Louis le Pieux, empereur d'occident (814-840)

Histoire de France | Des Carolingiens aux Capétiens

Par le

Louis Ier dit « le Louis le Pieux » ou « Louis le Débonnaire », roi des francs et empereur d'Occident (814-840) est le fils et successeur de Charlemagne. Dès le début de son règne il est confronté au problème de sa succession, qu'il tente de régler par l'Ordinatio Imperii. Louis le Pieux maintient cependant une certaine stabilité politique et exercera son pouvoir sous la forte influence des prélats. Très croyant, il s'impliqua personnellement dans la réforme monastique. Bien qu'à l'origine de la renaissance carolingienne, il ne parvint pas à préserver l'unité de l'empire, qui sera partagé entre ses fils par le traité de Verdun en 843.

Louis Ier, héritier de Charlemagne

Louis est né en 778. Il est le sixième enfant et le quatrième fils de Charlemagne. En 814, il apprend la mort de son père Charles alors qu'il se trouve à son palais de Doué-la-Fontaine. Il est alors âgé de 46 ans et est marié à Irmingarde, fille du comte Ingramm, depuis 794. Celle-ci lui a donné trois fils : Lothaire en 795, Pépin en 797 et Louis en 806. Il est roi d'Aquitaine depuis 781. Son père Charles l'a couronné et associé à la direction de l'Empire en 813..

Homme pieux, il entretient avec l'église des rapports beaucoup plus étroits que ceux de son père. Lorsqu'il prend le pouvoir et arrive au palais d'Aix la Chapelle, Louis renvoie ses sœurs qui vivaient à la cour avec une grande liberté de mœurs, dans les monastères dont elles sont abbesses laïques. Il remplace par ses proches les conseillers de son père, dont notamment les deux cousins de celui-ci, Adalard (752, †826) et Wala (772, †836). Parmi ces proches se trouve Benoit d'Aniane (750, †821), chargé de mettre en œuvre la réforme des monastères et de promouvoir l'ordre bénédictin.

Louis se fait appeler « Louis, par ordre de la Providence Divine, Empereur et Auguste », et abandonne les titres de roi des Francs et des Lombards. Très influencé par ses conseillers ecclésiastiques, il promulgue en 817, un texte à caractère testamentaire, visant à assurer la cohérence de l'Empire à son décès, « l'Ordinatio Imperii ».

L'Ordinatio Imperii

La coutume franque prévoit le partage équitable du royaume entre les héritiers. Ainsi, à la mort de Pépin III dit le Bref (715, †768), le territoire franc a été divisé entre ses deux fils, Charles et Carloman. « l'Ordinatio Imperii », au contraire, cherche à maintenir l'Empire en un seul bloc et reconnaît un droit d'aînesse entre les héritiers. Ainsi, Lothaire, le fils aîné, est proclamé empereur et devient le seul héritier du royaume.

Ses deux frères Louis et Pépin obtiennent des royaumes inclus dans l'Empire, respectivement la Bavière et l'Aquitaine, mais ils sont subordonnés à leur frère aîné. Ils doivent le visiter tous les ans en lui apportant des cadeaux. En outre, ils ne peuvent se marier et entreprendre la guerre sans l'aval de leur frère.

La première révolte : Bernard d'Italie

La première réaction négative vis-à-vis de « l'Ordinatio Imperii » émane de Bernard, fils illégitime de Pépin à qui Charlemagne a confié le royaume d'Italie. Celui-ci se voit, avec inquiétude, placé sous la dépendance de Lothaire. En 817, il regroupe autour de lui plusieurs partisans, hostiles aux dispositions de Louis le Pieux, et entre en rébellion. Cependant, il est rapidement défait. Au printemps 818, lors d'un plaid tenu à Aix, il est condamné à mort. Sa peine est cependant commuée en aveuglement. Mais, il décède deux jours plus tard des suites de son supplice.

En 821-822, pour apaiser les esprits et conforter sa position, Louis gracie tous les complices de Bernard d'Italie ; il rappelle auprès de lui les anciens conseillers de son père, notamment ses deux cousins, Wala et Adalard, puis il fait jurer aux grands du royaume de respecter « l'Ordinatio Imperii ». Lors de l'assemblée qui se tient à Attigny en 822, il invite chacun à faire pénitence et lui-même confesse ses péchés, regrettant le supplice de Bernard et l'exil des conseillers de son père. Enfin, il marie ses fils et filles au sein des grandes familles de l'Empire.

L'arrivée d'un quatrième fils : Charles le Chauve

Veuf depuis 818, Louis le Pieux se remarie en 819 avec Judith, fils du comte bavarois Welf Ier (778, †825). Cette jeune femme de 18-20 ans, de toute beauté aux dires de ses contemporains, exerce immédiatement une forte influence sur son époux. En 823, elle donne le jour à un garçon, Charles, futur Charles le Chauve.

Dès lors, Judith n'a de cesse de trouver un royaume pour son fils. Ainsi :

• Lothaire est renvoyé en Italie.
• Elle regroupe autour d'elle des fidèles, notamment Bernard (795, †844), marquis de Septimanie, lequel commande la marche d'Espagne. Il devient conseiller puis chambrier de Louis le Pieux.
• Wala est exilé à Corbie et Bernard reçoit la charge de veiller à l'éducation de Charles.
• Enfin, en 829, lors de l'assemblée générale qui se tient à Worms, alors que le jeune Charles entre dans sa septième année, un royaume lui est attribué, comprenant des territoires en Alémanie, Rhétie, Alsace et une partie de la Bourgogne.

