La naissance du futur Louis XVI
En 1754, Louis Ferdinand, 24 ans, dauphin et fils de Louis XV, attend son quatrième enfant. Pourtant l'année avait mal commencé : le 22 février, le duc d'Aquitaine âgé de six mois, meurt de la coqueluche. Un nouveau fils nait le 23 août 1754. L'enfant est immédiatement ondoyé à l'église Notre-Dame de Versailles et rapporté à sa mère. Le roi rentre rapidement de Choisy, découvre un bébé « plus gros et plus grand qu'aucun des enfants de Madame la Dauphine », le contemple, le prénomme Louis Auguste et lui attribut le titre de Duc de Berry, troisième dans l'ordre de succession au trône.
Dès cet instant, le nouveau-né est confié à Madame de Marsan, gouvernante des enfants de France. L'annonce est faite aux souverains d'Europe ainsi qu'au pape, un Te Deum est chanté dans la chapelle du château qui accueille Louis XV et Marie Leszczynska. Après que les cloches aient sonné dans tout Paris, le roi allume de sa main, un feu d'artifice au moyen d'une fusée courante.
Sa santé est très fragile pendant les premiers mois, à tel point que l'on change de nourrice. Sevré à dix huit mois, le médecin conseille une cure d'air pur à Meudon et un traitement contre la variole. Pour ne pas être seul, son frère aîné est autorisé à l'accompagner entre mai et septembre 1756. Madame de Marsan, chargée de leur apprendre la lecture, l'écriture et l'histoire sainte, ne va pas lui offrir son affection : elle préfère le cadet comte de Provence et porte toute son attention sur l'héritier le duc de Bourgogne. Le petit duc de Berry se sent très seul et délaissé. Sa mère s'occupe de l'enseignement de l'histoire religieuse, son père surveille les jeux et leur apprend les langues et la morale. Mais là aussi, les parents portent plus d'intérêt à l'aîné, considéré comme plus intelligent et pieux.
La première jeunesse du duc de Berry
Au printemps 1760, à la suite d'une chute de cheval de l'aîné et bien qu'il n'ait pas atteint les sept ans, Louis Auguste est autorisé à quitter les femmes, à rejoindre son frère alité et à suivre les mêmes études dispensées par l'équipe de Monsieur de La Vauguyon. En novembre, l'état de santé se dégrade rapidement, le duc de Bourgogne est atteint d'une tuberculose pulmonaire et osseuse. Rapidement, il est baptisé, reçoit l'extrême onction le 16 mars 1761 et meurt dans la nuit du 20 mars.
Le jeune duc de Berry n'a heureusement pas vu disparaitre son frère aîné ; il est alité pour cause de grosse fièvre, due certainement à l'angoisse et le désespoir de voir son grand-frère très malade. Il est traumatisé lorsqu'il apprend sa mort. Pire encore lorsqu'on l'installe dans les appartements du duc de Bourgogne disparu ! Il ne peut pas compter sur l'amour de ses parents qui le trouvent taciturne et maussade et qui se tournent vers le comte de Provence. Pour clore le tout, on fait un baptême « groupé» des duc de Berry et comte d'Artois en octobre 1761.
En août 1765, le dauphin Louis Ferdinand contracte une violente fièvre et meurt en décembre ; avant que sa mère ne disparaisse elle aussi en mars 1767 des suites de la tuberculose, Louis Auguste fait en urgence sa confirmation et sa première communion en décembre 1766. En moins de six ans, Louis Auguste qui n'a pas douze ans, a perdu son grand-frère, son père et sa mère.
Un élève studieux et doué
Le duc de La Vauguyon recrute un adjoint supplémentaire pour enseigner la morale et le droit public. Le père Berthier pousse Louis Auguste à penser par lui-même en prônant la méthode du libre examen. Il lui demande de rédiger dix-huit maximes morales et politiques inspirées par l'ouvrage de Fénelon « les aventures de Télémaque ». Le jeune garçon insiste sur le libre commerce, la récompense des citoyens, l'exemple moral que le roi doit pouvoir montrer. La Vauguyon est enchanté, à tel point qu'il laisse le jeune duc imprimer ce travail, lui fournit une presse et les moyens de sortir vingt-cinq exemplaires. Le jeune est si content qu'il en offre un à son grand père, mais ne reçoit pas les félicitations qu'il attendait...Le roi se contente de dire « Monsieur le dauphin, votre ouvrage est fini, rompez la planche ». Il faut quand même souligner que les maximes portaient surtout sur la morale et la vertu.
Malgré cet accueil froid, Louis Auguste se lance dans un second ouvrage « Réflexions sur mes entretiens avec monsieur le duc de La Vauguyon » et y exprime sa vision libérale de la monarchie lorsqu'il écrit que « les rois sont responsables de toutes les injustices qu'ils n'ont pas pu empêcher ».
