Premiers engagements de l'abbé Pierre
Né le 5 août 1912 à Lyon au sein d'une famille qu'il qualifiera lui-même de bourgeoise, Henri Grouès entre chez les Capucins sous le nom de frère Philippe en 1931. De santé fragile, il est contraint de quitter la vie religieuse cloitrée et est ordonné prêtre en 1938. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, alors qu'il exerce son ministère à grenoble, il accueille des enfants juifs dont les parents ont été arrêtés par les autorités allemandes et aide les réfractaires au Service du travail obligatoire (STO). Il participe également à la à la création du maquis en Chartreuse et dans le Vercors. Il entre ensuite dans la clandestinité et prend «abbé Pierre» comme nom de résistant.
Immédiatement après la guerre, l’abbé Pierre se lance dans la politique et se fait élire député de Meurthe-et-Moselle sur la liste du Mouvement républicain populaire (MRP). Il s’éloigne progressivement du centre pour rejoindre le groupe du Cartel des gauches indépendantes de l’Assemblée, qui flirte avec la gauche socialiste.
En 1949, l’abbé Pierre loue une maison à Neuilly- Plaisance, près de Paris, et ouvre une auberge pour accueillir des sans-logis et des exclus de la société. Parmi eux figure Georges Legay, ancien forçat, qui a tenté peu de temps auparavant de se suicider. Lorsqu’il le reçoit, l’abbé Pierre lui dit: «Tu es horriblement malheureux et moi, je ne peux rien te donner. Mais toi puisque tu veux mourir, tu n’as rien qui t’embarrasse. Alors est-ce que toi, tu ne voudrais pas me donner ton aide pour aider les autres ? »
Le terrible hiver 54
Pendant l’hiver 1953-1954, de terribles vagues de froid s’abattent sur la France. Partout les températures descendent en dessous des -10 °C, pour atteindrent dans certaines régions les -30. Ce froid polaire est renforcé par de nombreuses tempêtes de neige et les cours d'eau commencent à geler. Pour les sans-logis, encore nombreux dix ans après la fin de la seconde Guerre mondiale, la situation devient critique et bon nombre d’entre eux décèdent chaque jour.
L’abbé Pierre décide alors de lancer un appel à « l’insurrection de la bonté». Le 1er février, il s’exprime sur les ondes de Radio Luxembourg. De sa voix frêle, il appelle « au secours » et évoque « une femme morte gelée sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée...». Il apprend ainsi aux Français que «chaque nuit, ils sont plus de deux mille recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu ».
Le 23 mars, l’abbé Pierre lance à nouveau un appel afin que ceux qui le peuvent mettent un toit à la disposition des milliers de sans-abri. Pour lui, «alors que des enfants sont morts parce que leurs parents étaient sans logis, la mauvaise utilisation des locaux est criminelle ». A la fin de cet hiver 54, on dénombrera plusieurs centaines de morts à cause du froid, dont de nombreux enfants en bas âge.
Développement d’Emmaüs et présence médiatique
Les différents appels de l’abbé Pierre sensibilisèrent les Français aux problèmes des sans-abris. Ils provoquèrent un grand élan de générosité et attirèrent de nombreux bénévoles pour distribuer des couvertures ou aider à la construction de logements. Le mouvement commença alors à se développer dans le monde entier et, en 1971, Emmaüs International fut créé. De nos jours, l’association est présente dans une quarantaine de pays.
Sa mort, le 22 janvier 2007, donne lieu en France à un hommage unanime.
Pour aller plus loin
- L'abbé Pierre, l'insurgé de Dieu, de Pierre Lunel. L'archipel, 2012.
- Emmaüs et l'abbé Pierre, d' Axelle Brodiez-Dolino. Presse Sc Po, 2009.