Francisco Pizarro à la recherche du Pérou
Castillan émigré aux Amériques en 1502, Francisco Pizarro s’installe à Panama en 1513. C’est là qu’il entendra parler pour la première fois, suite au voyage d’exploration de son compatriote Pascual de Andagoya, d’un pays fabuleux qui regorgerait d’or : le Pérou. Encouragé par l’incroyable réussite d’Hernan Cortès, qui avec une poignée de conquistadores parvient à soumettre l’empire aztèque, il décide de s’associer avec deux autres hommes, le prêtre Hernando de Luque, et le militaire Diego de Almagro, pour partir à la conquête de ce légendaire Pérou.
La troisième expédition de Francisco Pizarro appareille finalement en décembre 1530. Au printemps suivant, elle atteint l’île de Puna, dont les habitants livrent aux Incas, sur le continent, une guerre sans merci. Initialement la cohabitation se déroule sans heurts, mais une incompréhension causée par les traducteurs de Pizarro déclenche un conflit armé en avril 1531 : bien qu’étant moins de 200, les Espagnols infligent aux autochtones une défaite cinglante, grâce à la combinaison piques/arquebuses de l’infanterie, et à leur cavalerie. Impressionnés par ce succès qui confère aux conquistadores une aura d’invincibilité quasi surnaturelle, les Incas accueillent les Espagnols avec déférence, tandis que Pizarro et les siens, sans rencontrer de résistance, s’enfoncent à l’intérieur des terres.
À la rencontre d'Atahualpa
Au même moment, l’empereur inca Atahualpa se trouve à Cajamarca avec une armée de 80.000 hommes, où il vient d’apprendre la défaite et la capture de son demi-frère Huascar, son rival dans une guerre civile pour la succession impériale qui dure depuis 1527. Il est informé quasi simultanément de l’arrivée de ces Espagnols aux armes et à l’accoutrement exotiques, desquels son peuple se tient respectueusement à l’écart. Mais le fils du soleil n’est pas dupe : ses espions lui apprennent bientôt que les nouveaux venus ne sont pas d’essence divine. L’empereur y voit une occasion unique de renforcer son pouvoir, encore ténu au sortir de la guerre civile : il capturera les Espagnols pour les incorporer dans sa propre armée et bénéficier de leur savoir-faire militaire - ou les fera mettre à mort s'ils refusent.
Pizarro, qui a bien compris le statut divin du souverain et la nature centralisée de son empire, se décide donc à agir, avec un culot stupéfiant : il capturera Atahualpa au milieu de ses propres soldats, en lui tendant un piège. Le chef espagnol invite donc l’empereur à venir le rencontrer, le lendemain, à l’intérieur de Cajamarca. Sûr de sa force, Atahualpa accepte. L’exiguïté des lieux l’obligera à n’amener avec lui que les quelques milliers de soldats et de courtisans qui constituent sa suite immédiate. En signe de bonne volonté, il précise en outre que ses gens n’amèneront pas leurs armes.
La "bataille" de Cajamarca
Le 16 novembre 1532, pendant qu’Atahualpa et sa suite pénètrent dans la ville, les Espagnols demeurent cachés dans les bâtiments qui entourent la place centrale. Seul, le moine dominicain Vincente de Valverde s’avance à la rencontre du souverain, une bible à la main. La suite n’est pas connue avec précision, aucun autre Espagnol n’ayant entendu la conversation entre les deux hommes : les récits ultérieurs des chroniqueurs (notamment ceux de Pedro Cieza de Léon et Garcilaso de la Vega) se contredisent sur son contenu. Selon certains, le moine aurait d’abord invité Atahualpa à descendre de son palanquin pour venir festoyer à l’intérieur d’une des maisons, ce que l’Inca aurait refusé. Pour d’autres, il l’aurait simplement sommé d’accepter Jésus-Christ pour dieu et Charles Quint pour suzerain.
Une chose est sûre : la violence, alors, se déchaîne. Les Espagnols se ruent à l’attaque, avec leurs épées d’acier, leurs armures métalliques et leurs arbalètes. Les Incas, qui sont pour les plus chanceux d’entre eux protégés seulement d’armures de cuir, et sans armes, découvrent en outre pour la première fois arquebuses, canons et chevaux, qui fauchent, renversent et piétinent leurs rangs serrés avec une terrifiante efficacité. La « bataille » tourne au bain de sang.
La capture d'Atahualpa
Pourtant, les Espagnols ne parviennent pas à s’emparer d’Atahualpa, toujours hors d’atteinte sur son palanquin. Ils commencent alors à couper méthodiquement les bras des porteurs mais, comme certains d’entre eux le rapporteront plus tard à Pedro Cieza de Léon, ils voient avec stupeur les blessés se relever pour porter la litière du souverain avec leur autre bras.
Finalement, les derniers défenseurs de l’empereur sont massacrés et Atahualpa capturé, pendant que les cavaliers espagnols poursuivent les fuyards dans les rues de la ville, en tuant probablement plusieurs centaines, voire milliers. Côté espagnol, on ne compte vraisemblablement que quelques blessés dont Pizarro lui-même, légèrement touché à la main en parant le coup de lame qu’un de ses hommes, dans le feu de l’action, destinait à Atahualpa.
La conquête de l'empire inca par Pizarro
Pizarro, pour sa part, poursuivit la conquête du Pérou, entrant à Cuzco, la capitale inca, le 20 décembre 1533. L’histoire, toutefois, n’était pas terminée : le fantoche de 17 ans qu’il avait placé sur le trône, Manco Capac II, allait bientôt rejoindre les généraux renégats qui poursuivaient, dans les montagnes, la lutte contre les Espagnols. De surcroît, Pizarro allait attiser contre lui les jalousies de ses compagnons d’armes, et des luttes intestines allaient bientôt déchirer les conquistadores. Pizarro parvint à faire exécuter son plus dangereux rival, son ancien associé Diego de Almagro, en 1538 ; mais il allait périr à son tour, assassiné par les partisans du fils d’Almagro, le 26 juin 1541. Ce dernier sera finalement vaincu et mis à mort l’année suivante. Il faudra attendre 1572 pour que le dernier vestige de l’empire inca soit vaincu avec l’exécution du dernier empereur, Tupac Amaru.
Bibliographie
- Francisco Pizzaro : Le Conquistador de l'extrême, de Bernard Lavallé. Payot, 2004.
- Atahualpa, le dernier empereur inca, d' Alexandre Gomez-Urbina. MA Editions, 2019.
- De William H. Prescott, Histoire de la conquête du Pérou, tome 2 : La chute de l'Empire Inca. Pygmalion, 1997.