Vers le « gué des fugitifs »
Pour tous, le chemin du salut passe par le col – nek en afrikaner – qui se trouve entre l'extrémité sud d'Isandlwana et un kop situé un peu plus au sud. Mais cette voie se retrouve coupée : la « corne » droite de l'impi zouloue a contourné la montagne et enfoncé la compagnie du NNH qui tenait le col. Les défenseurs du camp se retrouvent pratiquement encerclés. C'est à cet endroit que la majeure partie d'entre eux sont tués. Durnford tente de contenir la « corne » gauche avec ce qu'il lui reste d'hommes et une unité coloniale, les Carabiniers du Natal, mais il est tué et les Zoulous complètent l'encerclement. Un nombre important de fantassins britanniques se regroupe sur le col autour de la compagnie Pope, mais le carré qu'ils forment finit par être submergé. Pulleine est tué lui aussi, peut-être au milieu d'un autre des petits groupes de soldats qui se forment sur le col.
Malgré cela, le lieutenant Pope et quelques hommes réussissent à percer vers l'arrière. Un peu plus au nord, le capitaine Younghusband et la compagnie C se replient eux aussi vers le nek, s'ouvrant un passage le long de la face orientale d'Isandlwana à coups de fusil. Toutefois, ils finissent par tomber à court de munitions, et les Zoulous leur coupent la route. Ils continuent à se défendre à la baïonnette, leurs ennemis devant même se résoudre à jeter leurs propres morts sur elles pour obliger les soldats à baisser leur garde. Exterminée, la compagnie C n'ira pas plus loin. Dans le camp, la fin de toute résistance organisée laisse place à des scènes de carnage et d'horreur. Obsédés par la nécessité de « laver leur lance » dans le sang, les guerriers zoulous plongent leur fer dans tout ce qui s'y prête : Européens, Africains, blessés, malades, chevaux, bœufs, chiens, rien ni personne ou presque n'est épargné, pas même les jeunes garçons qui servent comme tambours dans l'armée britannique. Les porteurs de l'armée zouloue se joignent à cette orgie de sang, sans doute aussi alimentée par la colère suscitée par les pertes subies pendant les assauts précédents. Conformément à une de leurs coutumes, les Zoulous enfilent les vêtements des hommes qu'ils viennent de tuer. Les réserves de vivres et d'équipement du camp sont également pillées sans restriction.
Pour les défenseurs encore vivants à ce stade, trouver une monture est pratiquement le seul espoir de survie. Ceux qui vont à pied n'ont pratiquement aucune chance. Horace Smith-Dorrien enfourche son cheval, mais se retrouve rapidement entouré de guerriers zoulous. À sa grande surprise, pourtant, ceux-ci se désintéressent complètement de lui. Il apprendra plus tard que les Zoulous ont reçu comme consigne d'ignorer les hommes portant des vêtements noirs, considérés comme des civils. Plusieurs officiers britanniques échappent ainsi à la mort grâce à leur tenue de patrouille. Toutefois, à mesure que les opportunités de « laver sa lance » se font rares sur le champ de bataille, les assaillants se montrent beaucoup moins regardants sur la qualité des hommes qu'ils poursuivent. Comble de malheur pour les fugitifs : leur retraite commence précisément lorsque la « croupe » de l'armée zouloue, encore fraîche, s'abat sur les arrières du camp. Les vétérans des amabutho uThulwana, uDloko, inDluyenge et iNdlondlo – 4 à 5.000 hommes supplémentaires – se joignent à la poursuite. Celle-ci se livre sur un terrain très difficile. Les fuyards doivent traverser le lit particulièrement pierreux d'un torrent asséché, où les attelages des canons de 7 livres se retournent. Les Zoulous s'en emparent après avoir tué servants et chevaux. Ils les traîneront jusqu'à Ulundi – essentiellement comme trophée, car personne au Zoulouland n'est capable de les faire fonctionner. La tâche des survivants est encore compliquée un peu plus loin, par une donga profonde de plusieurs mètres et très difficilement franchissable. C'est non loin de là, après avoir retraité en combattant sur plus d'un kilomètre, que le lieutenant Pope et ses hommes sont finalement stoppés et massacrés jusqu'au dernier.