Bien qu'il soit doué dans tous ces domaines, il est timide et manque de caractère, même s'il est à l'aise en accueillant les historiens et les philosophes à la Cour, faisant parfois preuve d'humour. Son grand père approche des 60 ans et montre enfin quelque intérêt au dauphin, même si celui-ci n'a pas de disposition en matière de politique et de guerre, n'ayant pas assez de connaissances dans ces domaines.
La fin de l'apprentissage
L'abbé Soldini, le prêtre au chevet du roi lors de l'attentat de Damien et qui est en charge de l'instruction religieuse du dauphin, insiste sur les « mauvaises lectures » à éviter et lui conseille de rester bon, franc, ponctuel, ouvert et fidèle à sa future épouse. Cet abbé deviendra d'ailleurs son confesseur lorsqu'il sera Louis XVI. Vers 1770, le roi constate que Louis Auguste, dauphin en titre depuis la mort de son frère aîné en 1761, pourra lui succéder sans régence et pense alors à le marier. Pour perpétuer l'alliance avec les habsbourg, le choix de la cour de France se porte sur Marie-Antoinette d'Autriche, fille de l’empereur François Ier et de l’impératrice Marie-Thérèse.
Le dauphin a presque seize ans maintenant, il est devenu grand et pourvu d'une forte musculature. Il reste timide, affichant un regard sombre et n'osant pas poser les yeux sur son vis-à-vis. Solitaire, il n'a aucun favori ; il parle « haut perché », impressionnant désagréablement ses interlocuteurs. Malgré ses défauts, la Cour le considère comme parfaitement capable de mener sa vie de prince, sans autre règle de conduite que celle qu'il mène. Docile face à ses instructeurs, dans quatre ans, il pourra monter sur le trône, animé par la volonté de mettre en pratique les préceptes inculqués par ses maîtres.
Les premiers pas du règne de Louis XVI
Lorsqu’il monte sur le trône, Louis XVI hérite d’une crise déjà vieille de plusieurs décennies : la crise parlementaire. Les parlements, ces tribunaux d’Ancien Régime, se considèrent en effet, depuis le début du XVIIIème siècle, comme les défenseurs des populations des provinces face aux abus du pouvoir monarchique. En réalité, la position sociale des parlementaires et le mode d’acquisition de leurs charges, qui sont vénales et héréditaires, font que ceux-ci n’ont aucun intérêt commun avec la majeure partie de la population française.
Néanmoins, ils se servent de leur droit de remontrance sur les édits royaux comme d’une arme de contestation, et refusent à plusieurs reprises d’enregistrer les actes législatifs du roi. Pour briser cette opposition, le roi peut procéder à un lit de justice ou, dans les cas les plus extrêmes, exiler le parlement hors de sa ville. Louis XV avait eu plusieurs fois recours à cette mesure et, lors de l’avènement de Louis XVI, le parlement de Paris est exilé depuis qu’il s’est opposé aux réformes du chancelier Maupeou en 1771. L’un des premiers actes politiques de Louis XVI consiste à rappeler le parlement à l’automne 1774.
De fait, Louis XVI contribue à reconstituer une force conservatrice qui s’était toujours accrochée à ses privilèges et avait constamment refusé les réformes pourtant nécessaires proposées par le souverain. Louis XVI est un roi profondément pénétré de l’importance du respect des lois fondamentales du royaume de France et il ne souhaite donc pas aller à l’encontre de cette institution traditionnelle.
Louis XVI et la crise économique et financière
En deux ans, Turgot avait bâti un système de perception d’impôts permettant à la France d’avoir des finances saines et de ne devoir recourir à l’emprunt. Mais cet ensemble va être totalement ruiné par la participation de la France à la guerre d’indépendance des Etats-Unis à partir de 1776. Les tractations diplomatiques de Benjamin Franklin, envoyé par les Insurgents à Paris, avaient finalement entraîné la France dans la guerre contre la Grande-Bretagne. Le ministre des Affaires Étrangères français, Vergennes, espérait ainsi laver l’affront fait à la France en 1763 à la fin de la Guerre de Sept Ans. Si la guerre fut un succès militaire pour les Franco-Américains, elle creusa considérablement le déficit des finances du royaume.
L’homme nommé au poste de ministre des Finances pour tenter de combler ce déficit fut le banquier genevois Necker. Il consentit à contracter un emprunt mais avait bien conscience que cela serait inutile sans une profonde réforme fiscale du royaume. Les expériences nouvelles qu’il tenta de mener déclenchèrent l’hostilité des parlements. Ne pouvant venir à bout de ces oppositions, il publia un Compte rendu au roi où il dévoila au public l’état des finances de l’État. En réalité, ce bilan était faux car il y avait omis les dépenses militaires, les véritables responsables du déficit. En révélant combien coûtaient réellement au pays les ordres privilégiés, Necker s’attira la sympathie du grand public, mais concentra sur lui l’hostilité de la noblesse qui obtint son renvoi en 1781.
