Le siècle des philosophes
Au XVIIIe siècle, de nombreux écrivains et penseurs français commencent à se qualifier de «philosophes». Voltaire, Montesquieu ou encore Diderot se fixent alors comme objectif de combattre les ténèbres de l'ignorance par la diffusion du savoir. Confiants en la capacité de l'Homme à se déterminer par la raison, les philosophes des Lumières font preuve d'un optimisme envers l'Histoire et croient dans le progrès de l'humanité.
En 1745, le libraire Le Breton décide de traduire un dictionnaire illustré des sciences et des arts écrit par l'Anglais Ephraïm Chambers intitulé la Cyclopedia et publié en 1728. Lorsqu'il soumet son idée à Diderot, celui-ci propose non pas une traduction, mais une œuvre originale, qui constituerait un «tableau général des efforts de l'esprit humain dans tous les genres et dans tous les siècles ». Pour se lancer dans cette aventure, il s'associe à l'un de ses amis, le mathématicien et philosophe Jean Le Rond d'Alembert, fils illégitime de la célèbre femme de lettres, Madame de Tencin.
Les débuts de l' Encyclopédie de Diderot et d'Alembert
En octobre 1750, Diderot expose son projet dans un Prospectus et parvient à convaincre 2 000 souscripteurs. Ce succès lui permet de réaliser, avec d'Alembert jusqu'en 1759, une œuvre gigantesque, qui va mettre à contribution les plus grands esprits de l'époque. Parmi ceux-ci, il faut citer Voltaire, Montesquieu, Rousseau, Buffon, Helvétius, Condillac, d'Holbach, Daubenton, Marmontel, Quesnay, de Jaucourt, Grimm et Turgot. Le premier volume de l'Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers paraît le 1er juillet 1751.
Optimisme et progrès guident l’écriture des articles de l’Encyclopédie. Toutes les branches de la connaissance sont résumées et vulgarisées, de sorte à toucher un large public. Philosophie, techniques, sciences, théologie, économie politique, grammaire, leur place dans cette œuvre colossale. Malgré cette diversité, un même idéal sert de fil conducteur. Il s’agit d’établir des liens entre ces disciplines, de lutter contre les préjugés et de faire triompher la raison. Ainsi, un système de renvois d’un article à l’autre est appliqué.
Des années de travaux acharnés
Le succès de l'Encyclopédie est immédiat et le tirage augmente sensiblement au fil des ans. Cependant publication de chaque volume ne se fait pas sans mal. Non seulement Diderot et D'Alembert doivent commander les articles aux auteurs, les relire et les corriger, ce qui prend un temps fou, mais ils doivent également faire face aux attaques des anti-philosophes, au premier rang desquels figurent le parti dévot et les Jésuites.
Dès 1752, ces derniers obtiennent l'interdiction de vendre, d'acheter ou de détenir les deux premiers volumes parus, suite à un scandale provoqué par la thèse présentée en Sorbonne de l'un des auteurs, l'abbé de Prades. Fort heureusement, la protection de Madame de Pompadour et celle du directeur de la Librairie, Malesherbes, permettent aux éditeurs de reprendre la publication dès l'année suivante.
En 1759, c'est le coup de grâce. Le conseil d'Etat interdit à nouveau la vente de l'Encyclopédie et ordonne le remboursement des souscripteurs. Malesherbes intervient mais ne peut empêcher l'interdiction de publier. D'Alembert abandonne et Diderot continue seul le travail de préparation des dix derniers volumes, qui sont publiés clandestinement. Enfin, en juillet 1765 paraît le dernier des dix-sept volumes de textes (le dernier volume de planches sera publié quant à lui en 1772). Au final, ce sont 150 collaborateurs et 1.000 ouvriers qui ont rédigé 71.818 articles pour 17 volumes de texte. Véritable succès de librairie, cette première édition de l' Encyclopédie rapportera, d'après les estimations, environ 2,5 millions de livres.
La postérité de l' Encyclopédie de Diderot
L’abbé Jacques-Paul Migne (1800-1875), fondateur de la Bibliothèque universelle du clergé et éditeur des monumentales collections de textes des Pères de l’Église, Patrologie grecque et Patrologie latine, fait ainsi paraître une Encyclopédie ecclésiastique (1851-1859) en soixante-six volumes afin de reléguer la « funeste » Encyclopédie de Diderot et d’Alembert à n’être qu’« un pygmée de science et d’utilité ».
La postérité de l’œuvre de Diderot a aussi un autre versant : l’Encyclopédie des sciences philosophiques (1817), réalisée par les philosophes allemands Georg Wilhelm Friedrich Hegel et Johann Gottlieb Fichte, héritiers de la philosophie des Lumières et de la Révolution française. Synthèse des savoirs autant que du savoir philosophique, l’Encyclopédie de Diderot, mystification polémique, catalogue ou Grand Œuvre, reste une ouvrage unique.
Pour aller plus loin
- Diderot et L'Encyclopédie, de Jacques Proust. Albin Michel, octobre 1995.
- L'encyclopédie de Diderot et d'Alembert et les projets encyclopédistes du XVIIIe siècle. Editions L'Harmattan, 2018.
- La France des Lumières 1715-1789, de Pierre-Yves Beaurepaire. Belin, octobre 2014.