Le cimetière du Père-lachaise, lieu de grands noms et d'Histoire sanglante
Dans quel quartier parisien a-t-on les meilleures chances de croiser des célébrités ? À St-Germain-des-près, le littéraire ? Dans l'excentrique Marais ? Au fin fond du bourgeois XVIIème peut-être ? Ou bien dans les lounges cosy proches de la place de l'Etoile ? Que nenni : au cimetière du Père Lachaise, dans le populaire XXème arrondissement de la capitale. Le Tout-Paris s'y côtoie et s'y repose depuis des lustres, attirant jusqu'à 2 millions de visiteurs par an. Certes, s'amuser à trouver la dernière demeure de Chopin (1810-1849), Alfred de Musset (1810-1857), Colette (1873-1954) ou bien Jim Morrisson (1943-1971) est divertissant, émouvant pour ceux qui veulent leur rendre hommage mais, qui se souvient aussi des drames qui se sont déroulés ici ?
Du statut de cimetière sinistre à celui d'ultime snobisme
En cette époque romantique, le coup de com' fut payant. Les citadins vinrent en nombre rendre hommage et ne rêvèrent bientôt plus que de se faire enterrer, le moment venu, auprès de ces génies de la plume et du cœur. Ah, la vanité... En 1830 : déjà 30.000 tombes installées. Le parc s'agrandit, pour atteindre aujourd'hui 44 hectares (et 69.000 tombes). Le cimetière ressemblera bientôt, mi-XIXème, à un véritable Who's Who ? de l'époque. Beaucoup d'hommes politiques viendront s'y reposer, également. Félix Faure (1841-1899), le baron Hausmann (1809-1891)... Leurs enterrements donneront souvent lieu à des démonstrations de force subtiles, en ces temps où les manifestations étaient sévèrement contrôlées.
De véritables chefs-d'œuvre funéraires
Au XIXème, l'égalité face à la mort est devenue une notion très...théorique. Le snobisme naturel de certains aidant, le cimetière se pare de tombeaux, de stèles, de sculptures de bronze, en marbre, en fer forgé absolument magnifiques (d'ailleurs, tous les monuments funéraires datant d'avant 1900 sont classés). Des sommes folles sont dépensées par certains Narcisse pour se construire des demeures éternelles à la hauteur de leur ego.
Ainsi, cette hallucinante colonne d'une vingtaine de mètres contenant les quatre objets préférés du défunt (au nom oublié depuis longtemps). Là, ce disparu représenté en statue chevauchant, conquérant, un fier lion sauvage. Ou encore cet autre en bronze qui lève poing serré vers le ciel, semblant maudire les cieux de ne point l'avoir rendu immortel. Toute l'aristocratie de l'époque, celle de la Restauration, de la Monarchie de Juillet comme celle du Second Empire se côtoie et leurs noms à particule sont encore visibles, aux frontons de leurs fiertés familiales à demi-recouvertes par le lierre. Par ailleurs, on dénombre douze monuments historiques classés : portail et chapelle de Godde, monument aux morts de Bartholomé, Héloïse et Abélard, Molière et La Fontaine, Delille, le Dragon, Mur des Fédérés, Cartellier, O. Wilde, chapelle Georges Guët.
Le cimetière du Père-Lachaise, un lieu de promenade
Un peu plus loin, le gisant du journaliste assassiné Victor Noir (1848-1870). Son entrejambe proéminente est lustrée : une étrange tradition païenne veut que certaines et certains viennent s'y frotter dans l'espoir de retrouver fertilité ou virilité. S'esclaffer de bon cœur. Poursuivre son chemin au hasard dans ce beau jardin, avec pour compagne intime une douce mélancolie bienvenue. Sans savoir ce qui nous attend encore à la croisée de ces chemins mystérieux, dans ce lieu de mort qui, finalement, respire la vie. Et l'Histoire.
- Frédéric L'Helgoualch est l'auteur de 'Deci-Delà (puisque rien ne se passe comme prévu)' aux ed. du Net.
Pour aller plus loin
- Le Cimetière du Père-Lachaise, de Jose de Valverde. Editions Ouest-France, 2017.
- Le Père-Lachaise : Au coeur du Paris des vivants et des morts, de Christian Charlet. Gallimard, 2003.