Le mythe originel de la fondation de Massalia
Selon la tradition des phocéens d’Asie, guidés par Artémis, seraient arrivés au Latium et auraient rencontré le roi Numa avec lequel ils auraient scellé un traité d’amitié. La flotte conduite par Samos et Prôtis arrive sur les rivages marseillais. Ils retournèrent chez eux ensuite et revinrent avec plus d’individus à leurs côtés. Ils prirent contact avec le roi des Ségobriges Nann pour fonder une cité. Les Ségobriges sont le peuple ligure qui occupait l’espace marseillais. Nous connaissons peu de choses sur ces derniers. Le roi Nann accepte et donne alors à en mariage.
Un régime oligarchique
Massalia est dirigé par le Conseil des Timouques à savoir 600 hommes nommés à vie dont chacun est issu d’une famille descendant des premiers colons. Quinze membres sont à la tête de cette assemblée et gèrent les affaires de la cité. Parmi ces quinze, trois ont plus de pouvoir que les autres et l’un d’entre eux à la prééminence sur l’ensemble du système. Cette assemblée est très conservatrice et souhaite préserver leur identité grecque.
Ce conservatisme est renforcé par la situation géopolitique de la ville qui se voit comme « un ilot grec au milieu des barbares ». Selon M. Clavel-Lévêque, la pratique du commerce aurait été liée dans la cité à l’obtention de droits politiques. Cette ville a fasciné les auteurs romains qui espéraient y trouver les valeurs nostalgiques d’un temps révolu.
Une croissance rapide
La croissance de Massalia est rapide comme l’illustre l’extension des enceintes tout au long de l’indépendance de la ville. L’arrivée de nouveaux Phocéens suite à la destruction de leur cité d’origine a grandement contribué à ce dynamisme. La cité devient également indépendante suite à la chute de Phocée dans la seconde moitié du VIe siècle. Située entre la Butte des Carmes et la Butte Saint-Laurent, la ville s’étend rapidement et dispose de remparts, d’un port et d’équipements publics.
Massalia, une cité prospère contre ses voisins
Massalia, comme nous l’avons dit précédemment, se vit comme une cité assiégée. Elle fonde de nombreuses colonies comme Hyères (Olbia), Antibes (Antipolis) ou Nice (Nikaia) pour prévenir des attaques ligures ou celtes. L’alliance romaine est alors vitale pour elle. L’invasion romaine dans le Sud de la Gaule entre 125 et 122 est liée à cette situation. Elle acquiert d’ailleurs des territoires suite à cette intervention. Malgré cette situation générale difficile, Massalia tire son épingle du jeu : la cité produit du vin de qualité qui s’exporte dans toute la Méditerranée occidentale. Elle a introduit la culture de la vigne et des oliviers en Gaule du même coup.
Le déclin et la chute de Massalia
La richesse de Massalia est liée au Rhône. Les marchandises transitaient dans les sociétés préindustrielles essentiellement par voie d’eau en raison des coûts moins élevés. Le Rhône étant considéré comme la voie phocéenne jusqu’à la fin de la domination massaliote, les Romains ont plutôt investi, dans un premier temps, « l’isthme gaulois » (Aude-Garonne) tout en ne négligeant pas cependant de tisser un réseau diplomatique dans l’axe rhodano-saonien. Dès le milieu du IIe siècle av. J.-C., Rome est alliée aux Éduens. Dès 150-130 av. J.-C., l’archéologie a montré que les productions d’amphores italiennes ont supplanté celles des phocéens à Marseille. On peut également voir ce déclin avec l’évolution du monnayage de la cité. Enfin, la fondation d’Aix-en-Provence en 122 av. J.-C. pourrait aller dans le sens d’un contrôle plus aigu du commerce sur la vallée du Rhône et ainsi concurrencer Massalia sur cet axe.
Massilia, une ville romaine redynamisée
Il semble que la conquête définitive n’est pas entrainée un déclin total. Elle se pare progressivement d’une architecture à la romaine : on connait l’existence de deux ensembles thermaux à Marseille. Un théâtre accompagné d’un complexe monumental montre qu’à l’époque romaine la ville connait une vitalité importante. Le commerce ne semble pas faiblir au contraire : des entrepôts ont été construits sur des espaces gagnés sur la mer. Pour autant, Massilia est-elle devenue une cité comme les autres.
Ses institutions ont changé mais ne collent pas au modèle classique de la cité occidentale. Ainsi, l’épigraphie nous apprend qu’au IIe et IIIe siècle de notre ère circulent encore des agonothètes des jeux de Jupiter, des prophètes et des episcopi des Niçois. On trouve encore des inscriptions grecques malgré la large diffusion du latin. Ainsi, la ville n’est plus tout à fait une ville grecque car elle a adopté le principe des institutions locales classiques avec des décurions, ni une ville romaine. Marseille est Athènes où les jeunes romains de bonne société viennent perfectionner leur éducation comme le célèbre gouverneur Agricola.
Après la période du Haut-Empire, la ville est touchée par le christianisme dès le IIIe siècle avec son lot de martyrs. Oresius, le premier évêque de Marseille connu, est présent lors du concile d’Arles organisé par l’empereur Constantin en 314. Cette ville fut une cité prodigieuse et son rayonnement dépasse sa seule sphère d’influence. On aurait pu mentionner dans cet article les périples de Pythéas et d’Euthymènes qui lors de la période de l’indépendance a permis un élargissement des connaissances géographiques. Marseille est donc dès l’antiquité une porte sur le monde.
Bibliographie
- COLLIN BOUFFIER Sophie, "Marseille et la Gaule méditerranéenne avant la conquête romaine", Pallas, 2009, pp. 35-60.
- FERDIÈRE Alain, Les Gaules : IIe siècle av.-Ve siècle ap. J.C., Armand Colin, Paris, 2005.
- HERMARY Antoine, HESNARD Antoinette et TRÉZINY Henri, Marseille grecque. La cité phocéenne, Errance, Paris, 1999.
- ROTHÉ Marie-Pierre et TRÉZINY Henry, Carte Archéologique de la Gaule 13/3 Marseille et ses alentours, Maison des sciences de l'homme, Paris, 2005.