Bataille d'Isandlwana, 22 janvier 1879, 15 heures. Légende :
A- Durnford est tué au milieu d'un groupe de soldats.
B- La compagnie Younghusband se replie au pied d'Isandlwana, où elle est détruite.
C- Un carré de fantassins britanniques défend la position sur le nek avant d'être enfoncé.
D- Les régiments de la réserve zouloue s'abattent sur les fuyards.
E- Les canons de 7 livres sont renversés et capturés en traversant le lit d'un torrent.
F- Le lieutenant Pope et ses hommes sont rattrapés et tués.
G- Pris au piège en haut d'une falaise, un dernier groupe de soldats britanniques est exterminé par les Zoulous.
H- Les survivants poursuivent leur route vers Fugitive's Drift.
Il est 15 heures 30 environ, et la bataille d'Isandlwana est terminée. Loin vers le sud-est, hors de portée du drame qui vient de se jouer, Chelmsford est rejoint par les cavaliers montés de Russell, qui lui confirment que le camp est attaqué en force. Un peu plus loin, le général et son état-major rencontrent le bataillon du NNC du commandant Hamilton-Browne. Ce dernier lui annonce que le camp a été pris, mais la nouvelle est accueillie avec incrédulité par Chelmsford, qui s'exclame « mais j'ai laissé plus de mille hommes pour garder le camp ! » Une autre unité du NNC, placée à portée visuelle d'Isandlwana, finit par confirmer l'impensable : le camp grouille de Zoulous. C'est seulement alors que Chelmsford accepte la validité des rapports précédents. Il ordonne au reste de ses troupes demeurées sur les rives de la Mangeni de venir le rejoindre de toute urgence... mais de toute manière, il est trop tard. La victoire des Zoulous n'est pas seulement le résultat de leur écrasante supériorité numérique. Elle est aussi le fruit des erreurs de Chelmsford et – si l'analyse de Lock et Quantrill est correcte – des talents de stratège de Ntshingwayo. Les Britanniques sont battus sur toute la ligne.
Les survivants qui réussissent à échapper aux obstacles et aux Zoulous traversent bientôt un petit affluent de la Buffalo, puis un marais avant de franchir la Buffalo proprement dite, à gué. Ce dernier restera connu sous le nom de Fugitive's Drift, « le gué des fuyards ». Horace Smith-Dorrien fait partie de ceux qui l'empruntent. Lorsqu'il y parvient, après cinq kilomètres de chevauchée, il découvre une scène de chaos. Saison humide oblige, la Buffalo est en crue, rendant le passage délicat. Des chevaux sont emportés par le courant jusqu'à un tourbillon, quelques centaines de mètres en aval, dont ils s'épuisent vainement à tenter de s'extraire. Smith-Dorrien est finalement rattrapé par ses poursuivants, qui tuent son cheval et les deux blessés qu'il avait rejoints. Il se jette à l'eau et traverse tant bien que mal la rivière en s'agrippant à la queue d'un cheval. Sur l'autre rive, il reçoit l'aide de soldats du NNC, mais n'est pas au bout de ses peines. Lancés à la poursuite des fuyards, les régiments de la « croupe » zouloue traversent en masse la Buffalo à un autre gué, un peu plus en amont. Smith-Dorrien doit reprendre sa fuite et se voit encore poursuivi sur plusieurs kilomètres. Il arrive au crépuscule à Helpmekaar, à presque vingt kilomètres à vol d'oiseau de Fugitive's Drift, où il retrouve quelques autres survivants d'Isandlwana.
