Le contexte de la Sixième Croisade
Malgré la rivalité entre l’Empire et l’Eglise, c’est bien le pape Innocent III qui a permis l’élection du jeune Frédéric. Celui-ci est alors encore jeune (il est né en 1194), vivant en Sicile, quand le pape décide de « lâcher » l’empereur en place Othon IV (excommunié), en faisant du Hohenstaufen le roi de Germanie, même s’il faut attendre la défaite d’Othon IV à Bouvines (1214) pour que le trône impérial revienne de fait à Frédéric. Celui-ci est élu empereur, nous sommes en 1215 ; il décide alors de prendre la croix mais, nous l’avons vu, il ne tient pas à sa promesse, trop occupé à régler les problèmes internes à l’Empire et aussi, semble-t-il, peu motivé par l’idée même de croisade…En tout cas, même s’il semble avoir été « fait » par le pape, il ne tient pas à rester dans sa dépendance politique.
Cependant, il comprend vite que mener une telle expédition peut lui permettre de se poser en leader de l’Occident, face au pape mais aussi aux autres souverains comme Philippe Auguste. Il a renouvelé sa promesse en 1220, quand Honorius III l’a couronné à Rome, mais il faut attendre 1223 pour que la croisade de Frédéric II reprenne forme. Le pape a encore une importance centrale : d’abord, il pousse l’empereur à renouveler sa promesse, puis il organise son remariage (il est veuf) avec la fille du roi de Jérusalem ; l’affaire est conclue en 1223 donc, en même temps qu’est renouvelé le serment de croisade, dont le départ est fixé à juin 1225.
Toutefois, Frédéric II compte bien décider lui-même de la suite, et il préfère régler ses problèmes en Sicile plutôt que de se préparer ; il risque alors l’excommunication ! Il accepte de renouveler son vœu, et la croisade est repoussée à 1227…Frédéric II gagne du temps, en profite pour mettre la main sur le royaume de Jérusalem (sans se rendre sur place encore) en obligeant son beau-père Jean de Brienne à se réfugier à Rome ! Il retarde encore son départ, et s’en est trop pour le nouveau pape Grégoire IX qui l’excommunie en 1227 ! Il semblerait néanmoins que les raisons du pape soient plus complexes, son regard étant attiré tant par le royaume de Sicile que par celui de Jérusalem…
Frédéric II enfin en croisade ?
L’empereur se décide enfin, malgré son excommunication, à partir pour la Terre Sainte fin 1228, avec 500 chevaliers. Il se rend d’abord à Chypre où Jean d’Ibelin assure la régence, et s’impose en prétextant que les souverains de l’île étaient ses vassaux, puisque c’était son père Henri VI qui l’avait attribuée aux Lusignan ! La famille des Ibelin devient alors une farouche ennemie de Frédéric, mais la guerre est évitée grâce à l’intervention des Ordres militaires. Il parvient ensuite à Acre, mais là Templiers et Hospitaliers s’opposent à lui à cause de son excommunication !
En revanche, il bénéficie du soutien des Teutoniques…L’objectif de l’empereur est double : récupérer Jérusalem, mais aussi asseoir son autorité de souverain. La croisade n’est donc pas sa seule priorité.
Le traité de Jaffa
Mais le contexte n’est guère en faveur de l’empereur : il est toujours excommunié, et ses méthodes à Chypre et Acre lui ont valu pas mal d’hostilités, en particulier de la part des Templiers (qui n’ont pas retrouvé leur Temple, situé sur l’esplanade que gardent les musulmans). De plus, sa tolérance envers les Infidèles (dans la lignée de son attitude en Sicile) est encore moins bien vue, et on lui reproche son goût pour les coutumes orientales, la langue arabe et l’art musulman, tout comme le fait de dîner avec des envoyés du sultan, et même le maître des Assassins ! Il repart donc très rapidement de la Ville Sainte, puis de la Terre Sainte, après un passage à Acre où il est accueilli par les quolibets et les huées…
Les conséquences du traité de Jaffa
Le royaume de Jérusalem est laissé par Frédéric II dans un état déplorable. C’est son fils Conrad qui est censé assumer sa charge de souverain, mais Frédéric s’oppose d’abord au patriarche Géraud dès son retour à Acre ; il est prêt à prendre d’assaut son palais et à affronter les Templiers, mais il doit abandonner pour se rendre en Sicile, où Jean de Brienne l’a pris à revers ! Ensuite, il refuse d’envoyer Conrad en Terre Sainte, et laisse le royaume se démener dans des luttes internes. Il perd aussi le soutien de Chypre, reprise par les Ibelin en 1232. Heureusement, le pape décide de soutenir l’empereur, et la situation semble se stabiliser les années suivantes, malgré l’hostilité des Templiers. On sait que cela ne durera qu’un temps…
Bibliographie
- Histoire des croisades, de René Grousset. Tempus, 2006.
- Histoire de la Sixième Croisade et de la Prise de Damiette, de Joseph Toussaint Reinaud. FB, 2018.
- Frederic II, de Sylvain Gouguenheim. Tempus, 2021.