Une coutume adoptée par l’Eglise
L’usage du fouet remonte à bien longtemps. Les Egyptiens, les Grecs et les Romains l’utilisaient sur les esclaves et sur les écoliers. Saint Colomban au VI è siècle écrivait « le fouet sert à ramener dans le devoir les moines qui parlent trop haut, qui font rire les autres, qui sont colères » ; un moine menteur ou voleur « prévenu par les plus âgés, s’il néglige de s’amender, devra le faire en public et s’il néglige de se corriger, sera flagellé avec la dernière sévérité ». Cette coutume fut adoptée par le christianisme, invisible dans le Code des règlements des institutions monastiques et pourtant l’usage était répandu au moyen de sangles ou de fouets sur des individus, comme moyens de correction.
Seuls les supérieurs avaient le droit d’en faire usage. Les actes d’indécence de toute sorte seront punis de la même sorte « comme ceux commis avec des enfants ou d’autres moines, la correction étant infligée en public ». Ceux qui cherchaient à s’évader du monastère subissaient la correction au fouet. Idem pour « celui qui a été seul et a conversé familièrement avec une femme est mis au pain sec et à l’eau pour deux jours, ou bien il recevra deux cents coups de fouet ».
Dans les couvents, la mère supérieure pouvait user de cet usage en cas de manquement à la morale ou pour paresse dans l’accomplissement des devoirs religieux.
Enfants de France flagellés
Au XVI è siècle, Jeanne d’Albret racontait son enfance. Lorsqu’elle avait douze ans, en 1540, on voulait la marier au duc de Clèves. Elle refusa par quatre fois « si l’on prétend que j’y ai consenti, ce sera par force, oultre mon grey et vouloir, et pour crainte du Roy, du roy mon père et de la royne ma mère, qui m’en a menassée et fait foueter par la baillyve de Caen, ma gouvernante, laquelle me menassant que je serais tant fessée et maltraitée que l’on me ferait mourir, et que je serais cause de la perte de mes père et mère »…le mariage fut annulé et elle épousa Antoine de Bourbon en 1548 !
Tallemant des Réaux rapportait que « les rotondités postérieures des rois » enduraient ce genre de punition « je veux et je vous commande de le fouetter toutes les fois qu’il fera l’opiniâtre, ou quelque chose de mal, sachant bien par moi-même qu’il n’y a rien au monde qui lui fasse plus de profit que cela ; ce que je reconnais par expérience m’avoir profité ; car étant de son âge j’ai été fort fouetté ; c’est pourquoi je veux que vous le fassiez et que vous lui fassiez entendre » ainsi écrivait Henri IV à Mme de Monglat en parlant de son fils….
La liste serait longue des rois et princes ayant subit le fouet, car il faut le rappeler : c’était une habitude de son temps ! Mme de Maintenon en a fait part dans ses souvenirs d’enfance. Elevée chez sa tante lorsqu’elle avait dix ans « on passait aux petites filles de médire, mentir, voire des dévotions fausses ou superstitieuses sans aucune correction ; mais la plus grande faute, aux yeux des gouvernantes était de chiffonner son tablier, d’y mettre de l’encre : c’était un crime pour lequel on a bien le fouet ».
Fouets et autres moyens selon l’époque
Le fouet étant salutaire, il y a une hiérarchie des parties du corps battues ou comme certains l’ont nommé « une carte du corps battu » : on commence d’abord par les mains, puis les fesses, le dos et en dernier lieu la tête et les oreilles. Au XI è siècle, le coupable est dénudé partiellement puis aux XIV è et XV è siècles, il est frappé totalement nu.
Une correction ne doit pas être mortelle et il ne faut pas en arriver à l’histoire de ce maître d’école dans les années 1400 « qui avait l’habitude de faire réciter un De Profundis chaque soir, par un élève. L’un d’eux refusa de s’exécuter. Le maître prit des verges et appliqua plusieurs coups sur la tête de l’enfant, sur les oreilles, sur le visage, jusqu’à ce que le petit fût tout en sang. Comme le garçon ne voulait toujours pas réciter, le maître le frappa à coup de pied et lui infligea le fouet à tour de bras…l’enfant mourrait quelques jours après » !
