Plus ancien théâtre national au monde, la Comédie Française est créée par un édit du roi Louis XIV qui fusionne deux grandes compagnies de théâtre parisien, le Guénégaud (issu d’une association en 1673 de l'Illustre Théâtre de feu Molière avec le Théâtre du Marais) et l'Hôtel de Bourgogne. Jusqu’en 1790, la compagnie unifiée se voit octroyer le monopole de toutes les nouvelles représentations de pièces françaises. La Comédie-Française, avait pour devise « Simul et Singulis »– être ensemble et être soi-même - avec pour emblème une ruche et des abeilles.
Comédie Française : naissance d'une institution
Molière dirigeait une troupe au Palais Royal en 1670, mais la concurrence était rude : deux autres troupes existaient au Marais et à l’Hôtel de Bourgogne. En 1673, après la mort de Molière, sa compagnie de l’Illustre Théâtre s’associe avec une troupe rivale, le Théâtre du Marais, et commence à se produire sous le nom de Théâtre du Guénégaud.
En 1680, en vertu d’un édit du roi Louis XIV, le Guénégaud fusionne avec la plus ancienne troupe de Paris, celle de l’Hôtel de Bourgogne (où Racine a monté ses propres pièces). La compagnie unifiée se voit octroyer le monopole de toutes les nouvelles représentations de pièces françaises. Elle donne sa première représentation commune le 25 août 1680. Le mois suivant, le roi consacre la troupe unique, composée de 27 comédiens et comédiennes qu’il choisit sur leur talent exceptionnel pour « rendre les représentations des comédies plus parfaites ».
La troupe prend le nom de Comédie-Française pour se distinguer de sa rivale la Comédie-Italienne, troupe vouée à la commedia dell’arte ; celle-ci reprend l’Hôtel de Bourgogne abandonné. Le 21 octobre, le roi signe une lettre de cachet décrétant la fondation d’une troupe unique ayant pour but « de rendre les représentations des comédies plus parfaites » et accorde le monopole des représentations en français. Les pièces jouées par certains des 27 acteurs choisis par le roi, sont celles de Molière, Corneille, Racine, Scarron, Rotrou. Comme artistes, on trouve Armande Béjart, La Grange, Melle Champmeslé, Du Croisy…
Une histoire mouvementée
Le 5 janvier 1681, les comédiens fondent une association réglant notamment le régime des retraites. Munie d’une pension de 12000 livres, la troupe va prendre le nom de « Comédiens du Roy », mais sera souvent dénigrée par les artistes italiens. De là, naît le terme « Comédie Française ». Trop proche du collège des Quatre-Nations, la troupe doit quitter le théâtre en 1687 et s’installe en 1689 dans l’actuelle rue de l’Ancienne Comédie, nouveau théâtre construit suivant les plans de François d’Orbay.
Après la disparition de Louis XIV en 1716, la troupe doit se battre contre les Comédiens Italiens, favorisés par le Régent. Ils changent de répertoire en créant la « comédie larmoyante » et utilisent les œuvres de Voltaire, Destouches, Nivelle de La Chaussée, Marivaux.
Grâce à Louis XV qui règle les dettes de la troupe en 1766, les Français transforment le théâtre en créant des loges, agrandissent la scène, rendent les décors et les costumes plus naturels. S’installant au palais des Tuileries en 1770, ils présentent le Barbier de Séville de Beaumarchais en 1775, consacrent Voltaire en 1778, puis assurent le triomphe du Mariage de Figaro en 1784 dans leur nouveau théâtre du Faubourg Saint Germain, l’actuel Odéon.
Lorsqu’arrive la Révolution, la vie et le statut des artistes Français changent. La troupe est dissoute en 1792. Perdant leur pension royale et avec le nouveau nom de Théâtre de la Nation, ils s’installent dans une salle récemment construite par Victor Louis, mais le 3 septembre 1792, le Comité de Salut Public ferme l’Odéon, arrête les comédiens, saisit leurs papiers et les emprisonne. Grâce à Charles Labussière, employé au Comité de salut public, ils évitent la guillotine et sont libérés en 1793 à la chute de Robespierre.
