Origines de la Commune de paris
À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, deux faits majeurs modifient définitivement le visage de la France. D’une part, la Révolution de 1789 marque le début d’une tradition révolutionnaire qui, en 1871, apparaît quasi séculaire. D’autre part, la révolution industrielle entraîne la création du prolétariat, une classe sociale nouvelle qui englobe les ouvriers soumis à l’organisation industrielle du travail. Dans le courant du XIXe siècle, le développement de nombreuses entreprises gonfle considérablement le prolétariat qui, sur le plan politique, reste inexistant.
Le peuple de Paris compte environ 1 850 000 habitants. Près de 450 000 d’entre eux appartiennent à la classe ouvrière. Les prolétaires œuvrent pour le compte de grands bourgeois libéraux. Leurs conditions de travail et de vie s’avèrent déplorables. Pourtant, la classe dirigeante ignore complètement leurs revendications. C’est pourquoi le mécontentement s'amplifie de décennie en décennie. À Paris, vers 1870, la classe ouvrière rêve d’avoir voix au chapitre, voire d’imposer sa volonté par le biais d’un mouvement révolutionnaire. Elle représente environ un quart de la population de la capitale.
Pourquoi les parisiens se sont-ils révoltés en 1871 ?
L’hiver 1870-1871 de la guerre franco-allemande semble décisif. Le 18 septembre 1870, les Prussiens assiègent la capitale. Le manque de ravitaillement commence à se faire sentir et les Prussiens bombardent la ville dès janvier 1871. Comme aucune opération militaire d’envergure n’est menée, les habitants réclament l’élection d’une Commune pour défendre la capitale, en s'appuyant sur la Garde nationale.L’armistice signé le 28 janvier provoque l’indignation et la colère d’un peuple affamé et exténué. Le 8 février, on envoie des républicains bourgeois, dont Thiers, à l’Assemblée nationale pour représenter la ville.
Après l’humiliation de la défaite, les Parisiens subissent le cortège des Prussiens le 1er mars. La colère que ce défilé militaire provoque précipite les événements. Dès les premiers jours de mars, les Parisiens s’opposent à l’Assemblée nationale encore située à Bordeaux. Ils s'insurgent contre les mesures prises, comme le transfert de l’Assemblée à Versailles ou le désarmement de la Garde nationale. Le 18 mars 1871, ils empêchent l’application de cette dernière décision en bloquant l’accès des troupes de Thiers aux canons, regroupés à Montmartre et à Belleville.
Un mouvement divisé
Beaucoup de communards forment le dessein d’administrer la France avec la fermeté nécessaire pour empêcher toute invasion étrangère. Ils espèrent que chaque habitant de chaque commune rejettent ouvertement le pouvoir de Thiers considéré comme un traître, pour adhérer à leur projet de République fraternelle et égalitaire. Ils créent dix commissions à cet effet. Mais Thiers s’efforce d’isoler la capitale du reste de la France. En outre, il tient prisonnier le leader Auguste Blanqui.
Peu de temps après son élection, le conseil traverse déjà une grave crise politique. Il compte 90 députés, mais est vite réduit à 70 membres suite à la démission des modérés. Les autres députés proviennent d’horizons divers. un tiers est issu du prolétariat, les autres sont artisans, commerçants ou employés. Un troisième groupe important est formé d’hommes issus de la petite bourgeoisie (journalistes, médecins, ingénieurs, peintres, etc.).
Outre ces disparités sociales, les députés possèdent des idéaux politiques difficilement compatibles. Certains se réfèrent à Blanqui, qui prône une action directe. D'autres se veulent jacobins et ignorent les changements de leur temps. Les ouvriers adoptent une idéologie inspirée des idées de Marx et de Proudhon. Quant aux députés restants, ils se proclament « révolutionnaires indépendants ». On les appelle également « radicaux ». Incapables de se mettre d’accord, ils ne mènent aucune politique centralisatrice. La grande majorité des Parisiens ne suit pas leur mouvement. En province, leur mouvement suscite l'inquiétude, sauf dans quelques villes ouvrières comme Saint-Étienne ou Lyon. Par contre, ils obtiennent des succès au niveau des syndicats, des clubs au sein desquels on mène des débats instructifs et au sein de la presse.
Répression et échec de la Commune de Paris
Thiers riposte rapidement. Dès le 2 avril, les premiers obus de l’année régulière pleuvent sur la ville. Les communards nomment Cluseret, ancien officier sans expérience, délégué à la Guerre. Le 5 avril, ils votent le « décret des otages » : tout homme soupçonné de sympathie avec le régime de Versailles est arrêté. A chaque exécution d’un sympathisant de la Commune, on exécute trois otages.