Sous le règne de Louis XIV, l’opinion publique était toujours en faveur des corrections manuelles, à tel point que les fouettés ramassaient les verges tombées des mains des maîtres trop indulgents ! Le fouet était perçu comme l’auxiliaire indispensable de l’éducation et les parents toléraient, comme dans les institutions tenues par les jésuites ou chez les disciples d’Ignace de Loyola.
Peu avant la Révolution, dans les années 1760 lorsque l’ordre des jésuites fut expulsé du royaume de France, un pamphlet est apparu, intitulé « Mémoires Historiques sur l’orbilianisme et les correcteurs des jésuites » afin de dénoncer cette pratique. On put y voir une gravure représentant un élève portant une perruque, vu de dos, culottes baissées et chemise retroussée, maintenu contre le dossier d’une chaise par un homme aux bras musclés (le teneur), tandis qu’un autre (le correcteur) lui administre un châtiment avec un fouet à sept lanières ornées de billes de métal, sous les yeux d’un régent, qui du haut de sa chaire, montre le châtié d’un doigt accusateur ! Le pamphlet mentionnait aussi le nombre de coups de martinet pouvant aller de quarante à deux ou trois cents, avec une moyenne de soixante dix à quatre vingt, appliqués avec soin et lentement ! Les verges étant jugées inoffensives, les jésuites utilisaient donc un martinet muni de lanières de ficelle, de peau d’anguille, de corde de basse, voire des chaînettes de fer !
A cette même période, les élèves âgés de plus de seize ans n’étaient plus fouettés. Mais il n’était pas rare que les châtiments provoquent des blessures plus ou moins graves. Nombres plaintes furent déposées par les parents, des procès eurent lieu, des enseignants jugés coupables, condamnés à une amende, parfois une suspension temporaire, rarement définitive.
L’interdiction des coups
Tout change à la Restauration. Des publications anti-jésuites sont imprimées en grand nombre vers 1826. Du coup, ils modifièrent leurs règlements et leurs programmes, avec notamment la suppression d’un « correcteur » sans interdire formellement les châtiments corporels. Cette congrégation des frères des Ecoles chrétiennes qu’approuvait Napoléon Ier, avait été fondée par Jean-Baptiste de La Salle. Celui-ci avait rédigé en 1704 une « Conduite des écoles chrétiennes » indiquant dans une première partie le code ou les règles de relation entre le maître et l’élève et dans la seconde les moyens d’établir et de maintenir l’ordre dans les écoles.
La modification de 1811 portait sur la suppression des corrections punitives « si l'on réaffirme que la main d'un frère ne saurait devenir un instrument de douleur, on précise que seule la grosse férule est supprimée, remplacée par une petite férule ainsi décrite : « un simple morceau de cuir, long d'environ un pied, large d'un pouce, et fendu par un bout en deux parties égales ». Il est entendu que les frères n'en useront que « dans une nécessité indispensable, et seulement pour en donner un coup dans la main ; sans qu'il soit jamais permis d'en faire un autre usage ».
Vers 1820 et 1850, le Ministère de l’Instruction Publique établissait des textes de lois portant sur « l’arsenal des sanctions » à disposition des maîtres.L’usage de la règle en fer ou de la baguette en bois choquait beaucoup moins, mais la douleur était comparable aux autres châtiments.
La fessée appliquée dans les écoles
Plus près de nous, en cas de bêtise en classe, c’était le piquet : les mains sur la tête, le regard vers le mur. Sur notre cahier de notes, le maître avait parfois dessiné des petits bâtons signifiant la mauvaise conduite de l’élève….on pouvait s’attendre à certaines réprimandes de la part des parents ! Lorsque ce n’était pas les fameuses 500 lignes à copier « je dois écouter en classe »….
Sans pour autant en arriver au triste sort des Enervés de Jumièges ou aux pratiques appliquées au XVI è siècle comme le cachot, en passant par la mise à genoux sur une bûche, la petite fessée est parfois bien salutaire et n’a jamais fait de mal à personne…une coutume qui se perd !