L’ Académie Française, institution mythique créée en 1634 par Richelieu et officialisée par Louis XIII en 1635 a pour but de « fixer » la langue française. Le plus sûr moyen afin que la langue soit comprise de tous, est la création d’un Dictionnaire. La première édition du dictionnaire est publiée en 1694. Initialement composée d’un groupe restreint d’érudits, l’ Académie française voit très vite ses rangs s’étoffer avec l’élection d’hommes d’État, d’avocats, de médecins et d’ecclésiastiques ; la grande majorité des Académiciens sont aujourd’hui des hommes de lettres, mais l’Académie a su progressivement s’ouvrir à d’autres formes d’expression.
Création de l’ Académie Française
Tout débute en 1629, lorsque quelques personnes se regroupent pour former un cercle de discussion. Valentin Conrart, Conseiller et Secrétaire du roi, propose son domicile parisien aux 9 personnalités du groupe, sert de secrétaire et confident de ces personnalités pendant 41 ans, jusqu’à sa mort. En mars 1634, un premier compte rendu de réunion est signé et huit jours après, cette assemblée prend le nom d’Académie Française. Les membres se nomment « académistes ».
Le cardinal Richelieu, soucieux de sa gloire, prend ces intellectuels sous sa protection, leur demande d’établir des statuts, limite le nombre de personnes à quarante, recrutés en fonction de leur talent et non de leur naissance. Les lettres patentes sont signées par Louis XIII fin janvier 1635 (le 25 ou le 29). En février 1636, les membres deviennent des « académiciens », puis enfin en juillet 1637, le Parlement enregistre les lettres patentes et la compagnie des lettrés est officiellement créée.
Les premiers lieux de réunions
Jusqu’en 1638, les réunions ont lieu au domicile des intéressés : chez Desmarests, Chapelain, Montmor, Gomberville, Habert de Cerisy, Boisrobert. Un an plus tard, Pierre Séguier Président à mortier du Parlement, garde des Sceaux accueille les académiciens dans son hôtel particulier et deviendra Protecteur de l’Académie à la mort du cardinal Richelieu. On y trouve Valentin Conrart, Jean Chapelain digne successeur de Malherbe, Le Sieur de Vaugelas grammairien qui travaillera 15 ans au Dictionnaire, Olivier PATRU qui inaugura la tradition des remerciements en septembre 1640.
Voici un extrait des Mémoires de Pélisson « en l’année 1643 le 16 février, après la mort du Cardinal de Richelieu, Monsieur le Chancelier fit dire à la Compagnie, qu’il désiroit qu’à l’avenir elle s’assemblast chez luy... Et certes quand je considère les différentes retraites qu’eut cette Compagnie, durant près de dix ans, tantost à une extrémité de la ville, tantost à l’autre, jusques au temps de ce nouveau protecteur : Il me semble que je voy cette Isle de Delos des Poëtes errante, et flottante, jusques à la naissance de son Apollon. »
Pendant la présidence de Séguier, 39 élections ont lieu et de nouveaux élus apparaissent : Pierre Corneille ; Antoine Furetière ; Jean Baptiste Colbert fondateur de l’académie de peinture, de sculpture, architecture et des sciences ; Jacques Bénigne Bossuet évêque de Condom, précepteur du Dauphin, philosophe, historien ; Charles Perrault frère de l’architecte Claude ; le duc de Coislin qui n’a que seize ans et demi ans. Une visite de marque a lieu en mars 1658 en la personne de Christine de Suède.
Les nouveaux bâtiments de l’ Académie Française
Le cardinal Mazarin, à sa mort, confie à Louis XIV un revenu afin de fonder un collège où 60 jeunes nobles issus des provinces françaises recevraient un enseignement gratuit : le Collège des Quatre Nations. Le Vau est chargé de la construction d’un bâtiment en arc de cercle, « vis-à-vis du Louvre » ainsi que d’une chapelle avec un dôme à l’italienne : la célèbre Coupole, au bord de la Seine, qui est achevée en 1680, par François d’Orbay.
En 1672, à la mort du chancelier Séguier, l’Académie s’installe au Louvre, dans les salles du rez-de-chaussée et Louis XIV en devient le protecteur. La bibliothèque du cardinal Mazarin est installée dans ce collège, c’est la première bibliothèque de France.
Les nouveaux bâtiments achevés, les élèves y sont reçus entre 1688 et 1792. Mais en août 1793, la Convention abolit les académies transformant les bâtiments en prison. Napoléon Ier, devenu empereur installe l’Académie dans le Collège des Quatre-Nations en août 1806. La première séance publique a lieu le 15 germinal de l’an IV accueillant 1500 spectateurs, marquant ainsi la renaissance des Lettres et des Arts en France. Les statuts sont délibérés lors d’une séance extraordinaire en juin 1816 ; les bâtiments prennent leur aspect définitif en 1839.
