Les Fabius (Fabii)
La gens Fabii est une des plus grandes familles de Rome, mais aussi une des plus éphémères puisqu’elle disparait des fastes consulaires (liste chronologique des consuls) dès les débuts de l’Empire, en l’an 34. Mais du IVe siècle à cette date elle offre à Rome pas moins de 6 dictateurs (magistrat extraordinaire détenant tous les pouvoirs), 46 consuls (magistrat détenant le pouvoir suprême civilo-militaire pour un an), 6 censeurs (anciens consuls chargés du recensement), 6 maitres de cavalerie (titre honorifique), 14 tribuns consulaires (magistrats suprêmes au Vème et début du IVe siècle) et 2 décemvirats (charge religieuse)!
Les Fabii prétendaient descendre d’Hercule par une fille d’Evandre. Evandre est un héros mythologique des origines de Rome, un Arcadien venu s’installer sur le mont Palatin en apportant l’agriculture et l’écriture. Admirant sa grande sagesse les locaux l’auraient accueilli comme un dieu et le prirent pour roi. Hercule fut un temps son hôte, et Evandre, averti par une prophétie qu’Hercule serait divinisé, fut le premier à lui rendre un culte de son vivant. C’est donc de l’union d’Hercule et de la fille de cet autre héros mythologique que naquirent les Fabii. À noter que les Fabii restent marqués par leur nom à l’agriculture, apanage d’Evandre. En effet le nom de Fabii fait référence aux fèves, dont la culture aurait été apportée à Rome par cette famille, la protégeant un tant soit peu de la famine.
Le premier Fabii que l’on connaisse historiquement est Fabius Vibulanus, noble romain du VIe siècle, peut-être d’origine étrusque, père de Quintus (2 fois consul), de Marcus (2 fois consul) et de Kaeso (3 fois consul).
Les trois frères consuls
Cependant, l’élection d’un second Fabii ne plait pas spécialement au peuple romain, quelques troubles civils éclatent: les Volsques et les Éques en profitent pour reprendre du poil de la bête jusqu’à ce que le second consul, Lucius Aemilius Mamercinus, aille les battre. Comme pour ne pas paraitre céder à la pression du peuple les patriciens parviennent à faire élire pour l’année suivante (483) un autre Fabii, le troisième frère, Marcus, consul avec Lucius Valerius Potitus Publicola (encore plus hait du peuple, mais pour d’autres raisons). Marcus et son compère font face à une année tendue, rejetant les lois agraires et gérant les présages funestes qui annoncent une guerre (pour apaiser les dieux, une vestale est enterrée vivante).
L’année suivante Quintus est réélu consul alors que la guerre contre les Éques et les Véiens reprend. Kaeso, réélu consul l’année suivante (481) est chargé de repousser les ennemis de Rome : il rencontre quelques difficultés à mobiliser les citoyens qui entendent bien faire valoir leurs droits contre les patriciens, il y parvient néanmoins avec l’aide de tribuns de la plèbe et part combattre les Éques tandis que son collègue consul part faire un simulacre de campagne contre les Véiens.
Kaeso remporteune victoire sur les Eques ! Écrasante, mais pas décisive puisque son infanterie refuse de poursuivre les fuyards… Une fois de plus un Fabii rentre à Rome victorieux, mais détesté de ses soldats. L’année suivante (480) Marcus reprend le consulat, toujours opposé aux lois agraires. Malgré l’animosité du peuple, et grâce à quelques tribuns, il parvient encore et toujours à mobiliser des soldats pour faire face aux nombreuses menaces qui pèsent sur Rome. Les Véiens lancent une grande offensive et les consuls n’osent sortir de leurs camps tant ils ont peur des mutineries de leurs propres troupes.
