La jeunesse de Louis-Napoléon Bonaparte
Charles Louis Napoléon-Bonaparte naquit avec faste le 20 avril 1808. Il est le fils de Louis Bonaparte, ancien Roi de Hollande, et d’Hortense de Beauharnais. Néveu de Napoléon Ier, il fait un temps office d'héritier présomptif de l'empereur, qui n'a pas eu d'enfants avec Joséphine. Mais Napoléon divorce pour convoler avec l’archiduchesse Marie-Louise d’Autriche, le « ventre » tant désiré par le maître de la France et de l’Europe. La naissance du Roi de Rome vient chambouler cet ordre dynastique chimérique.
Après la défaite finale de Waterloo, la reine Hortense se réfugie en Suisse au château d’Arenenberg, près du lac de Constance. Là, le futur empereur a pour précepteur Philippe Le Bas, fils du conventionnel et ardent partisan des idées révolutionnaires, et Vieillard, qui plus tard se voudra le disciple d’Auguste Comte. L’influence de tels maîtres sur l’esprit du jeune adolescent ne fait pas de doutes. Enfin, Charles Louis Napoléon suit des cours à l’école militaire de Thoune, où il acquiert le grade d’officier d’artillerie.
Concilier ambition, devoir et « Romantisme »
Nourrit par la légende napoléonienne et par le style « troubadour » qu’aimait sa mère, Louis Napoléon se définit comme un héros de roman. A la mort de son aîné en 1831, il commence sa « carrière politique » en participant aux insurrections italiennes et sera une plaie pour la Monarchie de Juillet qui, après avoir eu à composer avec la fantasque Duchesse de Berry, aura d’autres difficultés avec les prétentions de ce prince, héritier tout désigné de Napoléon depuis la mort sans descendance du Roi de Rome, le duc de Reichstag, en 1832.
En effet, Napoléon II disparu, son père et ses oncles prostrés dans un défaitiste abandon, Charles Louis Napoléon décide de porter, à lui seul, le flambeau du bonapartisme. Charles Louis tente de soulever la garnison de Strasbourg au mois d’octobre 1836. C’est un échec total. Exilé, il part vers les États-Unis. Là, il reçoit une lettre de sa mère lui annonçant qu’elle est gravement malade. Le futur empereur finit par arriver à Arenenberg, mais c’est pour assister, le 5 octobre 1837, à la mort de sa mère.
Cet homme impétueux prépare un coup de force sur Boulogne. Appuyée par quelques fidèles partisans de sa cause, effectuée le 6 août 1840 et mal préparée, l’« entreprise » échoue. Arrêté et condamné cette fois par la Cour des pairs, à la prison à vie et incarcéré au fort de Ham, il consacre son temps à écrire un nouvel essai politique. Il s’évade de l’imposante forteresse sous l’habit d’un maçon, un certain Pinguet, surnommé Badinguet, sobriquet dont l’opposition affublera Napoléon III pendant tout le Second Empire. C'est de nouveau l'exil... en Angleterre.
Il attendra son soleil d’Austerlitz en 1848 quand l’Europe s’enflammera et que la providence fera de lui une alternative et un compromis au désordre. A son retour en France, Charles Louis Napoléon se fait élire député à l’Assemblée constituante par plusieurs départements, au cours de l’été 1848.
Napoléon III oui mais Bonaparte non
« L'oncle prenait des capitales, le neveu veut prendre nos capitaux » résumait de façon lapidaire Alexandre Dumas. Mais il est vrai que Louis Napoléon n’a rien de son oncle, le général Bonaparte, qui conquit le pouvoir par son génie militaire et ses qualités de stratège. S’il reprend le principe du coup d’état et du plébiscite, il se distingue de son oncle en écrivant De l’extinction du paupérisme. Apparaissant rapidement comme l’homme de la réconciliation, Louis Napoléon Bonaparte est soutenu à la fois par les notables et la population de la province.
Élu au suffrage universel président de l’éphémère République française en décembre 1848, il est le représentant du parti de l’Ordre qui ne voit en lui qu’un « dindon qui se croit un aigle ». Prince-Président, il va construire peu à peu sa conquête du pouvoir en déconsidérant l’assemblée nationale. Sa demande d'une nouvelle constitution afin de pouvoir se représenter en 1852 est rejetée et le pousse avec son demi frère le Duc de Morny à préparer le coup d’état du 2 décembre 1851. Sans grand enthousiasme, les français se rallient au nouveau régime en espérant un retour à la stabilité. La constitution du 14 janvier 1852 fait de lui un président de la République tout puissant pour 10 ans. Le sénatus-consulte du 7 novembre 1852 présente le plébiscite du 21 novembre en faveur du « rétablissement de la dignité impériale dans la personne de Louis Napoléon ». Le 2 décembre 1852 l’empire est proclamé.
La « fête impériale »
Devenu empereur, Napoléon III peut mettre en pratique ses conceptions de l’exercice du pouvoir. Ainsi cet homme intelligent, obstiné et secret, non doté certes du génie militaire de son oncle mais plus humain, conduit irrésistiblement la France à l’aube des temps modernes. Il épouse en 1853 Eugénie de Montijo qui donne naissance en 1856 au Prince impérial. La « fête impériale » peut débuter. Paris redevient le centre du « monde ». Tout y est luxe et volupté. C’est le règne de l’argent, des crinolines mais aussi des cocottes, le tout sur des airs d’Offenbach. C’est aussi la prospérité économique. Les grands magasins s’établissent, les banques animent le paysage français, les chèques font leur apparition. C’est aussi une époque des grandes innovations techniques et des prouesses comme le Canal de Suez. Les arts explosent et l’urbanisme prend un nom : Haussmann.
