avertissait les Français.
Mais Assas n’hésita pas à sauver ses compatriotes en criant à son régiment : « À nous, Auvergne, ce sont nos ennemis ! », et tomba, percé de coups. Mais, malgré d’autres épisodes glorieux comme la prise de Cassel par le comte de Broglie ou la défense victorieuse de Gottingen, les armées françaises n’étaient point capables d’affronter durablement les troupes prussiennes, remarquablement entraînées, et manquaient de chefs de valeur comparables à Maurice de Saxe.
Malgré son habileté stratégique et la valeur de ses soldats, Frédéric II se trouvait dans une situation particulièrement critique lorsque le hasard vint à son secours. Le 5 janvier 1762, la tsarine Élisabeth mourait et son successeur, Pierre III, admirateur du roi de Prusse, signait avec lui une paix séparée le 5 mai 1762. Il lui rendait par ce traité toutes les conquêtes réalisées par les Russes depuis le début de la guerre. La Suède suivait immédiatement l’exemple de la Russie.
En remportant le 21 juillet 1762 la victoire de Burkersdorf sur les Autrichiens, Frédéric II parvenait à reconquérir presque toute la Silésie. Privée de l’aide de la Russie, l’Autriche était disposée à traiter avec la Prusse. Quant aux Français, les revers qu’ils avaient essuyés aux colonies les poussaient à la négociation et la désagrégation de la coalition antiprussienne prépara la conclusion de la paix.
Vers la victoire anglaise outremer
Alors que les débuts de la guerre de Sept Ans avaient été désastreux sur mer pour les Anglais, ces derniers ne tardèrent pas à reprendre l’avantage grâce au sursaut national suscité par le Premier ministre, William Pitt. L'essentiel des forces anglaises fut consacré à la défense des colonies en Amérique du Nord et en Inde, alors que le gouvernement français ne se préoccupait guère que des opérations menées en Europe. Le ministre français de la Marine ne déclarait-il pas : « Quand le feu est à la maison, on ne s’occupe pas des écuries ! » Il faut dire que le Canada, où se déroulèrent les plus graves affrontements, ne fournissait pas de produits coloniaux et rares étaient les Français qui s’intéressaient à ce pays lointain. Aussi se contenta-t-on d’envoyer en renfort un peu plus de 8 000 hommes, alors que Pitt, décidé à occuper la vallée de l’Ohio, fit partir plus de 30 000 Anglais vers l’Amérique.
Après un combat acharné dans les plaines d’Abraham le 13 septembre, la ville était obligée de capituler le 18 septembre, les deux généraux Montcalm et Wolfe ayant été tués au cours de la bataille. En 1760, Montréal tombait à son tour au pouvoir des Anglais. Ceux-ci s’étaient aussi emparés de la Guadeloupe en 1759. C’était la fin de l’Empire colonial français en Amérique.
La situation en Inde n’était pas plus brillante. Après le départ de Dupleix, les Anglais s’étaient installés à Chandernagor. Pour défendre les Français des Indes, on envoya un corps expéditionnaire commandé par Lally-Tollendal qui remporta d’abord quelques succès. Mais Lally-Tollendal ne connaissait rien aux affaires de l’Inde et n’avait que mépris pour « ces misérables Noirs». S’aliénant les alliés indigènes et mécontentant les officiers français, il se trouva très vite en difficulté. Il échoua d’abord dans le siège de Madras en 1758, puis se laissa enfermer dans Pondichéry avec une petite troupe de 700 hommes et résista héroïquement contre l’armée ennemie forte de plus de 20 000 soldats.
Au bout d’un an, Pondichéry tombait entre les mains des Anglais. Injustement rendu responsable de la défaite française aux Indes, Lally-Tollendal fut accusé de trahison et fut condamné en 1766 à avoir la tête tranchée.
Fin de la guerre de Sept Ans : le traité de Paris
Devant les échecs essuyés par les armées françaises, Louis XV pensa à renforcer ses alliances et, sous l'instigation de son ministre Choiseul, conclut avec les Bourbons d’Espagne et de Naples ce que l’on appela le « pacte de Famille» : par cette convention signée le 15 août 1761, les rois de France et d’Espagne se garantissaient mutuellement leur assistance. Le 1er mai 1762, l’Espagne déclarait la guerre à l’Angleterre. Les Anglais continuaient à remporter des victoires et avaient conquis La Havane en 1762. Cependant Pitt, partisan de la guerre à outrance, avait été renversé le 5 octobre 1761 et son successeur, lord Bute, ainsi que le nouveau roi d’Angleterre, George III, se montraient moins intraitables.
D'ailleurs l’Europe entière était fatiguée de la guerre et, le 3 novembre 1762, des préliminaires de paix furent signés à Fontainebleau. Par le traité de Paris, le 10 février 1763, la France abandonnait à l’Angleterre le Canada, la partie de la Louisiane à l’est du Mississippi, la vallée de l’Ohio, la Dominique, Saint-Vincent, Tobago, la Grenade et le Sénégal à l’exception de Gorée. Elle cédait son empire des Indes et ne gardait que les cinq comptoirs de Chandernagor, Yanaon, Karikal, Mahe et Pondichéry. Pour dédommager l’Espagne, qui avait dû céder la Floride aux Anglais, Louis XV lui donnait l’autre partie de la Louisiane et La Nouvelle-Orléans.
La France ne conservait en Amérique que la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Domingue et les îlots de Saint Pierre-et-Miquelon. Cinq jours après la conclusion du traité de Paris, Frédéric II et Marie-Thérèse signaient la paix de Hubertsbourg qui confirmait à la Prusse la possession de la Silésie. La guerre de Sept Ans avait fait de la Prusse la première des puissances militaires de l’Europe et de l'Angleterre la maîtresse d’un vaste empire colonial.
Le traité de Paris était particulièrement humiliant pour la France, qui se trouvait amputée de ses plus belles possessions d’outre-mer. Cependant l’opinion publique ne s’émut guère de la perte du Canada, car pourquoi, ainsi que le disait Voltaire, s’intéresser à ces «quelques arpents de neige» ? L’essentiel semblait avoir été de conserver la plupart des îles à sucre. Mais, si on considérait avec désinvolture la perte de l’empire colonial, on était plus sensible en France à l’humiliation des nombreuses défaites essuyées sur terre et sur mer et on se moquait en chansons de l'incapacité des officiers et de la faiblesse des ministres. Il est certain que la France avait perdu plus de deux cent mille hommes pour conserver à Frédéric de Prusse la Silésie et, comme le dira le diplomate français Bernis, dans la guerre de Sept Ans, « notre rôle avait été extravagant et honteux ».
Bibliographie
- La Guerre de Sept Ans : Histoire navale, politique et diplomatique, de Jonathan R. Dull, Jean-Yves Guioma. Les Perséides, 2009.
- La guerre de Sept Ans en Nouvelle-France, de Laurent Veyssière et Bertrand Fonck. Pups, 2011.
- La guerre de Sept AnsLa guerre de Sept Ans, de Edmond Dziembowski. Tempus, 2018.