La Reynie, chef de la police de Louis XIV

Histoire de France | D'Henri IV au Grand Siècle

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La Reynie fut le premier titulaire de la lieutenance générale de la police, de 1667 à 1697. Jusqu’alors, la sécurité de Paris dépend de quatre départements faisant office de Police. Grâce à la disparition du lieutenant criminel et du lieutenant civil, Colbert va pouvoir réformer la Police de Paris pour ne faire qu’un seul et unique organisme, à la tête de laquelle Louis XIV installe Gabriel Nicolas de La Reynie, homme fidèle à la royauté, patient, efficace et déterminé. Grâce à lui, Paris deviendra la ville la plus propre d’Europe, et son action marquera durablement l'histoire de la police en France.

 

La Police avant La Reynie

Au Grand Siècle, Paris est sécurisé grâce à quatre départements liés entre eux mais bien distincts. Les commissaires, les archers et exempts du guet, les services du lieutenant criminel et la prévôté de l’Ile siégeant au Châtelet. La prévôté disposait de commissaires qui sont juges mais non policiers. A la tête de la prévôté, le lieutenant civil doit « travailler » avec le lieutenant criminel, mais tous les deux estiment qu’ils sont chacun responsable de la Police ! Les commissaires, quant à eux, au nombre de seize, sont responsables des seize quartiers de Paris et se heurtent souvent au Prévôt des marchands (Hôtel de Ville) et aux responsables du Châtelet. A côté de ces services, il ne faut pas oublier le Parlement de Paris qui entend administrer sa police, ainsi que les juridictions de l’Eglise. Tous ces organismes différents, même s’ils sont performants, manquent de coordination et de direction centralisée. De ce fait les cinq cent mille parisiens ne peuvent compter que sur eux seuls pour assurer leur sécurité. Boileau écrit en 1660 « le bois le plus funeste et le moins fréquenté, est auprès de Paris, un lieu de sûreté » !

Face à cet enchevêtrement de compétences et de juridictions, Colbert qui est également représentant de la police, souhaite réformer l’ensemble. Ayant l’appui du Roi, il lui faut trouver « une main de fer ». Deux problèmes existent pourtant : gérer les prérogatives du lieutenant criminel et du lieutenant civil, sachant que ces fonctions et donc ces charges rapportent beaucoup d’argent à l’état, on ne peut donc pas les supprimer ainsi si rapidement !

La nouvelle centralisation de la Police

Un heureux concours de circonstance va servir Colbert : le lieutenant criminel meurt en été 1665 et le lieutenant civil Antoine Dreux d’Aubray est empoisonné par sa fille la marquise de Brinvilliers en été 1666. C’est l’occasion rêvée pour réformer la police. Un Conseil est fondé, une nouvelle fonction de lieutenant général de la Police de Paris est créée, la charge de lieutenant criminel disparaît, le lieutenant civil n’aura qu’à juger les affaires civiles. L’édit du 15 mars 1667 stipule « la charge de lieutenant général de police de Paris sera désunie de celle du lieutenant civil ».

Cette nouvelle charge s’occupera de la sûreté de la ville, englobant les port d’armes autorisés ou non, le nettoyage des rues, la gestion des incendies et des inondations, les subsistances, l’inspection des halles, la vérification des boutiques, maisons des jeux et tabacs ainsi que des lieux mal famés, la lutte contre la délinquance, le contrôle des manufactures, imprimeries et librairies, sans oublier la chasse aux délinquants et leur jugement.

La Police de Gabriel Nicolas de La Reynie

Né à Limoges en 1625, il est issu d’une famille de robe et poursuit des études de droit à Bordeaux. Devenu avocat, il reste dans ce milieu en épousant la fille d’un avocat en 1645, fait un riche mariage et prend le nom de La Reynie, mais est rapidement veuf. Après plusieurs postes dans les tribunaux tels que magistrat à Angoulême, président à Bordeaux, par ailleurs fidèle à la royauté pendant la Fronde, il devient intendant du duc d’Epernon, ce dernier l’introduisant à la Cour. Administrant sa fortune, il parvient à acheter en 1661, la charge de maître des requêtes au Parlement pour un montant de 320 000 livres.