Ce n’est qu’en 1799 et grâce au Directoire par l’intermédiaire de l’écrivain François de Neufchâteau, que les Comédiens Français peuvent s’installer au Théâtre Français de la République, rue Richelieu. Le 17 avril 1804, les membres se constituent en une nouvelle société dont le protecteur est Napoléon.
C’est ainsi qu’il établit le décret « de Moscou » le 15 octobre 1812, signé en pleine campagne de Russie, composé de 87 articles, réorganisant la Comédie-Française, les statuts étant encore en vigueur de nos jours. Les membres sont appelés des Sociétaires, dirigés par Talma jusqu’en 1826, date de sa mort. Les Sociétaires vont faire appel aux « romantiques » pour augmenter leur répertoire : Alfred de Vigny, Victor Hugo, Alexandre Dumas et le 25 février 1830, ils présentent « Hernani », mais les « Burgraves » de Victor Hugo en 1843 est un échec, le public aspirant à une tragédie plus classique.
Louis Napoléon remanie le fonctionnement administratif de la Comédie Française en 1849 en créant le poste d’administrateur et celle-ci devient la « troupe ordinaire de l’Empereur » en 1859. Jusqu’en 1871, c’est le triomphe de la « comédie bourgeoise » avec des personnages comme Sarah Bernhardt et des auteurs tels Banville, Ponsard, Augier. Le « Tout-Paris » va au théâtre, mais entre 1885 et 1913 les difficultés financières sont bien là, les comédiens sont brillants dans le « tragique », le « comique » est moindre et les comédies « de mœurs » apparaissent. Il faut dire que l’incendie du théâtre en mars 1900 ne facilite pas les choses : on évite une catastrophe et pour des raisons de sécurité, le nombre de places est diminué progressivement en passant de 2 000 à 900 actuellement.
Pendant la Première guerre et jusqu’à la Seconde, la Comédie Française fait du théâtre « patriotique ». Malgré les troubles, de nouveaux auteurs dramatiques ainsi que des auteurs étrangers sont accueillis. C’est ainsi qu’on lit des noms tels que Louis Jouvet, Mauriac, Pirandello et le prestige est préservé pendant la guerre.
Les théâtres de la Comédie Française
La Comédie Française va jouer dans deux salles : la salle Richelieu et la salle Luxembourg ou l’Odéon. Dans les années qui suivent la fin de la guerre, à plusieurs reprises, l’Odéon fera partie de la Comédie puis lui sera retirée définitivement en 1988. Mais les places manquent cruellement : en 1993, le Théâtre du Vieux Colombier lui est attribué comme deuxième salle et en 1996 une nouvelle salle est ouverte au Carrousel du Louvre.
La Comédie Française est aujourd’hui un établissement public à caractère industriel et commercial, dépendant du ministère de la Culture. Mais selon les statuts initiés par Napoléon, les membres sont pensionnaires et sociétaires sous la houlette du doyen.
Les « Pensionnaires » sont des membres embauchés par l’Administrateur, faisant partie de la troupe et ayant moins d’un an de présence. Ils deviennent « Sociétaires » au bout d’un an d’ancienneté, choisis par le Comité d’Administration et par arrêté du ministère de la Culture. Ils passent au statut de « Sociétaires Honoraires » au bout de vingt ans de présence, lorsqu’ils sont à la retraite. Ils sont reconnus ainsi pour leur travail de qualité et peuvent jouer de temps en temps dans la troupe. Le « Doyen » est le membre le plus ancien, animant la troupe et veillant au maintien des principes d’origine.
La Comédie Française, nous l’avons lu, détient le monopole des représentations en français. Son répertoire composé de 3000 pièces, fait appel aux grands classiques, mais elle met en scène également des auteurs étrangers comme Shakespeare et des plus modernes tels Ionesco et Beckett. Molière est et restera l’auteur le plus joué : plus de 30 000 fois depuis la création de la troupe avec ses pièces connues les plus représentées : le « Tartuffe », l’ « Avare », le « Misanthrope », le « Médecin Imaginaire » et le « Médecin malgré lui ». Son administrateur actuel est Éric Ruf.
Bibliographie
- Histoire de la Comédie-Française : De Molière à Talma, de André Blanc. Perrin, 2007.
- Grande et petite histoire de la Comédie-Française : Le siècle des Lumières 1680-1799, de Maurice Lever. Fayard, 2006.