Mademoiselle de Choin, une jeune fille de noblesse
Marie-Thérèse Emilie Joly de Choin est née à Bourg en Bresse le 2 août 1670. Sa famille d'ancienne noblesse de Savoie occupe une place très importante dans la région et a des ramifications à la Cour. Son père Guillaume Claude de Joly est chevalier, baron de Choin, grand bailli de Bresse et gouverneur de Bourg ; sa mère Anne Clémence Bonne de Grolée de Mépieu est de haut lignage dauphinois ; la jeune fille a donc reçu une éducation soignée dans un environnement distingué. Elle fait directement son entrée à la Cour auprès de sa tante, dame d'honneur de la princesse de Conti qui est fille de Louis XIV et Louise de la Vallière. Dans son salon se pressent un grand nombre de courtisans, mais aussi son demi-frère le Grand Dauphin, appelé « Monseigneur ».
Bien que Saint Simon la traite de « personne d'esprit sans ambition ni intérêt quelconque, fort décente, gaie, naturellement libre et qui aimait la table et à causer », les autres s'accordaient à dire qu'elle avait « de fort beaux yeux, de la dignité dans l'âme, de la douceur, des agréments infinis dans la conversation, en un mot Melle de Choin ne plaisait pas, elle charmait ».
Monseigneur réellement amoureux
Monseigneur ne comprend pas l'absence de la jeune femme qu'il commence à tendrement aimer et va aux nouvelles. Apprenant la réaction de sa demi-sœur, il ne l'invite plus à Meudon ; la princesse qui aime tant cet endroit, revient sur sa décision, mais entre temps Marie Thérèse prête à quitter la Cour, se retire chez les Sœurs hospitalières de Paris.
Sa tante, la princesse de Conti, Mme d'Epinoy l'amie s'entremettent toutes pour la faire revenir sur sa décision ; rien n'y fait. En dernier recours, on dépêche Madame de Maintenon qui obtient la soumission de Marie Thérèse. Monseigneur est rassuré et heureux ; il lui envoie de nouveaux billets tendres.
Comme les salons de Versailles sont des nids à complot, et après avoir été mêlée à une affaire de courrier, Marie Thérèse est de nouveau éloignée, envoyée à l'abbaye de Port-Royal, puis après autorisation d'en sortir, elle loge chez un cousin. Elle quitte le service de la princesse de Conti pour se réfugier chez Mme d'Epinoy. Devant les assauts répétés de Monseigneur, Mme d'Epinoy suggère à Marie Thérèse de se trouver un autre logement : elle ira habiter au faubourg Saint Jacques. Le Grand Dauphin s'inquiète une nouvelle fois de la disparition de son aimée et mettra un temps fou à trouver la nouvelle adresse, jusqu'à se présenter à sa porte. Sans résultat ! Elle fuie, mais il la retrouve et attend patiemment une partie de la nuit, devant son domicile ! On se rend compte qu'il est vraiment amoureux...
Ces cache-cache arrivent fatalement aux oreilles du monarque qui décide d'envoyer Marie Thérèse dans un couvent en province. Mais par solidarité, peut être par expérience, Mme Maintenon réussit à lui faire entendre raison car « il n'y a pas de commerce entre eux, il faut louer les mœurs et la vertu de Melle de Choin ».
Une nouvelle « Madame de Maintenon »
A la longue, vu le nombre de billets reçus, Marie Thérèse va les lire et comprendre qu'elle est aimée et pas seulement désirée, surtout qu'une fois que Monseigneur a pu entrer dans l'appartement, il s'est jeté à ses pieds ! Mais avant d'aller plus loin, elle demande l'accord du roi... Ils vont se retrouver au château de Meudon, très discrètement : elle arrive tôt, dans un modeste fiacre et attend le Grand Dauphin dans un entresol de son appartement. Un peu plus tard, elle pourra emmener une servante, mais ne se fera jamais remarquée. Son cercle de visiteurs s'élargit...jusqu'aux enfants du Grand Dauphin. C'est devenu un secret de polichinelle, mais jamais on ne les verra ensemble ailleurs.
Par contre, les courtisans sont d'accord pour dire que Monseigneur a changé. Alors qu'il était dissipé, dépensier, faisant des excès à table, il devient charitable, pieux, sobre et a trouvé la paix du cœur et de l'esprit. Mme de Maintenon et le roi apprécient le couple pour plusieurs raisons. Invités à Marly, ils déclinent respectueusement la proposition ; de même, la jeune femme ne se mêle pas de politique et refuse tout argent ; en effet, elle est allée jusqu'à déchirer le testament que le Grand dauphin vient d'écrire avant de partir à l'armée, lui attribuant une rente de 1 000 écus ; et lorsque Louis XIV vient pour quelques jours à Meudon, parce qu'il aime y venir, Melle de Choin se contente de préparer les appartements et de disparaitre à l'arrivée du monarque.
Une fin discrète
Meudon est en effervescence au printemps 1711, le Grand Dauphin est malade. Melle de Choin ne peut pas rester à ses côtés, juste demeurer au château. Le 14 avril, elle apprend sa mort par la rumeur qui court dans les couloirs du château ! Elle s'installe alors chez un cousin, servie fidèlement par un domestique, coupée totalement de la Cour, tout en acquérant l'estime du nouveau dauphin. Le roi qui est ému et qui apprécie sa discrétion, lui attribue une pension annuelle de 12 000 livres qu'elle distribuera en partie à des œuvres de charité. Elle continuera comme elle a toujours fait, dans la discrétion, dans la piété. Au printemps 1732, Marie Thérèse Emilie Joly de Choin tombe malade et meurt à Paris le 13 ou 14 avril 1732, vingt et un ans après son bien-aimé. Ses funérailles sont discrètes comme elle.
D'après un article de Claude Vigoureux – historien, paru dans la revue « Château de Versailles ».