Marcus finit par faire jurer la victoire à ses soldats avant de s’élancer dans une contre-attaque lors de laquelle périt son frère Quintus. Marcus et Kaeso continuent la contre-attaque victorieuse, repoussent les Véiens avant de fondre sur quelques ennemis qui avaient réussi à atteindre les camps romains et à tuer le second consul Cnaeus Manlius Cincinatus. À son retour Marcus est acclamé en héros dans Rome sauvée, le Sénat lui offre le triomphe, mais il refuse, car la mort de son frère et de Cincinatus donne à cette victoire un gout amer. Il recueille avec sa famille de nombreux soldats blessés, ce comportement change radicalement l’image des Fabii auprès du peuple qui voit en Marcus un consul victorieux et bon.
Son frère Kaeso est élu pour la troisième fois consul l’année suivante (479) : il accentue le revirement de popularité des Fabii auprès du peuple en acceptant les lois agraires qui permettent la distribution de terres aux soldats plutôt qu’à l’ager publicus qui profite aux patriciens. Il doit cependant faire encore et toujours face aux guerres des Éques et des Véiens qui épuisent Rome.
Le serment des Fabius
Le Sénat peinait à entretenir des forts pour protéger Rome, le trésor s’épuisait et les citoyens rechignaient à ce genre de service armé. En cette année 479, Kaeso consul, son frère Marcus et l’ensemble des 306 Fabii prêtent un serment : celui de combattre à eux seuls, avec leurs clients (4.000 environs), les Véiens. Cette décision a pour but de soulager Rome de ce front usant depuis des années. Ce dévouement continue de faire remonter la côte de popularité des Fabii auprès du peuple, cependant certains se demandent à juste titre si cette action était motivée par les intérêts de Rome ou pour s’accaparer le butin remporté lors de cette campagne. D'autres ont aussi pensé que les Fabii avaient préféré fuir les tumultes sociaux de Rome pour fonder leur propre établissement. Quoi qu'il en soit, les Fabii remontent la rivière Crémère sur une dizaine de kilomètres et se fortifient.
Rome est assaillie par ses voisins italiens. Parmi les grandes familles romaines, les Fabii vont monopoliser les consulats et repousser un à un les ennemis de la cité. Mais en -477, face aux difficultés du Sénat à financer la défense, les Fabii prêtent le serment de défendre à eux seuls la ville aux sept collines contre la puissante cité étrusque de Véies.
En 478 les Véiens se coalisent avec d’autres Étrusques pour écraser le fort des 306 Fabiens. Lors de la bataille, le consul Mamercinus intervient et sa cavalerie met en déroute l’ennemi qui implore la paix. Reprenant l’initiative les Fabii se lancent dans une série d’escarmouches, d’embuscades, mais aussi de batailles rangées sur le territoire Véiens et mènent la vie dure aux Étrusques autour de la ville de Véies. Les Fabii volent de victoire en victoire, s’emparant notamment du bétail de leurs ennemis. Combattant de plus en plus en territoire ennemi, et non dans leur camp retranché, ils finissent par tomber dans un piège en 477. Lors de la bataille dite « Bataille de Crémère », les Fabii, dispersés et trop occupés à s’emparer d’un troupeau disposé ici pour les attirer, sont attaqués de tous côtés par les Véiens.
Encerclés, acculés, les Fabii tentent une sortie héroïque et ouvrent à coup de glaive un chemin jusqu’à une petite colline où, concentrant leurs forces, ils parviennent un temps à repousser les assauts tumultueux des assaillants. Mais un corps de Véiens surgit soudain sur leurs arrières et les derniers Fabii périssent les armes à la main… Aucun n’en réchappe et il s’en fallut de peu que la gens Fabia tout entière disparaisse sur cette colline. Des Fabii il ne reste que le fils de Marcus, Quintus, qui de par son jeune âge n’avait pas pu participer à l’incroyable expédition (il est aussi possible qu’il y ait eu d’autres enfants non cités, mais qui n’atteignirent pas l’âge adulte). Il sera lui-même trois fois consul puis décemvir et assurera la lignée des Fabii pour les cinq siècles à venir…
Bibliographie
- Tite-Live, Histoire romaine, Livre II, 49-50.
- Denys d’Halicarnasse, Antiquités romaines.