La fête de Pentecôte rassemble, avec des motifs différents mais liés, deux des trois grands monothéismes : la Chrétienté et le Judaïsme. La fête chrétienne de Pentecôte est dédiée à l'Esprit-Saint, certainement la plus énigmatique et la plus difficilement définissable des personnes de la Trinité. Croyant ou non, il est indispensable de connaître la signification de ce moment fort de la culture judéo-chrétienne. Jalon calendaire d'un patrimoine commun, cette fête est dans beaucoup de pays suivie d'un lundi chômé ou férié.
Pentecôte, une fête juive
Si nous connaissons généralement Pentecôte comme une fête chrétienne, il faut savoir que celle-ci est en quelque sorte la réforme d'une fête juive par des Chrétiens qui sont aussi en quelque sorte des Juifs réformés.
Cette fête de Chavouot (« semaines » en hébreux) ou de Pentecôte (« cinquantième jour » en grec) se déroule 50 jours jusqu'au lendemain du septième sabbat après la fête de Pessa'h (pâque juive). C'est originellement une fête agraire liée aux moissons à venir (elle se déroule pendant les labours). On sacrifie sur l'autel une petite part de la récolte d'orge sous forme de pain (auquel s'ajoutent des offrandes animales et des libations). Au début du Ier siècle de notre ère, elle devient l'un des trois grands pèlerinages annuels (avec Pessa'h et Souccot). Peu à peu les juifs hellénisés et certaines mouvances juives lient cette fête commémorant le don de la torah à Moïse sur le Sinaï (toutefois, cette orientation de la fête ne sera officialisée qu'au IIe siècle par les Pharisiens).
C'est dans ce contexte de jour de fête hébraïque que se déroule la Pentecôte chrétienne.
La Pentecôte chrétienne
L'histoire des apôtres de Jésus de Nazareth est rapportée dans le livre des Actes des Apôtres, attribué par la tradition à l'évangéliste Saint Luc, disciple de l'apôtre Saint-Paul. Ce dernier rapporte que les apôtres après la crucifixion de Jésus ont constaté sa résurrection (fête de Pâques) et l'ont vu repartir auprès de Dieu son père (fête de l'Ascension). Ils se retrouvent alors seuls, avec la Vierge Marie, quand arrive la fête juive de Pentecôte.
Après quoi, Pierre annonce à tous la mort et la résurrection de Jésus Christ, c'est le début du grand mouvement d'évangélisation des apôtres.
La descente de l’Esprit Saint sur les apôtres
La Pentecôte chrétienne est donc intimement liée à la Pentecôte juive, d'une part parce que la première a pour cadre la seconde, mais aussi et surtout d'un point de vue thématique. Dans son acceptation sinaïque, la fête juive marque le début d'une nouvelle alliance avec Dieu, apparaissant dans la nuée. De même, dans la Pâques chrétienne l'intervention divine dans les langues de feu marque le début d'une nouvelle alliance. La Pâques chrétienne est à la fois un aboutissement et un nouveau départ.
Il s'agit d'un aboutissement, car l'arrivée de l' Esprit Saint est annoncée et attendue. Selon l'évangéliste Saint Jean, lors de son dernier repas Jésus aurait annoncé l'arrivée de l'Esprit-Saint sensé venir compléter son œuvre auprès des hommes .
Il dit aussi selon Saint-Jean :
"Quand sera venu le consolateur, que je vous enverrai de la part du Père, l'Esprit de vérité, qui vient du Père, il rendra témoignage de moi; et vous aussi, vous rendrez témoignage, parce que vous êtes avec moi dès le commencement."
Jean 15 : 26-27Lors de sa résurrection, Jésus serait apparu à ses disciples et leur aurait une première fois donné l'Esprit, en l'absence de Thomas.
Après ces paroles, il souffla sur eux, et leur dit: Recevez le Saint-Esprit. "Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus." Jean 20 : 22-23
La Pentecôte est l'aboutissement de tout ce processus auquel le Christ prépare ses disciples : il quitte ce monde sans avoir tout dit et tout appris aux hommes, et ces derniers sont appelés à approfondir leur connaissance de Dieu et à évangéliser à travers le Saint-Esprit.
Mais la Pentecôte est aussi un point de départ puisqu'elle lance réellement le coup d'envoi d'un grand mouvement d'évangélisation de la part des apôtres. La nouvelle Église se définit donc par sa vocation missionnaire, mais aussi par sa vocation universelle puisque l'Esprit-Saint donne aux apôtres le don d'être compris dans toutes les langues.
Le Saint-Esprit est certainement la personne de la Trinité la moins saisissable dans nos esprits. Bien moins concrète que le Père ou son fils Jésus Christ. Le mot « Esprit » est une traduction du grec « Pneuma » qui littéralement signifie le « souffle ». Le Saint-Esprit est considéré comme la troisième personne (hypostase) de la Trinité depuis le premier concile de Nicée (325) qui le définit comme consubstantiel au Père et au Fils. L'Esprit est pour les Chrétiens une personne individualisée qui de même qu'il a accompagné le Christ sur terre (l'appelant à la vie, attestant qu'il est le fils de Dieu aux apôtres...) pousse les hommes à croire, comprendre, vivre et propager l'évangile. Il est celui par lequel la Trinité est active dans le monde depuis l'Ascension du Christ.
La nature de l'Esprit Saint est tellement difficile a percevoir pour les Chrétiens qu'elle fut une des pierres d'achoppement qui poussa au schisme : le Symbole de Nicée-Constantinople (écrit en 325 et complété en 381) considérait que le Saint-Esprit procédait du Père. Contre l'avis du Pape, l'empereur Charlemagne ajoute qu'il procède également du Fils comme l'affirmait l'Église d'Espagne. Ce n'est que dans la seconde moitié du IXe siècle que le Pape Nicolas II accepte ce nouveau Credo qui sera une des causes du Grand Schisme d'Orient en 1054 à la suite de ce qu'on a appelé la querelle du Filioque, les Orthodoxes estimant que cet ajout n'est pas justifié par les Pères de l'Église.
C'est également par une recherche d'une plus grande connaissance et d'une plus grande intimité avec l'Esprit-Saint que se sont développés depuis le XXe siècle des mouvements pentecôtistes et charismatiques qui touchent tant les Églises catholique que réformées.
La fête de la Pentecôte
Il semblerait que dès le IIe siècle des communautés chrétiennes aient célébré la Pentecôte, mais la chose ne s'est véritablement généralisée qu'à partir du IVe siècle où elle est bien attestée en Italie. Elle finit même par devenir une fête d'obligation sous Charlemagne lors du Concile de Mayence (813).
Aujourd'hui encore, cette fête religieuse est au cœur des Églises chrétiennes, c'est d'ailleurs généralement ce jour qui est choisi par les Catholiques pour le sacrement de Confirmation. En France, le lundi de pentecôte était un jour férié qui a été transformé en journée de solidarité envers les personnes en perte d'autonomie ou handicapées.
Pour aller plus loin
• Simon Claude Mimouno & Pierre Maraval, Le Christianisme des origines à Constantin, PUF, 2006.
• Philippe Rouillard, Les Fêtes chrétiennes en Occident, Les Editions du Cerf, 2006.