Les causes de la révolution de 1848
La révolution de février 1848 résulta au premier chef, de causes politiques. Celles-ci traduisaient la progressive usure de la Monarchie de Juillet issue des Trois Glorieuses, qui se révélait de plus en plus incapable de gérer la contradiction de laquelle il était né, entre les aspirations à l'Ordre libéral et bourgeois qu'incarnaient un Guizot ou un Thiers et les aspirations à une démocratie universelle qu'avaient défendues sur les barricades les révolutionnaires de 1830. L'interdiction des banquets républicains ou l'on célèbrait la république, le suffrage universel et la réforme électorale mis le feu aux poudres, soulevant d'importantes manifestations populaires essentiellement parisiennes.
Dès 1846 la mauvaise récolte et la crise agricole qui en découle — ajoutées à la déstabilisation des marchés industriels et financiers — engendrent une crise conjoncturelle et économique. Ses conséquences sociales sont désastreuses pour les couches défavorisées, en particulier pour le prolétariat urbain ; hausse des prix (notamment du pain), maladie de la pomme de terre, cherté des matières premières pour l’artisanat traditionnel, maladie et chômage nourrissent alors le mécontentement social.
Enfin, la jeunesse (des universités) et les élites intellectuelles républicaines se détournent du libéralisme officiel qui sert les seuls notables. Leurs maîtres mots, imprégnés de révolutionnarisme, sont « liberté » et « égalité ».
De l’usure des structures sociales au refus des suprématies établies par la monarchie, la crise est donc profondément politique, mais également morale. Le déclin patent du sentiment monarchique, lié à l’autoritarisme répressif et ultra-conservateur des ministres de Louis-Philippe (Guizot en tête), renforcé par le manque de libertés politiques (limitation des libertés de la presse et de réunion), parachève la déstabilisation du régime. Une partie non négligeable de la nation perçoit de moins en moins sa légitimité. Or, Louis-Philippe ne discerne pas la profondeur de la fracture qui traverse le pays et laisse son ministère empêcher toute réforme électorale susceptible d’apaiser les mécontents.
La campagne des banquets
Le contentieux entre le pays et l’État est mis en exergue par la « campagne des Banquets ». Lancée le 9 juillet 1847, la campagne rassemble toute l’opposition républicaine autour d’une revendication unique : la réforme électorale. Durant ces banquets protestataires rassemblant parfois plusieurs milliers de convives, la tradition veut que l’on porte des toasts à la réforme — des toasts longs, assez longs pour se métamorphoser en discours. Par ce subterfuge, la campagne ne cesse de gagner en ampleur et en succès, en dépit des interdictions prononcées par le ministère Guizot.
Chef de la gauche dynastique et principal initiateur des banquets, Odilon Barrot déclare pour sa part que « le char est lancé et quoi que nous fassions le peuple sera demain dans la rue ». Il est en effet trop tard ; étudiants du Quartier latin et ouvriers des faubourgs défilent déjà à l’appel des sociétés secrètes et avancent vers la Concorde. Une première escarmouche a lieu avec les militaires.
La révolution de février 1848
Le 22 février 1848, Guizot demande à la Garde nationale parisienne de réprimer les fauteurs de troubles ; mais, alors qu’elle excelle dans ce rôle depuis 1830, la Garde n’agit pas. Les manifestants exigent la démission du ministère Soult-Guizot et une réforme politique.
Au soir du 23 février, tandis que la fièvre révolutionnaire gagne certains rangs de l’armée et que la Garde nationale passe dans le camp des insurgés aux cris de « Vive la réforme », une cinquantaine de manifestants décident d’aller huer Guizot sous les fenêtres du ministère des Affaires étrangères. Cette fois, la troupe tire, laissant plusieurs morts sur le boulevard des Capucines. Transportées sur des charrettes, les dépouilles sont exhibées dans toute la capitale. Cette « promenade des cadavres » déclenche l’insurrection proprement dite, contre laquelle les forces de l’ordre n’osent pas intervenir.
L'avènement de la IIe République
La garde nationale fraternisant avec les manifestants, Guizot démissionna dans une immense liesse populaire. Louis-Philippe abdiqua alors en faveur de son petit-fils âgé de neuf ans, le comte de Paris. Mais déjà les émeutiers avaient investi le palais Bourbon où siégeaient les députés et faisaient pression pour que soit proclamée la IIe République, ce qui fut fait en même temps qu'une liste de noms était dressée pour constituer un gouvernement provisoire.
Parallèlement, les émeutiers s'étaient aussi emparés de l'Hôtel de Ville et, là aussi, une liste de gouvernants possibles fut préparée. Finalement, le gouvernement provisoire comporta onze noms parmi lesquels celui de Lamartine était sans doute le plus célèbre. C'est le début de l'éphémère république "romantique".
La IIe République se veut à l'origine, un régime moderne et ambitieux, assez caractéristique de l'effervescence révolutionnaire qui secoue alors l'Europe. De grandes mesures symboliques sont adoptées comme l'abolition de l'esclavage, la proclamation de la liberté de presse et de réunion, la proclamation du suffrage universel masculin, la création des chantiers nationaux etc... Régime prometteur, qui pourtant s'effondrera en à peine deux ans, mis à mort par celui qui aurait du en être le protecteur, à savoir son Président: Louis Napoléon Bonaparte.
Bibliographie
- 1848, la révolution oubliée, de Michèle RIOT-SARCEY et Maurizio GRIBAUDI. La Découverte, 2009.
- Histoire De La Révolution de 1848, d' Alphonse de Lamartine. Myriel, 2019.