L’élaboration de la Déclaration des droits de l’homme et citoyen
Dès les prémices de la révolution française en juin 1789, des groupes de députés ont été constitués pour rédiger un projet de déclaration des droits de chaque français, qui servira de préambule à la future constitution que la toute nouvelle Assemblée nationale entend bien mettre en place. Le projet retenu a été rédigé par le groupe de l'archevêque de Bordeaux Champion de Circé. Il est intitulé «Déclaration des droits de l’homme et du citoyen». La Déclaration est adoptée par l’Assemblée nationale le 26 août 1789, au début de la Révolution française, après six jours de laborieux débats. Charte fondatrice de la démocratie moderne, elle a été rédigée principalement par deux députés, Mirabeau et Sieyès.
Composée d’un préambule et de dix-sept articles, celle-ci fut certainement inspirée par la Déclaration d’indépendance américaine de 1776 et par les Constitutions qui avaient été promulguées les États américains depuis leur indépendance, mais elle est surtout le résumé de toute la philosophie politique française du siècle des Lumières. On y retrouve l’idée des droits naturels chère aux Encyclopédistes, la théorie de la volonté générale, qui vient de Rousseau, l’idée de la séparation des pouvoirs, qui est de Montesquieu, le souci voltairien de la défense de l’individu contre l’arbitraire judiciaire et policier, etc. La Déclaration anéantit les fondements mêmes de l’Ancien Régime : le pouvoir absolu et les privilèges. Elle énonce les bases sur lesquelles doit reposer la société nouvelle et idéale que rêvent d’édifier les hommes de 1789.
Analyse des grands principes de la Déclaration
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est rédigée sous forme d’articles simples et courts, qui énoncent des principes généraux.
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » : c’est ce que dit le premier article de la Déclaration. Ce principe est la reconnaissance des « droits naturels de l’homme », ses droits en tant qu’être humain. Ces droits sont consacrés comme des droits absolus, que l’on ne peut d’aucune manière retirer à un individu. Ils sont dits inaliénables.
Au premier rang d’entre eux se placent la liberté (penser, s’exprimer librement, etc.) et l’égalité, qui consiste en l’accès de tous à la liberté (c’est-à-dire l’égalité des droits). Les révolutionnaires reconnaissent d’autres droits inaliénables, tels que le droit à la propriété ainsi que le droit de résistance à l’oppression : ils considèrent qu’il existe une limite au-delà de laquelle un individu a le droit de décider qu’il n’est plus légitime d’obéir au pouvoir politique.
Sur le plan politique, la Déclaration énonce le principe de la souveraineté du peuple comme fondement de toute organisation politique future : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément » (article 3).
Les hommes ne sont plus des « sujets » du roi, mais des citoyens. Ensemble, ils forment une communauté appelée la nation. C’est la nation, et non Dieu ou la force armée, qui choisit ceux qui vont la gouverner. La Déclaration prépare donc la voie à la république et à l’instauration du suffrage universel.
L’un des principaux objectifs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est de lutter contre un pouvoir qui ne serait concentré qu’en une seule personne, une seule autorité. C’est pourquoi elle assigne au pouvoir politique la fonction de garantir les droits de l’homme et du citoyen. De plus, elle affirme la nécessité de séparer les trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) afin que ceux-ci ne soient pas concentrés dans les mains d’un seul.
Cette déclaration, qui ne faisait aucune référence au Dieu chrétien, au roi ni à la tradition monarchique, constituait en quelque sorte, selon le mot d’Aulard, l’«acte de décès» de l’Ancien Régime. Bien que la Révolution française elle-même, à l’époque de la Terreur, ait renié nombre des articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, celle-ci devint en quelque sorte la charte de la liberté dans le monde, et un homme d’État britannique put dire qu'elle avait été «plus puissante que toutes les armées de Napoléon ».
Les déclarations postérieures
Deux autres Déclarations des droits de l'homme et du citoyen furent votées sous la Révolution française.
La Déclaration de 1793, qui servait de préface à la Constitution de l’an I, mettait l’accent sur l’égalité; elle interdisait l'esclavage; elle affirmait que «les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d'état de travailler» (article 21); que «l’instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique et mettre l'instruction à la portée de tous les citoyens» (article 22). Enfin, selon l’article 35, « quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré et le plus indispensable des devoirs ». Elle fut approuvée par 1 801 918 voix contre 11 610, mais avec plus de 5 millions d'abstentions. Puis elle fut enfermée dans un coffre de cèdre "jusqu'à la fin de la guerre", conflit qui allait durer plus longtemps que la République.
La Déclaration de 1795, introduction à la Constitution de l’an III (celle du Directoire), était beaucoup plus proche de celle de 1789 que celle de 1793; elle ne mentionnait plus les droits au travail, à l’assistance et à l’insurrection. De plus, elle était accompagnée d’une Déclaration des devoirs, qui mettait notamment l’accent sur le maintien de la propriété.
Bibliographie
- La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (26 août 1789),de J. Morange. Que sais-je, 2002.
- La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; histoire, analyse et commentaires. Economica, 1993.
- Les Constitutions de la France depuis 1789 , de Jacques Godechot. Flammarion, 1993.