Dans son dernier ouvrage, Cathares. Le massacre oublié, Katherine Quénot cherche à nous faire partager sa passion des cathares. Qui étaient-ils ? Comment se présentait leur religion et comment la pratiquaient-ils ? Mais également, pourquoi furent-ils considérés comme des hérétiques et traités en temps que tel ! L’auteur s’interroge ainsi les raisons qui amenèrent la papauté et la royauté française à lancer contre eux une croisade et l’Inquisition médiévale créée à cette occasion. Tout cela s’annonçait très intéressant si seulement ce n’était pas un tissu d’inepties oscillant entre le grotesque et l’insulte à l’Histoire.
Un réquisitoire contre l’Église catholique
Katherine Quénot ne cherche pas seulement à nous parler des cathares et de ce qu’ils étaient, elle cherche avant tout à attaquer l’Église catholique par tous les moyens. Le livre ne délivre qu’un seul message que l’on pourrait résumer en la phrase suivante : les innocents cathares ont été victimes de l’infâme Église romaine, mais pourquoi ? Nous sommes en effet en présence d’un ouvrage on ne peut plus démagogique, rempli de sophismes du style « L’Église romaine est une Église de pouvoir, donc nécessairement de répression » (page 76) ou l’action d’un saint Bernard n’est uniquement que d’être un « chien de garde du catholicisme », pourfendeur d’Abélard et médiocre prédicateur (page 164). Certes, nous ne dirons pas que l’Église romaine ait été une sainte ni que l’Inquisition médiévale ne réprima pas durement les Albigeois dont des centaines moururent sur le buché, c’est une réalité. En revanche, la rendre responsable de « la mort d’un million de personnes » et de la destruction d’une « civilisation originale » (page 11), il serait très sérieusement temps d’arrêter les affabulations. Car non il n’y a jamais eu de « véritable campagne d’extermination » aboutissant à la disparition du catharisme mené ni par l’Église ni par la royauté.
Si l’on se réfère aux travaux de spécialistes de la question comme Jean-Louis Biget, Jacques Berlioz ou encore Monique Bourin, la croisade contre les Albigeois et l’Inquisition eurent évidemment une action très ferme mais moins brutale et aveugle qu’on ne l’a dit. Surtout, la fin du catharisme serait liée principalement à une désertion des cathares eux-mêmes ainsi qu’à un changement des conditions socio-culturelles. Moins de 5% de la population du Languedoc était acquise à cette « religion », et il s’agissait dans l’extrême majorité de l’élite urbaine et de la petite noblesse et non du petit peuple comme il l’a été souvent été affirmé (le présent ouvrage englobant même toutes les classes). Il s’agit d’une dissidence minoritaire qui ne toucha donc pas les masses populaires et que l’évolution du temps fit disparaître naturellement. Dès lors, il devient assez difficile de parler de « massacre oublié ».
Le problème de l’utilisation des sources
Les erreurs, les détournements et une certaine confusion générale sont si légions dans cet ouvrage qu’on ne saurait tous les exposer. Toutefois, nous nous arrêterons sur l’exploitation des sources. Si tout au long de l’ouvrage, Katherine Quénot affirme sans jamais citer ses sources, elle les indique en fin d’ouvrage aux côtés d’une ridicule et insuffisante bibliographie. Et là tout paraît clair ! L’auteur ne sait tout simplement pas comment analyser et interpréter des sources médiévales, donnant l’impression de les prendre au pied de la lettre. Prenons un exemple comme celui du massacre de Béziers où le légat du pape Arnaud Amaury n’a vraisemblablement jamais prononcé cette fameuse phrase « Tuez les tous, Dieu reconnaitra les siens » contrairement à ce que dit Katherine Quénot. Par ailleurs, elle annonce l’estimation de 20 000 morts, nombre que donna lui-même Arnaud Amaury dans ses écrits. Elle ne fait ainsi que reprendre à l’identique et sans aucune critique la version donnée. On s’étonnerait même qu’elle ne parle pas de 60 000 morts, nombre avancé par Guillaume de Puylaurens qu’elle cite comme faisant partie de ses sources. Car certaines sources médiévales avancent tout et n’importe quoi sur cet événement, le moine cistercien Césaire de Heisterbach parle par exemple du massacre de la majorité de la population de la ville comptant 100 000 habitants. Pour autant, la réalité est tout autre. D’une part, la ville de Béziers en elle-même ne comptait qu’entre 9 000 et 12 000 habitants à cette époque. D’autre part, aussi innommable et intolérable que fut le massacre, il ne concerna plus vraisemblablement que quelques centaines d’habitants – ce qui est déjà énorme –, une bonne partie de la ville ne fut même pas touchée. Nous sommes donc bien loin du massacre annoncé.
Quant au pourquoi de la croisade et de la répression, autant préciser que nous restons sur notre fin avec seulement une esquisse de réponse qui ne comprend nullement la complexité des enjeux politiques de l’époque et ne donne qu’un infime aspect des raisons de l’engagement de la papauté dans ce conflit. Tout du moins, nous comprenons sans nul doute le sous-titre de l’ouvrage « Le massacre oublié ». En effet, comment pouvait-il en être autrement puisque en réalité il n’a pas eu lieu, tout du moins pas dans de telles proportions. Ainsi conseillerons-nous de renommer le présent ouvrage en « Cathares. Le livre à oublier ».
Katherine Quénot, Cathares. Le massacre oublié, Éditions Hugo Desinge, 2012.