Richelieu, du service de la Reine à celui du Roi
Armand Jean du Plessis cardinal de Richelieu né le 9 septembre 1585 est le cinquième d’une fratrie de six enfants. Issu d’une lignée de nobles poitevins, il se destine initialement au métier des armes. Orphelin de père à 5 ans, il ne jouit pas moins d’une position privilégiée en raison de la gratitude du Roi Henri IV envers sa famille (le père d’Armand ayant servi comme Grand Prévôt de France). A la suite d’une éducation soignée où se mêle apprentissage des armes et des humanités classiques, Armand n’a pourtant pas l’occasion de s’illustrer dans le domaine militaire. A la suite du refus de l’un de ses frères d’assumer la charge de l’évêché de Luçon (confié aux Richelieu par le Roi), il se voit contraint de se faire ecclésiastique. Bien qu’il qualifie son diocèse de « plus crotté de France. » le jeune Armand va rapidement se plaire dans ses nouvelles fonctions.
Il faut dire que le nouvel évêque de 22 ans ne manque pas de talents. Intellectuellement brillant, charismatique et subtil, il à l’âme d’un réformateur acquis aux thèses du concile de Trente. Richelieu profite d’autre part de la complicité qu’il noue avec le père Joseph (François Leclerc du Tremblay) sa future éminence grise et son inspirateur en de nombreuses matières. Député du clergé Poitvein aux Etats Généraux de 1614 (les derniers avant ceux de 1789), le bel et ambitieux prélat se fait remarquer par son talent oratoire. Il retient notamment l’attention de la Reine et régente Marie de Médicis, qui fait de lui son grand aumônier l’année suivante. En 1616 Richelieu intègre le conseil du roi comme secrétaire d’Etat.
Un temps abattu par ce revers de fortune, l’ambitieux va finir par se ressaisir et par jouer un rôle politique de premier plan. Convaincu que la guerre larvée opposant le Roi à sa mère ruine tout espoir de stabilité pour le royaume, il s’ingénie à rapprocher les deux camps. Habile diplomate, volontiers charmeur il est l’artisan de plusieurs traités mettant fin aux « guerres de la mère et du fils » qu’ils lui valent l’estime suffisante pour décrocher le chapeau de cardinal en 1622. Symbole vivant de la réconciliation (hélas bien fragile) entre Marie et Louis, il réintègre le Conseil du Roi en 1624, avant d'en devenir le premier ministre quelques mois plus tard.
Le cardinal de Richelieu et Louis XIII
Revenu aux affaires et au plus haut niveau, Richelieu se montre rapidement un partisan convaincu du renforcement de l’autorité monarchique. Parvenant à dissiper la méfiance qu’il inspirait initialement au Roi, le cardinal lui fait partager la vision d’un royaume consolidé et puissant et se pose en continuateur de l’œuvre d’Henri IV. Ce faisant, Richelieu ne peut que s’attirer à terme l’hostilité de Marie de Médicis, qui ne partage pas ses vues politiques. En effet si Louis et le cardinal projettent tout deux d’assurer l’unité religieuse du royaume en rognant sur les privilèges acquis par les Huguenots à la suite des guerres de Religion, ils entendent aussi affirmer la position européenne de la France face aux Habsbourg, qui ont les faveurs du parti dévot dont la Reine est une figure.
D’autre part Richelieu comme Louis entendent bien discipliner une grande noblesse française prompte à la rébellion et avec qui la reine mère entretient des relations suivies. Pour contrer l’agitation de la noblesse, Richelieu fait démanteler les châteaux forts privés et interdire les duels (1626). Si l’agitateur principal, le duc Gaston d’Orléans, demeure intouchable en sa qualité de frère du roi, ses proches sont neutralisés, notament les protagonistes de la conspiration de Chalais.