Entre-temps, la situation économique du pays s’était considérablement dégradée. L’accord de libre-échange conclut avec la Grande-Bretagne en 1786 était alors en cause : en permettant l’afflux massif en France de marchandises industrielles à bas prix, il avait conduit au chômage des milliers d’ouvriers dans les villes manufacturières françaises. Cette population misérable, de plus en plus nombreuse, inquiétait fortement les autorités royales qui craignirent un embrasement à la moindre étincelle.
La reine et le discrédit jeté sur la Cour
De fait, Louis XVI a été élevé au sein du parti dévot de la Cour de Versailles, ce qui ne le prépara guère à accepter facilement les projets de modernisation que lui proposèrent ses ministres. Il céda d’ailleurs face aux récriminations des privilégiés qui réclamèrent le départ de Turgot en 1776. Cela explique que la plupart des grandes réformes du règne ne purent jamais aboutir ou ne débouchèrent que sur des demi-mesures : les ministres manquèrent toujours du soutien du roi face à l’opposition des nobles ou des parlements.
La personnalité de la reine, Marie-Antoinette d’Autriche, a également eu un rôle important dans cette période. Mariée au dauphin en 1770, elle est la garante de l’alliance entre la France et l’Autriche. Face à cette étrangère subsista toujours une sourde méfiance qui encouragea la propagation de nombreuses rumeurs à son sujet. On moquait également le peu d’empressement de Louis XVI auprès d’elle, et on lui prêta par conséquent une foultitude d’amants ainsi qu’une relation avec la comtesse de Polignac. En réalité, sa spontanéité et son dédain pour l’étiquette rigide de Versailles provoquèrent la réprobation d’une population très attachée au respect des valeurs et des protocoles de la monarchie.
Un coup très rude fut porté au prestige de la Cour en général et de la reine en particulier par l’affaire du collier en 1785. Cette vaste escroquerie montée aux dépens du cardinal de Rohan confirma auprès de l’opinion la réputation de légèreté de mœurs de Marie-Antoinette et ne fit que renforcer l’hostilité à son égard bien qu’elle n’eût, objectivement, aucune part dans l’affaire.
Sortir de l’impasse : les États généraux
Alors que commence l’année 1787, Calonne n’a plus aucun moyen de faire face au déficit. Les nouveaux emprunts levés ne servent qu’à payer les intérêts des emprunts précédents. On évoque alors la possibilité de convoquer les États Généraux, antique institution monarchique dont la fonction est théoriquement de consentir à de nouveaux impôts levés par le roi. Pour éviter ce recours, Calonne créé une assemblée de notables qui remplirait ce rôle. Placer tous les espoirs de relever la situation financière du pays dans une assemblée, même composée de privilégiés, voilà qui constitue déjà une révolution.
Les membres du tiers état, enfin réunis, refusent de s’en aller si le monarque n’accepte pas des réformes. Constitués en Assemblée nationale, ils sont rejoints par des députés du clergé et de la noblesse. Le 20 juin, par le serment du Jeu de paume, ils s’engagent à donner à la France une Constitution. Louis XVI, rétif, ne peut plus faire semblant de les ignorer. La monarchie absolue va s’effacer peu à peu devant la monarchie constitutionnelle.
Louis XVI dans le tumulte de la Révolution française
Par crainte d’un complot aristocratique, le peuple de Paris se soulève : c'est la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789. Louis XVI rentre à Paris le 17, tandis que les premiers aristocrates partent en exil. L’Assemblée nationale vote l’abolition des privilèges dans la nuit du 4 août et proclame la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Louis XVI rechignant à prendre acte de ces changements, la population parisienne va le chercher à Versailles le 6 octobre 1789 et le ramène aux Tuileries. Les constituants poursuivent leur travail et, à la fête de la Fédération, le 14 juillet 1790, le roi et le peuple sont réunis en une bonne entente toute d’apparence. Toujours hostile aux réformes qui vont à l’encontre de ses convictions de monarque, le roi tente de quitter Paris le 20 juin 1791 mais est arrêté à Varennes, puis ramené à Paris. La Constitution est promulguée le 14 septembre 1791. Le pouvoir exécutif revient au désormais roi des Français.
Prisonnier de la Commune insurrectionnelle, le roi est suspendu de ses fonctions et enfermé à la prison du Temple. Le procès de louis XVI s'ouvre le 11 décembre 1792 dans une ambiance houleuse. « Louis Capet » est jugé et déclaré coupable de « conspiration contre la liberté de la Nation ». Ses trois défenseurs ne parviennent pas à le sauver. Condamné à mort sans appel au peuple ni sursis, malgré l’attitude modérée des Girondins, il est exécuté le 21 janvier 1793 à 10 heures du matin, sur la place de la Révolution (place de la Concorde). Il déclare avant sa mort : « Je pardonne aux auteurs de ma mort. Je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne tombe pas sur la France. »
Bibiographie
- Louis XVI, de Jean-Christian Petitfils. Tempus, 2021.
- Louis XVI, l'incompris, de Alexandre Maral. Editions Ouest-France, 2013.
- L'intrigant : Nouvelles révélations sur Louis XVI, d' Aurore Chéry. Flammarion, 2020.