Le contexte du massacre de Sétif
C’est le débarquement allié en Afrique du Nord en novembre 1942 qui provoque un réel électrochoc en Algérie, alors sous le joug d’un ordre colonial encore plus brutal depuis l’arrivée au pouvoir de Pétain en métropole. C’est à la fois l’anticolonialisme américain, la forte présence des musulmans dans l’armée française d’Afrique, et l’importance de la Résistance comme « mythe », déjà, qui donnent un coup de fouet au mouvement de libération national algérien.
De Gaulle décide alors de donner, dans son ordonnance du 7 mars 1944, la nationalité française à tous les « indigènes » décorés militairement ou bénéficiant de différents diplômes, leur donnant accès à tous les emplois civils et militaires et une meilleure représentativité dans les assemblées locales. Ils sont plus de 60 000 à en bénéficier en 1945, ce qui fait grincer quelques dents dans les milieux coloniaux…
Que s’est-il passé le 8 mai ?
En général, on place les massacres de Sétif (qui ont eu lieu aussi ailleurs dans le pays) le 8 mai 1945, date évidemment symbolique. C’est un peu plus complexe. Ce jour-là, une manifestation est autorisée par les autorités ; on y exige l’égalité pour tous, la fin du colonialisme, mais aussi la libération de Hadj, et les slogans se font de plus en plus nationalistes. Ce sont plus de 10 000 personnes qui manifestent en chantant l’hymne nationaliste Min Djibalina, des drapeaux américains ou anglais sont brandis, et bientôt des pancartes pour une Algérie libre et indépendante.
C’est alors que la jeune leader des scouts musulmans, Aïssa Cheraga, brandit un drapeau algérien ; cela provoque une réaction de colons présents sur place, une échauffourée et le jeune Bouzid Saal est tué par un policier alors qu’il tente à son tour de brandir le drapeau. C’est la panique, la police tire et les manifestants en colère se vengent sur des Européens, en tuant plus d’une vingtaine en quelques heures. La situation se calme sur place à l’arrivée des tirailleurs, mais des troubles éclatent dans les campagnes et ce sont finalement une centaine d’Européens, surtout des fermiers, qui sont tués dans la journée. Les troubles éclatent aussi à Guelma où l’armée tire sur la foule, faisant un mort. La situation est donc au bord du soulèvement général à la fin de ce 8 mai 1945.
Le bilan et les conséquences du massacre de Sétif
Il est bien difficile de se faire une idée précise du bilan réel, à cause du symbole que sont devenues ces journées, manipulées par les « deux camps », et jusqu’à aujourd’hui. En Algérie indépendante, on évoque plus de 40 000 morts alors que du côté officiel français de l’époque on table sur environ 1500…La « vérité » est probablement entre les deux, on peut dire sans trop s’engager qu’il y a eu une centaine de morts « européens » pour plusieurs milliers de morts « musulmans ».
L’enquête officielle de l’époque est bâclée, mais on en profite tout de même pour emprisonner plusieurs meneurs nationalistes algériens, comme Ferhat Abbas. Surtout, on ne comprend pas l’impact que vont avoir ces journées de massacres sur les Algériens musulmans.
Du côté nationaliste, c’est au contraire un choc. Les massacres de mai 1945 sont même pour la mémoire collective algérienne le ciment qui va conduire au soulèvement moins de dix ans plus tard.
Bibliographie
- Chroniques d'un massacre. 8 mai 1945 : Setif, Guelma, Kherrata de Boucif Mekhaled. Syros, 1995.
- Sétif 1945, chronique d'un massacre oublié, de Jean-Louis Planche. Perrin, 2010.