La guerre interne contre les protestants soutenus par l’Angleterre est menée tambour battant, donnant l’occasion au cardinal de s’illustrer comme chef de guerre comme au siège de la Rochelle. La paix d’Alès de 1629 bien que confirmant la liberté de culte, supprime les places fortes protestantes, héritage des guerres de Religion. C’est là une première remise en cause de l’Edit de Nantes, qui sera progressivement vidé de sa substance. C’est aussi l’affirmation de la puissance royale, qui tend à s’arroger le contrôle des infrastructures militaires.
Le redressement du royaume
Parallèlement à l’affrontement avec les protestants Louis XIII et Richelieu font face avec obstination aux velléités d’indépendance et au révolte des « Grands. ». De 1626 à 1638 (date de la naissance de l’héritier du trône, le futur Louis XIV) on ne compte pas moins d’une demi-douzaine de complots majeurs, dont certains impliquant la propre épouse du Roi : Anne d’Autriche et débouchant fréquemment sur des révoltes armées. Elles sont révélatrices d’un contexte tendu alimenté par l’affirmation de l’autorité de l’état royal.
Car durant cette période de douze ans que de réformes pour la France ! Le cardinal et le roi vont rationaliser et renforcer l’administration, mettre fin à certaines survivances féodales (dont les duels), développer la marine, le commerce et les colonies, encadrer le développement culturel… Une œuvre qui sera poursuivie par un autre cardinal, premier maitre de Louis XIV en politique : Mazarin. Ce dernier intègre d’ailleurs l’équipe de Richelieu en 1639, qui a vu en ce diplomate au service du pape un possible successeur.
Dans l’exercice du pouvoir Richelieu et Louis XIII se révèlent complémentaires. Là où le Roi fait preuve d’audace et de fermeté, le cardinal use de prudence et de souplesse. Richelieu sait mieux que quiconque mettre en pratique les volontés du Roi, leur donner la substance et le réalisme nécessaire à leur succès. Les deux hommes s’estiment, se respectent, mais jusqu’au bout persistera entre eux une certaine distance, fruit de leurs différences de caractère.
Quoi qu’il en soit leur association est une réussite amplement démontrée par le retour de la France sur la scène européenne. La France puissante rêvée par le cardinal et son roi, ne pouvait rester longtemps à l’écart du conflit qui ravage le Saint Empire. La guerre de Trente Ans donne la possibilité à la France de rabaisser la puissance des Habsbourg qui l’encercle. En matière de politique étrangère, les français se contentent de soutenir les ennemis de Vienne et de Madrid, notamment la Suède.
La fin de carrière de Richelieu
Si la guerre de Trente Ans est l’occasion pour Richelieu de développer encore un peu plus la puissance et les moyens de l’appareil étatique, elle lui attire de nouvelles inimitiés. Au crépuscule de sa vie, bien que tout puissant le cardinal est largement détesté par une population qu’il accable d’impôts.
Avec l’âge, Richelieu dont la santé fragile est alors franchement déclinante, a perdu la souplesse et la subtilité qui l’avaient tant servi au début de sa carrière. « L’homme rouge » pourtant protecteur des arts (il officialise l' Académie française en 1635) et prélat éclairé se voit affublé d’une réputation de tyran sanguinaire. Durant les derniers mois de sa vie, ses relations se tendent avec un Louis XIII rongé par les doutes et les remords quant à sa guerre contre la puissance catholique qu’est l’Espagne.
Emporté par une pleurésie foudroyante, le cardinal de Richelieu meurt le 4 décembre 1642. Sa mort provoque une explosion de liesse populaire, à laquelle le Roi ne s’associe pas publiquement. Le roi Louis XIII enfin émancipé de son ministre de cardinal ne lui survivra que quelques mois. A sa mort c’est bien le fils spirituel de Richelieu qui prendra les rênes du royaume au côté de la Reine Anne d’Autriche : Mazarin…
Bibliographie
- Richelieu, de Arnaud Teyssier. Tempus, 2021.
- Richelieu - Le premier cardinal ministre, de Jean-Vincent Blanchard. Belin, 2012.
- Richelieu: L'ambition et le pouvoir, de Michel Carmona. Texto, 2023.