Une nouvelle révolte contre Louis le Pieux

Aussitôt et sans difficulté, Lothaire regroupe autour de lui un ensemble de mécontents : d'une part des ecclésiastiques qui estiment que Louis a trahi « l'Ordinatio Imperii », d'autre part d'anciens conseillers évincés par Judith et Bernard de Septimanie, dont notamment Wala. Une vaste compagne de calomnies est lancée envers Judith et Bernard qui sont accusés d'adultère, de sorcellerie, de tentative d'assassinat sur la personne de Louis.

Les trois frères, sous le prétexte de libérer leur père de l'influence néfaste et dangereuse qu'il subit, lèvent des troupes et se mettent en campagne. Bernard de Septimanie s'enfuit à Barcelone ; Judith est enfermée dans le monastère de Sainte-Croix à Poitiers. Charles est confié à des moines qui doivent l'initier à la vie monacale. Enfin, Louis le Pieux est placé sous la tutelle de Lothaire qui gouverne en son nom.

Louis le Pieux parvient cependant à rallier à sa cause ses deux fils cadets, Pépin et Louis, en leur promettant un agrandissement de leurs territoires respectifs. Celui-ci retrouve la liberté et Judith quitte le monastère où elle a été reléguée. Elle se disculpe des accusations portées contre elle par un serment purgatoire. En échange, Louis le Pieux abandonne « l'Ordinatio Imperii » et partage l'Empire entre ses quatre fils.

Le champ du mensonge

Cependant Lothaire est mécontent de ne plus régner que sur l'Italie. Ses deux frères veulent être eux aussi associés au pouvoir. Les partisans de « l'Ordinatio Imperii » s'estiment floués par ce nouveau partage. Bientôt, une nouvelle coalition dirigée contre l'Empereur Louis se forme. De plus, Lothaire obtient le soutien du pape Grégoire IV. En juin 833, une rencontre militaire a lieu entre Lothaire et ses frères d'une part et Louis le Pieux d'autre part. Elle se déroule en Alsace, près de Sigolsheim, non loin de Colmar, dans un lieu qui gardera le nom de Lügenfeld, le « Champ du mensonge ». Car, alors que le pape tente de concilier tout le monde, Lothaire et ses frères débauchent la plupart des partisans de Louis qui l'abandonnent et passent dans le camp de ses fils.

Isolé, Louis se soumet. Il est destitué en octobre 833 au profit de Lothaire. Puis, il est condamné à une pénitence perpétuelle. En la Basilique Saint-Médard de Soissons, il renonce devant tous à ses pouvoirs, s'accusant de s'être comporté en « violateur des lois divines et humaines » et se retire au couvent de Saint-Médard. Judith est exilée dans un couvent à Tortona en Italie. Charles est relégué à l'abbaye de Prüm.

La fin du règne de Louis le Pieux

La violence de la dégradation subie par Louis le Pieux provoque un revirement d'opinion. De plus, les prétentions excessives de Lothaire qui entend gouverner seul dressent rapidement ses frères contre lui. En février 834, Lothaire doit s'enfuir et Louis le Pieux reprend le pouvoir. En février 835, après que son fils ait imploré son pardon, il est de nouveau intronisé empereur à Metz.

L'Empire est fragilisé. Les querelles se succèdent jusqu'à la fin du règne de Louis qui décède le 20 juin 840 à Ingelheim et est inhumé auprès de sa mère dans l'abbaye Saint-Arnould de Metz. Cependant de lourdes menaces planent sur les frontières de l'Empire. Au nord, les raids vikings se multiplient. Au sud, les Sarrasins menacent et attaquent les Baléares, la Corse et la Sardaigne. A l'est, Slaves et Bulgares s'agitent.

A la mort de son père, Lothaire s'arroge le titre d'empereur et la succession de son père, au titre de « l'Ordinatio Imperii ». 

A la nouvelle de la mort de son père, Lothaire envoya aussitôt des messagers par tout le pays des Francs, pour annoncer qu'il allait venir prendre possession de l'empire qu'on lui avait autrefois donné, promettant qu'il conserverait à chacun les honneurs et bénéfices qu'avait accordés son père, et qu'il voulait même les augmenter. Il ordonna aussi qu'on fit prêter serment de fidélité aux gens dont il doutait, leur enjoignant, en outre de venir à sa rencontre le plus vite qu'ils pourraient, et prononçant la peine de mort contre ceux qui s'y refuseraient. » Histoire des dissensions des fils de Louis le Débonnaire, par Nithard, traduction remacle.org

Pépin étant décédé, ses deux frères survivants Louis et Charles s'allient et battent leur aîné lors de la bataille de Fontenoy-en-Puisaye, le 25 juin 841. Le serment de Strasbourg, prêté en 842, renforce encore leur alliance. En juin 843 ; les trois frères parviennent à un accord quant à la répartition des terres de l'Empire entre eux trois, connu sous le nom de Traité de Verdun.

Bibliographie

• Christian Bonnet, Christine Descatoire, Les Carolingiens (741 – 987), Armand Colin, 2001.
• Yvan Gobry, Louis Ier : Fils de Charlemagne (814-840). Pygmalion, 2012.
• Pierre Riché, Les carolingiens, Une famille qui fit l'Europe, Pluriel
• Geneviève Bûhrer-Thierry, 714-888, L'Europe Carolingienne, Armand Colin
Histoire des dissensions des fils de Louis le Débonnaire, par Nithard.

 

Poursuivez votre lecture avec nos autres articles sur le même thème