Un musée idéal pour sensibiliser les enfants à la diversité. Et pas seulement...
La nuit venue, le crâne exposé de Descartes (1596-1650) se réveille-t-il pour murmurer à celui de l'homme de Néandertal : - "Cogito ergo sum ('Je pense donc je suis') ! Cogito ergo sum !" ? Ce à quoi notre très très lointain cousin (-250.0000 à 28.000 avt JC), exaspéré du refrain, de répondre par de belliqueuses onomatopées ? Le tigre à dents de sabre sort-il de sa vitrine pour se précipiter sur la sculpture d'éléphant à demi-dévoré posée au rez-de-chaussée ? De quoi peuvent bien débattre la momie chachapoya datant du IXème siècle (découverte dans les Andes péruviennes en 1877) et l'habitant de Montreuil façon totem qui garde l'entrée ?
Trêve de plaisanteries mais, en pénétrant dans ce spacieux musée de 2500m2 riche de mille trésors si différents les uns des autres, il est tentant de songer au film américain 'Une nuit au musée', durant laquelle chaque exposé prend vie. Cette pensée un peu incongrue révèle l'aspect ludique et pas du tout précieux du lieu, idéal pour les enfants et pour les adultes habituellement impressionnés par la pompe de certains bâtiments. Les bambins pourront serrer la main d'un ersatz de chimpanzé, celui d'un homme de Néandertal puis celui d'un homo sapiens (nous tous, êtres humains), histoire de comparer. De sentir les différences. D'être estomaqués par les ressemblances. Ils pourront s'extasier devant des vitrines regroupant le vivant sous toutes ses formes, de l'orang-outang de Bornéo empaillé à cette étrange bestiole qu'est l'ornithorynque.
Pas de panique les parents, pas nécessaire de garder le smartphone ou le Petit Robert en main : des fiches pédagogiques sont mises en évidence pour répondre aux mille questions à venir. Dans des bocaux, le cerveau d'une corneille côtoie celui d'un être humain. Si éloignés. Si proches. Magie de l'anatomie.... (ne pas manquer les masques de cire du XVIIème) Monter dans un car bariolé de Dakar pour voir défiler le paysage. Entrer dans une yourte mongole. Tirer une languette sur une carte géante du monde pour entendre retentir l'une des 7000 langues parlées par 7 milliards d'humains à travers la planète (cela fait relativiser, n'est-ce pas ?) Les expériences, basées sur l'évolution des espèces comme sur celle de nos sociétés humaines à travers le monde, ne manquent pas ici pour les petiots : préparez-vous à une journée bavarde et joyeuse.
Le musée de l'Homme : une institution à la fois populaire, scientifique et engagée
Et ce, dans un contexte de montée de la xénophobie et du fascisme. Présentant les origines et la diversité morphologique et culturelle de l'Homme, il est alors perçu comme le musée le plus moderne du monde. Laissons d'ailleurs, pour définir la philosophie qui guide ce lieu depuis son ouverture, la parole à son concepteur, Paul Rivet : "L'humanité est un tout indivisible, non seulement dans l'espace, mais aussi dans le temps." Le reste, guerres et intolérances comprises, pourrait-on expliciter, n'est que construction mentale et intérêts particuliers des sociétés construites.
Des faits scientifiques, présentés intelligemment pour nous interroger
La grande majorité a fait un bout de chemin puis, a disparu. Néandertal a tenu plus longtemps. Homo Sapiens a gagné et règne désormais seul. Dès lors, il s'est inventé des différences. Ces trois éléments mis côte à côte : pas besoin de grands discours. L'effet est garanti... Que de haines, de morts, d'humiliations, de constructions sociales et de barrières artificielles et destructrices alors que... Voilà sans doute la force de ce musée : il laisse le visiteur penser, il n'impose rien. En somme, Descartes y a vraiment toute sa place. Et sans doute beaucoup, dont certains politiques et religieux créationnistes sur le retour, devraient y faire un saut. Oui, ils devraient. Cela nous épargnerait beaucoup de vents mauvais.
Très belle réussite, donc, que cette réouverture qui a su renouer avec l'esprit de son créateur. Un musée savant et accessible, dans lequel les adultes croient amener leurs enfants pour les éveiller mais, qui en ressortent eux-mêmes réveillés. Très complémentaire, qui plus est, de celui des Arts Premiers, quai Branly, plus axé sur les sociétés à travers le monde et le temps. Finalement, alors que le ciel s'assombrit de nuages lourds, nous avons à portée de main toutes les données et les outils pédagogiques pour combattre le racisme et la bêtise. Qu'attendons-nous ? Car l'arme fatale reste bien, toujours et encore : la Connaissance.
Musée de l'homme. Palais de Chaillot, Trocadéro, Paris.
- Frédéric L'Helgoualch est l'auteur de 'Deci-Delà (puisque rien ne se passe comme prévu)' aux ed. du Net.