La saison de l'hiver chez les anciens Scandinaves
La neige, la glace, le vent et la nuit étreignent l'univers des Vikings. A l'approche de la mauvaise saison, le bóndi, homme libre de la société viking, a pris soin de rentrer du bois et de la tourbe qui serviront à chauffer sa maison. Il a veillé également à remettre en état les différents bâtiments de sa ferme. Le foin est rentré ; les animaux, notamment les moutons, ont été rassemblés ; les réserves de viande salée et de poissons séchés sont constituées. Maintenant que l'hiver est venu, l'activité se concentre dans la skáli, bâtiment principal de la ferme scandinave.
Les femmes se consacrent aux travaux de tapisserie, de broderie et de tissage, qui font partie de leurs prérogatives. Frigg, la femme d'Óđinn (Odin), file elle-même. Elle connaît le destin de chaque homme et chaque dieu, mais elle ne partage ce savoir avec personne. A ce titre, elle tisse le fil utilisé par les Nornes (Urd - le passé -, Verdande - le présent - Skuld - l'avenir) pour construire la destinée des mortels.
S'il doit sortir, le Viking chausse ses skis ou ses patins. Il peut aller chasser ou pêcher, ceci en creusant un simple trou dans la glace. Ces sports d'hiver donnent lieu également à des jeux voire à des compétitions.
La fête de Jól
Plus spécialement, le blót permet au Viking, non pas d'influencer son destin en le connaissant par avance, car il sait que « nul ne survit d'un soir à la sentence des Nornes », mais plutôt à capter des forces bénéfices. En l'occurrence, lors du sacrifice de Jól, il s'agit de forces bénéfiques liées aux puissances de la fertilité et du renouveau, les forces des Alfes.
Un grand festin est apprêté au cours duquel on boit la bière brassée spécifiquement pour cette fête – la jólaöl -, et l'on mange la chair bouillie de l'animal sacrifié. Des toasts sont portés en l'honneur des ancêtres et des dieux. On boit beaucoup ; on mange copieusement. Sans doute, au tout début du banquet, les invités se sont-ils juré de ne pas tenir compte des paroles prononcées sous l'emprise de l'ivresse, comme le veut la coutume. Toutes sortes de divertissements, poèmes, danses, chants, jeux se succèdent.
La fête de Jól, à l'instar des fêtes dédiées au solstice d'hiver, est donc liée aux puissances de la fertilité et du renouveau, représentées dans le panthéon scandinave par les Alfes, des divinités anciennes, énigmatiques, placées apparemment au même rang que les Vanes et les Ases. Ces divinités régissent les forces de la fertilité, de la végétation et du renouveau. Elles sont également liées au culte des ancêtres.
Grímnismá - les dits de Grímnir - l'un des poèmes mythologiques de l'Edda poétique présente Freyr comme le seigneur du Álfheimr, la demeure des Alfes. C'est un dieu Vane, le frère de Freyja, la déesse de l'amour. Il est lui-même dieu de la fertilité et l'un des dieux les plus populaires, avec Thor. Il a reçu Álfheimr et le royaume associé en cadeau, lorsqu'en enfant, il a perdu sa première dent. Il possède un sanglier magique aux soies d'or, qu'il peut chevaucher ou atteler à son chariot.
Ainsi, le porc ou sanglier et encore le cheval sont les animaux qui lui sont les plus couramment associés. C'est en son honneur qu'ils sont donc sacrifiés lors des fêtes de Jól. De nos jours, d'ailleurs, le jambon traditionnellement servi à Noël en Suède rappelle ces offrandes faites à Freyr. Dans les campagnes, on continue de brasser la bière spécifiquement pour Noël.
Le culte des ancêtres et des Alfes
La fête de Jól est aussi liée au culte des ancêtres, culte que véhiculent également les Alfes. A cette occasion, Odin traverse le ciel, suivi de sa Chasse Sauvage, assemblée composée des guerriers morts au combat qui, la nuit venue, retournent à la Vallhöll, le palais du dieu, pour festoyer. Óđinn, lui-même, chevauche Sleipnirr, son cheval à huit pattes ; des chiens et des chevaux noirs l'escortent. Curieux banquet, auquel assistent toutes les nuits les Einherjar, les guerriers morts au combat et choisis par les Valkyries, filles d'Óđinn, pour gagner la Valhöll. Ils ne manquent ni d'hydromel ni de viande. La boisson est fournie en abondance par la chèvre Heiđrún, qui, juchée sur le toit de la Vallhöll, broute les jeunes feuilles du frêne Yggdrasil. Le cuisinier fait bouillir chaque nuit la chair du sanglier Sæhrímnir qui ressuscite ensuite.
Bibliographie
• Régis Boyer, L'Edda Poétique, Fayard, 1992.
• Boyer Régis, La vie quotidienne des Vikings (800-1050), Editions Hachette
• Boyer Régis, Les Vikings, Editions Plon
• Anne-Laure d'Apremont, BABA Tradition Nordique, volume 2
• Jean Renaud, Les dieux des Vikings, Ouest France Editions.