Les troupes de Versailles pénètrent dans Paris le 21 mai. Commence alors une semaine de lutte nommée la « semaine sanglante » au cours de laquelle 20000 communards trouvent la mort. Le 24 mai, les troupes entraînées s’emparent de l’hôtel de ville. Les communards ripostent par le massacre des otages et la mise à feu des Tuileries, de la Cour des comptes, du Conseil d’Étal, etc. Les combats prennent fin le 28 mai au Père-Lachaise. Les survivants de ces derniers combats sont exécutés contre le mur d’enceinte du cimetière. Le Mur des fédérés est, depuis 1880, le lieu de commémoration des victimes de la répression de la Commune de Paris.
Après le rétablissement de l’ordre, 38 000 Parisiens sont arrêtés et une centaine de condamnations à mort sont prononcées. D’autres sympathisants de la Commune se voient contraints à l'exil jusqu’en 1880. C'est le cas de Louise Miche (surnommée « la Vierge rouge ») une militante et écrivain anarchiste qui participa activement à l'insurrection parisienne. La Commune de Paris apparaît à la fois comme la dernière révolution du XIXe siècle et comme la première tentative de prise de pouvoir de la classe ouvrière, inexistante sur le plan politique jusque-là. Elle s'est soldée par un échec.
Un rapport dresse le portrait type du communard
En 1875, le général Appert remet un « rapport d’ensemble sur les opérations de justice militaire relatives à l’Insurrection de 1871 ». Il fait état de 36 309 cas examinés. Ce chiffre, corroboré par l’analyse d'autres études, semble plausible. Le rapport permet de connaître la gamme des condamnations et de brosser le portrait du communard.
Les conseils de guerre — institués pour juger les crimes et délits commis pendant la période insurrectionnelle — auraient condamné 93 individus à la peine de mort, 251 aux travaux forcés, 1 159 à la déportation dans une enceinte et 3 417 en déportation en Nouvelle-Calédonie. Les juges auraient prononcé 2 445 acquittements et 22 727 renvois par ordonnance de non-lieu. Le communard type est un jeune adulte : 58% sont âgés de moins de trente-cinq ans, 49% demeurent célibataires. Il sert dans la Garde nationale. Les illettrés et les demi-illettrés représentent 69% de l’ensemble, caractéristique dénotant leur appartenance aux classes humbles.
Les femmes arrêtées appartiennent à la classe ouvrière (71 % d’entre elles). Par contre, la « vierge rouge » Louise Michel exerce la profession d'enseignante. Une minorité vit de la prostitution. Ces données permettent de rectifier, voire d’infirmer, le portrait fallacieux du communard ou de la pétroleuse dressé par les versaillais et un grand nombre de contemporains égarés par leur peur du mouvement communard.
Malgré la Commune, la République s'impose en France
Paradoxalement, la République sort renforcée de la lutte contre la Commune de Paris et les autres mouvements insurrectionnels. Elle a montré sa capacité à résister à l’anarchie et à défendre l’ordre. Les élections partielles du 2 juillet 1871 envoient 99 républicains sur 113 élus à l’Assemblée. Un mois plus tard, la loi Rivet consacre le régime républicain, décrétant que Thiers, « chef du pouvoir exécutif, prendra le titre de président de la République française ».
Conservateur, il rassure : seules les communes de moins de 20 000 habitant-peuvent élire leur maire, l’établissement du service militaire obligatoire est tempéré par des dispenses dont profitent étudiants et séminaristes. Le « libérateur du territoire », grâce à trois emprunts qui rencontrent un franc succès, paie, par anticipation, l’indemnité due à l’Allemagne. Ainsi, le dernier soldat allemand quitte la France en août 1873. Mis en minorité, Thiers doit démissionner le 24 mai 1873 et le maréchal de Mac-Mahon est aussitôt élu à la présidence de la République.
La Commune de Paris, qui aura aussi un grand retentissement international, deviendra une période référence pour une partie de la gauche française. La tragédie de la « semaine sanglante » et la dureté de la répression donneront corps à un mythe unificateur magnifié par le mouvement ouvrier, ainsi qu’à un lieu de mémoire, le mur des Fédérés, au cimetière du Père-Lachaise.
Pour aller plus loin
- La Commune de Paris 1871: Les acteurs, l'événement, les lieux. Atelier, 2021.
- Paris insurgé : La Commune de 1871, de Jacques Rougerie. Que-sais-je, 2021.
- La Commune de 1871, quand Paris s'insurge: Une révolution au destin tragique, de Mélanie Mettra. 50Minutes, 2015.