Contexte historique du Grand bond en avant
La Chine de la fin des années 1950 est un pays en pleine effervescence. La Chine communiste s'était à l'origine construite économiquement sur le modèle stalinien, c'est accordant la priorité à l'industrie lourde. Or contrairement à l'Union Soviétique, la Chine d'alors était encore loin d'avoir assuré des surplus agricoles, en raison de l'arriération des campagnes chinoises. La rupture sino-sovétique qui s'amorce à partir de 1956, est l'occasion pour Mao de revenir sur cette politique économique qui de toute manière n'accordait qu'une place marginale à la paysannerie, autrefois pivot de la révolution chinoise.
A cette rupture avec le modèle soviétique, vient s'ajouter la montée en puissance d'une contestation du monopole sur le pouvoir du PCC, qu'à révélé en 1957 la Campagne des Cent-Fleurs. Mao estime devoir re-mobiliser radicalement la population chinoise derrière un objectif ambitieux, qui devrait lui fournir l'occasion d'écraser toute opposition. Ce "Grand Bond en Avant" sera pourtant l'un de ses pires échecs.
Un programme ambitieux
Chacun est invité à participer au travail manuel, y compris les cadres du Parti communiste. Tous les métaux disponibles sont collectés pour être fondus et transformés en outils ou en armes. Un quota journalier d’animaux nuisibles à tuer, tels que les oiseaux, est attribué à tous, même aux enfants. D’immenses chantiers de construction sont lancés, employant des armées d’ouvriers.
Cela devrait permettre de dégager suffisamment de ressources pour que l'Etat Central mette en place de grands programmes d'infrastructures. Dans les faits cette politique va se traduire par une désorganisation complète du fonctionnement de l'industrie et surtout de l'agriculture chinoise. Les statistiques largement truquées par le régime chinois ne masqueront les faits que pour une vingtaine d'années.
Le grand bond en avant... ou en arrière !
Ce projet utopique, préconisant un développement collectif dans tous les domaines de la vie quotidienne, marque une rupture idéologique avec le modèle soviétique. Certains aspects, tels que la tentative d’appliquer des programmes de santé et d’éducation adaptés aux besoins de la Chine plutôt que de dépendre des programmes soviétiques, répondent à des besoins réels. Dans l’ensemble cependant, le résultat est un échec, particulièrement dans l’agriculture, où le mauvais temps et le refus de Mao de reconnaître les erreurs aggravent la situation et font chuter la production. En outre, le manque de personnel compétent et le retrait des techniciens soviétiques, en 1960, handicapent l’industrie.
Cet échec catastrophique de Mao lui vaudra une traversée du désert politique d'une demi douzaine d'années, dont il ne sortira que par une initiative tout aussi désastreuse: "La Révolution Culturelle."
Bibliographie
- La République populaire de Chine: Histoire générale de la Chine (1949 à nos jours), de Gilles Guiheux. Les Belles Lettres, 2018.
- Mao: De la pratique et de la contradiction, d'Alain Badiou. La Fabrique, 2011.