Estimé par le chancelier Séguier, Colbert lui confie des missions dans le domaine économique, social, de la police et de la justice. Ayant trouvé « son homme », Colbert l’introduit auprès du Roi qui créé pour lui cette nouvelle charge de lieutenant général de police. La Reynie prête serment fin mars 1667 et sera fidèle à son poste pendant trente ans. Conseiller d’Etat en 1680, juge et procureur, il participe à de grands procès comme l’affaire des Poisons ou le procès du chevalier de Rohan. Ayant reçu les pleins pouvoirs du Roi, il devient l’agent exécutif de ses ordres, en dirigeant les persécutions contre les protestants ou en assurant le ravitaillement de Paris en blé. En outre le Roi l’autorise à établir toutes les lettres de cachet nécessaires.

Il commence par installer ses bureaux, non pas au Palais de Justice, mais près du Palais Royal dans un hôtel particulier et s’entoure d’adjoints fiables, mais surtout en qui il a confiance. Obtenant un énorme budget, il peut implanter ses « mouches » dans tout Paris. Malgré tout, il doit aider Louvois, doit rendre des comptes à Séguier le garde des Sceaux qui se croit toujours responsable des fonctions de police.

S’attachant à cette grande réforme, il va transformer beaucoup de choses :

- Les commissaires ont désormais un statut de fonctionnaire salarié, ils sont répartis en dix sept quartiers et prennent le titre de Conseiller du Roi. Ils sont assistés par des sergents à cheval et des sergents dits « à verge » assurant en plus les fonctions d’huissiers et commissaires priseurs.

- Il va rétablir l’autorité royale en « mettant au pas » le Gouverneur de Paris, le Parlement et le Prévôt des marchands.

- Il s’attaque de manière acharnée, à l’insécurité dans la ville, en lançant des opérations coup de poing notamment sur le Pont Neuf (rafle massive suite à la vente de pistolets de poche) ou empêcher que les domestiques des Grands ne fassent la loi. Ceux-ci sont arrêtés et pendus malgré l’intervention de leurs maîtres.

Pour supprimer les écrits séditieux, il fait la chasse aux libellistes et pamphlétaires, puis aux libraires qui publient ces feuillets.

La Reynie transforme Paris

La sécurité dans la ville est menacée par les vide-goussets et les mendiants harcelant les habitants, le soir les cours de miracles fourmillent de ces faux estropiés, aveugles, boiteux et autres paralytiques. La Reynie fait raser les maisons et ouvre des brèches dans les murs de l’enceinte de Charles V pour supprimer les cours de miracles, puis envoie aux galères les mendiants et faux estropiés marqués d’abord au fer rouge. Il constitue une police spéciale « les chasse-coquins » chargée de parcourir les rues pour enfermer les mendiants et les prostituées à l’Hôpital Général.

Il instaure l’éclairage public, établit des règles de circulation et de stationnement, s’occupe du pavage des rues et de l’adduction d’eau.

Les parisiens ont l’habitude de jeter les détritus par les fenêtres et les jours de pluie, les rues sont transformées en cloaques immondes, malgré l’ordonnance du Châtelet obligeant les habitants à entretenir le devant de leur maison jusqu’à la moitié de la rue et transporter les déchets hors de la ville, sous peine d’amendes. Décrétant la taxe des Boues et Lanternes (il y aura cinq mille lanternes installées jusqu’à la fin du règne de Louis XIV), impôt dû par les propriétaires parisiens pour le nettoiement des rues et l’entretien des lanternes, Paris devient la ville la plus propre de l’Europe.

La Reynie rend obligatoire la taxe des rues non pavées « à payer devant son héritage », ainsi que la taxe de Voirie : les maisons de la capitale sont recensées avec le nom de leurs habitants et le détail des enseignes, cette taxe devant être réglée tous les six mois et à l’avance, sous peine de contravention. En 1697, il se retire de ses fonctions, entouré de l’estime générale et se consacre désormais au Conseil d’Etat, puis disparait à Paris en 1709. Il laisse son nom à deux rues : une au centre de Paris et une dans Limoges.

Saint Simon lui rendit hommage en le décrivant comme étant « un homme d’une grande vertu et d’une grande capacité, qui, dans une place qu’il avait pour ainsi dire créée, devait s’attirer la haine publique, s’acquit pourtant l’estime universelle ». 

Bibliographie

- Une Ombre sur le Roi Soleil de Claude Quétel. Larousse, 2010.

- La Reynie: Le policier de Louis XIV, de Éric Le Nabour. Perrin, 1990.

 

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