La recherche constante de popularité et de consentement national pousse Napoléon III à accorder le droit de grève aux ouvriers en 1864 et en autorisant le Première Internationale. Tout paraît idyllique dans ce second empire. En 1864, Le courrier du Dimanche publie que « la France est paisible mais elle s’ennuie terriblement ». La prospérité économique ne pourra durablement masquée les difficultés intérieures. La moindre étincelle, la moindre poussière dans ce rouage, et c’est l’implosion.
« L’empire c’est la paix » ?
Paix intérieure toute relative. Dès 1856, l’opposition réclame des libertés. En 1859 c’est au tour des catholiques de tourner le dos au régime du fait de l’unification italienne. La bourgeoisie voit d’un mauvais œil l’opportunisme impérial de se servir des classes ouvrières et réplique par la « grève du milliard ». Enfin le monde ouvrier, qui s'organise et se politise, refuse de cautionner l’Empereur. La constitution de 1870 tente d’endiguer ce flot de mécontentements et le risque d’anarchie. Elle est sensée procurer une « vieillesse heureuse » à Napoléon III selon Ollivier.
Délibérément européen, Napoléon III souhaite séparer les deux puissances, Autriche et Russie, et reconquérir, pour la France, la liberté de son action au-dehors. Le traité de Paris de 1856 pose la France en arbitre de la politique européenne. Bien que victorieuse, la campagne d’Italie de 1859, du fait de son caractère antipapiste, mécontente les catholiques français ; une autre faute du règne est la politique libérale suivie en Algérie par l’empereur des Français se voulant également être celui «des Arabes», ce qui fâche, cette fois, les colons. A l‘extérieur, l'empereur Napoléon III s’engage dans des conflits. Il intervient dans la guerre de Crimée. Il intervient dans l’unification italienne par conviction. Il y gagne le Comté de Nice et la Savoie. En 1863 et 1867 il annexe la Cochinchine à l’Empire et étend la colonisation française.
Le traité de commerce franco-anglais du 23 janvier 1860 porte la confusion dans les milieux d’affaires, tandis que l’opposition monarchique, effarouchée par les concessions impériales en matière de politique sociale, se mobilise autour des légitimistes. Ainsi, malgré des intentions généreuses, et très progressistes pour l’époque, dictées par une perspicacité politique aiguë, Napoléon III devient petit à petit l’ennemi d’une part croissante de la nation. Fatigué et souffrant de la maladie de la pierre, l’empereur est amené à se laisser porter par un entourage parfois divisé ou peu lucide.
Napoléon III avalise la politique anti-autrichienne menée par la Prusse qui se solde, au mois de juillet 1866 par la bataille de Sadowa en 1866, qui pousse Napoléon III à officialiser sa reconnaissance de l’unité allemande en marche. Extrêmement diminué, l'empereur voit grandir avec inquiétude le péril prussien.
L’Aigle foudroyé à Sedan
Dès 1867, le fragile édifice impérial est en sursis et le conflit franco allemand devient inéluctable. Il commet des erreurs avec ses alliés : il veut la Belgique ce que Bismarck s’empresse de répéter à Londres qui s’indigne. Il veut acheter le Luxembourg ? Londres décide de la neutralité de cet état. La France se retrouve isolée à la veille d’un conflit avec une puissance montante qui s’adonne avec joies aux provocations. Pour provoquer les hostilités, Bismarck met le trouble dans les esprits en annonçant la candidature Hohenzollern au Trône d’Espagne et la France exigeant du Roi de Prusse des garanties, il se charge d’en faire un résumé, la « dépêche d’Ems ». Le refus prussien pousse la France « outragée » à déclarer la guerre à la Prusse. Napoléon III, malade et vieillissant, s’engage dans la voie des armes.
Le leg de Napoléon III
L'empereur n’a pas été le personnage falot, insouciant, incertain qu’on a souvent dit. Il avait conçu un programme économique, social, politique, qui ne manquait ni d’originalité ni de modernité. « L’idée napoléonienne va vivifier l’agriculture... elle emprunte aux pays étrangers les innovations qui peuvent lui servir... facilite les communications et oblige les peuples à se donner la main. » « La classe ouvrière ne possède rien... il faut lui donner une place dans la société..., des droits et un avenir, et la relever à ses propres yeux par l’association, l’éducation et la discipline. » « On ne peut gouverner qu’avec les masses : il faut donc les organiser pour qu’elles puissent formuler leurs volontés et les discipliner. Gouverner, ce n’est plus dominer les peuples par la force, c’est les conduire vers un meilleur avenir. »
Prince secret, en proie à des aspirations contradictoires, Napoléon III a pourtant été, bien involontairement, celui qui a contribué à définitivement tourner la page du modèle impérial en France : si, entre la monarchie réactionnaire et la république radicale, le bonapartisme — version rénovée du despotisme éclairé — a pu s’interposer, il est apparu après 1870 que seule la République pouvait réconcilier les Français et fonder un régime durable. Avec la fin du second Empire, la France a quitté le siècle de la recherche du meilleur régime possible pour entrer dans celui de la stabilité institutionnelle et républicaine.
Bibliographie non exhaustive
- Napoléon III, de Eric Anceau. Tallandier, 2020.
- Napoléon III, de Xavier Mauduit. PUF, 2023.
- Napoléon III, la France et nous, de Maxime Michelet. Passés Composes, 2023.