Traîneaux et jeux de glisse sous l'Ancien régime

Histoire de France | La France des Lumières

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Les divertissements avaient une grande importance et une grande place à la Cour sous l'Ancien Régime. Parallèlement aux jeux d'argent, de hasard et les soirées de musique, on pratiquait des jeux de glisse : les parties de traîneaux devenaient des promenades sportives et parfois risquées. A l'époque de la Préhistoire, il était utilisé pour transporter de lourdes charges, sur la neige et la glace, en montagne et sur des terrains escarpés. A la Renaissance, il devient un objet de divertissement puisque l'on découvre des scènes d'hiver, des lacs gelés, des pentes enneigées où les personnages peints par Bruegel l'Ancien glissent avec joie. La mode des courses en traîneaux arrivent en France au XVII è siècle. A Versailles, au Grand Siècle et avant la Révolution, les allées gelées et le Grand Canal deviennent des pistes de glisse, imitées à Paris sur l'avenue des Champs-Elysées et le Cours-la-Reine.

 

Le traîneau : un objet d'art

A la base, le traîneau est une caisse en bois, fixée sur deux longs patins munis de plaques de fer. Sur les côtés, les deux anneaux permettent de l'atteler à un cheval. L'intérieur de la caisse est très raffiné, le décor extérieur et les sculptures évoluent en fonction de l'utilisateur. La fabrication, la confection et la garde dépendent des Menus-plaisirs qui organisent les diverses fêtes de la Cour.

Plusieurs couches de peinture transparente sont apposées sur les feuilles d'or, ce qui donne une très grande brillance. L'avant peut être muni de sculptures et de créatures fantastiques comme le traîneau au léopard ressemblant véritablement à l'animal avec la gueule ouverte, les yeux en verre et prêt à bondir ; le siège du cocher est installé sur la queue dressée et une tête de loup décore la proue. Il y a une très grande ressemblance avec le léopard présent à la Ménagerie entre 1730 et 1741.

Le cheval qui tire le traîneau est ferré à crampons, porte un panache à plumes, la crinière et la queue ornées de rubans de soie et le dos recouvert d'un caparaçon réalisé dans une étoffe brodée d'argent ou dans une peau d'animaux sauvages sur les côtés duquel on coud des grelots d'or ou d'argent.

Les cochers étant les seigneurs de la Cour, ils portent des bonnets doublés d'hermine, des redingotes fourrées, leurs pieds installés dans de grands chaussons en cuir de Russie déjà fixés sur les patins. Les passagères, car les dames raffolent de ce divertissement, assises dans la caisse et emmitouflées dans des « casaquins fourrés à la Polonaise », se laissent promener ou conduisent elles-mêmes.

Un divertissement parfois à risques

Très souvent le cocher est un homme ; mais les dames goûtent réellement à ces sorties. En janvier 1685, « la comtesse de Soissons se fait emporter par son cheval, puis se casse le bras et s'est fort blessée à la tête ». Plus tard, comme le rapporte le duc de Croÿ en janvier 1739 « ce fut Mme de Montauban qui mena ; il n'y avait point d'hommes avec ce traîneau, pas même de cocher ». Parmi les filles du roi, Mme Adélaïde rivalise avec son père Louis XV qui aime conduire son traîneau à toute bride, faire la course, se « couper » sans arrêt c'est-à-dire passer à toute vitesse les uns devant les autres, faisant souvent de nombreux blessés, puisque chaque participant veut aller plus vite pour gagner !

Louis XV organisait des parties à dix-sept ou dix-huit traîneaux, avec trois relais pour courir tout l'après-midi. Chaque participant possède un étendard planté dans la crosse des patins. Le Premier Ecuyer du Roi marche en tête pour ouvrir le chemin, puis suivent le Roi, les princes et princesses de sang, enfin les dames et seigneurs de la Cour. Souvent la musique (timbales et trompettes) accompagne l'ensemble sur un grand traîneau tiré par quatre chevaux. La promenade part de la terrasse, descend les allées, contourne le Grand Canal en direction de la Ménagerie, revient par Trianon pour terminer sur le Tapis Vert. Comme ces courses commencent vers 14h et se terminent au coucher du soleil, le roi invitait les courtisans à souper à Trianon. Le retour se faisait en traîneau, au clair de lune, dans des allées silencieuses où l'on entendait uniquement le crissement des patins sur la neige comme en cette nuit de janvier 1732 à deux heures du matin...

Des courses de patins à glace ont également lieu sur le Grand Canal lors de grandes gelées, occasionnant des moments d'amusement à regarder ces figures acrobatiques, car il faut rester debout. Le duc de Croÿ tenté par l'expérience, rapporte qu'en mars 1751 « de bons patineurs faisaient deux fois la longueur du canal qui a huit cent toises en six minutes, ce qui ferait six lieues et un tiers en une heure ! »

A l'hiver 1776, Marie-Antoinette fait sortir des écuries les anciens traîneaux de Louis XV pour remettre aux goûts du jour les parties de glisse de son enfance à Vienne. Ces promenades ne ressemblaient pas aux courses du roi, mais tenaient plus d'une ballade galante « on allait de Versailles à une maison de plaisance, à la Muette, à Meudon...là, on entrait dans un salon, on se chauffait, on causait une heure, on remontait en traîneaux et on retournait à Versailles » selon Mme de Genlis. Rapidement, les médisances allaient bon train « la reine avait couru les rues de Paris en traîneau » et Mme Campan de rajouter « quoiqu'il y ait eu plusieurs hivers favorables à ce genre d'amusement, la reine de voulut plus s'y livrer ».

La destinée des traîneaux

Ce fut la fin des courses de traîneaux après la Révolution. En 1794, la Convention décide « de purifier les Petites Ecuries du cy-devant tyran » : les carrosses sont brûlés en place publique, les traîneaux « représentant des lions, des tigres, des aigles qui sont à l'effigie du caractère de ceux qui s'en servaient » font l'objet d'échanges avec les étrangers. 

Six traîneaux de Versailles sont retrouvés en novembre 1797, parmi les dix-sept figurants dans l'inventaire du Dépôt des Fêtes nationales de la République française. La future impératrice Joséphine fait une dernière sortie en traîneaux en février 1803. Entreposés dans le Dépôt des Menus Plaisirs, ils rejoignent le nouveau musée des Voitures de Trianon, inauguré en 1851.

D'après la Revue du Château de Versailles

 

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