Les Immortels et leurs Fauteuils
De 9 membres au départ, ils passent à 40 membres, non remplacés en cas de décès selon la loi de 1792. Depuis sa fondation, 719 membres ont été reçus : poètes, romanciers, hommes de théâtre, philosophes, médecins, hommes de science, critiques d’art, militaires, hommes d’Etat, hommes d’Eglise, ayant tous illustrés d’une façon ou d’une autre la langue française. Ils sont devenus des « Immortels » en référence au sceau donné à l’Académie par le cardinal de Richelieu, la devise étant « A l’immortalité ». Nul ne peut démissionner de cette fondation, des exclusions peuvent être prononcées, mais elles ont été rares.
Grâce au cardinal d’Estrées, ils sont installés dans des fauteuils. L’académicien Charles Pinot Duclos racontait «il n'y avait anciennement dans l'Académie qu'un fauteuil, qui était la place du directeur. Tous les autres académiciens, de quelque rang qu'ils fussent, n'avaient que des chaises. Le cardinal d’Estrées, étant devenu très infirme, chercha un adoucissement à son état dans l'assiduité à nos assemblées : nous voyons souvent ceux que l'âge, les disgrâces, ou le dégoût des grandeurs forcent à y renoncer, venir parmi nous se consoler ou se désabuser. Le cardinal demanda qu'il lui fût permis de faire apporter un siège plus commode qu'une chaise. On en rendit compte au roi Louis XIV, qui, prévoyant les conséquences d'une telle distinction, ordonna à l'intendant du garde-meubles de faire porter quarante fauteuils à l'Académie, et confirma, par là et pour toujours, l'égalité académique. La compagnie ne pouvait moins attendre d'un roi qui avait voulu s'en déclarer le protecteur ».
A côté des quarante fauteuils, il existe un cas particulier celui du « 41e fauteuil ». L’écrivain Arsène Houssaye le réservait en 1855 aux écrivains et autres personnes de renom, n’ayant jamais pu intégrer cette institution, soit qu’ils n’aient jamais postulé, soit qu’ils aient été rejeté ou pour décès prématurés. On peut ainsi mentionner Descartes, Molière, Pascal, La Rochefoucauld, Rousseau, Diderot, Beaumarchais, Balzac, Dumas père, Flaubert, Stendhal, Flaubert, Baudelaire, Zola, Daudet.
Rares ont été les illustres personnes ayant refusé un fauteuil. Marcel Aimé déclina cette proposition sur le ton de l’humour « Je vous suis très reconnaissant d'avoir pensé à moi pour le Quai Conti (...). Avec beaucoup d'émoi, je réponds à votre « clin d'œil » qui me rend très fier. Pourtant, je dois vous dire que je ne me sens pas l'étoffe d'un académicien. En tant qu'écrivain, j'ai toujours vécu très seul, à l'écart de mes confrères mais pas du tout par orgueil, bien au contraire, plutôt par timidité et indolence aussi. Que deviendrais-je si je me trouvais dans un groupe de quarante écrivains ? J'en perdrais la tête et à coup sûr, je n'arriverais pas à lire mon discours. Ainsi feriez-vous une piètre acquisition ».
Certaines élections ont été importantes pour l’Académie : Marguerite Yourcenar fut la première femme nommée à l’Académie Française ; en octobre 1999, Hélène Carrère d’Encausse est élue Secrétaire Perpétuel. Lors de la séance du 20 novembre 2008, Mme Simone Weil a été élue au fauteuil de M. Pierre Messmer décédé, mais elle n’accède à sa place que le 18 mars 2010.
La tenue des Académiciens
En vue d’une uniformité, les académiciens demandent officiellement le port d’un costume simple et décent en septembre 1800. L’Habit Vert est créé en janvier 1803, il est «français en drap noir, brodé d’un feuillage d’olivier en soie aurore, une ceinture de soie, couleur de la broderie avec des franges couleurs de l’habit ». Tel en ont décidé les Consuls de la République, le 29 Nivôse, an IX.
Accompagnant l’habit vert, l’épée obligatoire au début (les membres de l’Académie faisant partie de la Maison du Roi) devient gratuite. Elle porte une poignée or et argent. Elle disparait pendant la Révolution où les Académiciens portent alors une canne ornée de Minerve et réapparait sous l’Empire et la Restauration.
Au courant du XIXe siècle, l’épée reçoit une signification nouvelle : elle devient l’emblème des corps officiels de l’Etat (armée, ambassades, consuls, amiraux, gouverneurs, préfets). C’est ainsi que les élèves de certaines grands écoles portent l’épée. Le bicorne vient compléter la tenue des Académiciens, étant le couvre-chef standard du XVIIIe siècle.
l’ Académie française, souvent brocardée mais toujours reconnue, plonge ses racines au plus profond de l’imaginaire national, indissolublement mêlée aux mythes foncièrement français de la belle langue et du « pouvoir littéraire ». Chaque année, elle décerne un grand Prix du roman, et s'est récement opposée à l'adoption de l' écriture inclusive.
Pour aller plus loin
- L' Académie française au fil des lettres : De 1635 à nos jours de Philippe de Flers. Gallimard, 2010.
- Des siècles d'immortalité: L'Académie française, 1635 - ... d' Hélène Carrère d'Encausse. Fayard, 2011.
- « l’ Académie française » de Jean-Pol Caput, 1986.