Au même moment, la colonne Chelmsford atteint enfin le camp. Il n'y a plus de Zoulous à en chasser, et rien ni personne à sauver dans les décombres. L'armée zouloue s'est retirée, emmenant une partie de ses morts avec elle, et ne laissant aux hommes de Chelmsford que les cadavres mutilés de leurs camarades. Parmi les quelques 1.800 défenseurs du camp, comprenant approximativement une moitié de réguliers et coloniaux, et une moitié d'indigènes, 858 Européens et 471 Africains ont été tués – 1.329 morts au total, sans compter les civils, qui n'ont pas tous échappé au massacre. L'immense majorité des survivants sont des soldats du NNC qui ont quitté le camp au début de la bataille. Parmi ceux qui sont restés, la plupart des rescapés sont des coloniaux montés, des officiers à cheval, ou des cavaliers du NNH. Les chances d'un simple fantassin du 24ème régiment d'en réchapper étaient pratiquement nulles. Chelmsford, lui, voit ses pires cauchemars devenir réalité. Son invasion du Zoulouland vient de subir un terrible coup d'arrêt, et les Zoulous sont entrés en force au Natal. La lueur rouge de l'incendie qu'il peut distinguer, dans la nuit, en direction de Rorke's Drift, ne laisse aucun doute : le poste a certainement été attaqué et submergé lui aussi. Après quelques heures d'un bivouac sordide, Chelmsford emmène les restes de son armée vers Rorke's Drift. Les Britanniques ne reviendront pas à Isandlwana avant la fin du mois de mai. Après quatre mois d'expositions aux éléments et aux charognards, la plupart des corps seront alors impossibles à identifier, d'où l'incertitude planant, par exemple, sur le sort exact de Pulleine. En raison de la dureté du sol, ils seront alors placés dans des fosses peu profondes et enterrés sous des pierres. Blanchis à la chaux des années plus tard, ces cairns marquent encore aujourd'hui le champ de bataille d'Isandlwana.
Revanche à Rorke's Drift
Peu après 15 heures, un officier du NNC et un soldat des Carabiniers du Natal arrivent à Rorke's Drift, où ils annoncent la prise du camp d'Isandlwana – et l'arrivée, en force et imminente, des Zoulous. Le poste est placé sous le commandement d'un lieutenant du génie, John Chard, mais la principale unité à le défendre est la compagnie B du II/24ème, aux ordres du lieutenant Gonville Bromhead. Le matin même, avant de quitter la mission pour Isandlwana, le colonel Durnford a laissé à Rorke's Drift une compagnie du NNC, celle du capitaine Stevenson ; celui-ci n'étant qu'un officier colonial, il n'a pas préséance sur les lieutenants de l'armée régulière britannique. Dans la mesure où un repli vers Helpmekaar exposerait la garnison à être facilement rattrapée – à cause des blessés et des malades de l'hôpital – et anéantie, la défense du poste apparaît rapidement comme la seule option envisageable. La mission est alors fortifiée à la hâte : un périmètre défensif est constitué, englobant les deux bâtiments principaux – la maison, faisant office d'hôpital, et la chapelle transformée en entrepôt – et un petit enclos à bestiaux, un espace d'environ 100 mètres sur 25. Un empilement de sacs de maïs, sur une hauteur d'un mètre vingt, fait office de rempart tout autour du fortin improvisé.
Ces travaux sont en cours lorsqu'une compagnie du NNH, échappée précocement d'Isandlwana, arrive à son tour à Rorke's Drift. La garnison s'en trouve portée à environ 400 hommes, ce qui est suffisant pour garder les quelques 250 mètres du périmètre défensif. L'infanterie britannique et les hommes du NNC qui disposent d'un fusil se postent le long du rempart de sacs, tandis que les autres sont disposés à l'extérieur, dans un enclos sommaire établi à quelques mètres au nord de la mission. Quant aux cavaliers, ils vont se déployer au-delà de l'Oskarberg (nommé ainsi par Witt, le missionnaire suédois installé à Rorke's Drift), la montagne au pied de laquelle le poste est établi, pour constituer une avant-garde. Les régiments zoulous ne tardent pas à approcher par le sud-est. Les hommes du NNH, qui n'ont probablement pas plus de munitions qu'ils n'en avaient en quittant Isandlwana et en ont assez vu, se retirent alors aussitôt. La compagnie du NNC échappe au contrôle de ses cadres et les imite, suivis aussitôt après par Stevenson et plusieurs de ses sous-officiers. Furieux de les voir abandonner le poste et ses occupants à leur sort, des soldats britanniques leur tirent dessus et tuent l'un d'entre eux. Ces événements ne laissent à Rorke's Drift que 150 hommes, dont 20 sont alités à l'hôpital. Chard et Bromhead laissent dix hommes valides à l'intérieur du bâtiment, dont les murs ont été hâtivement percés de meurtrières, et le reste de leur force garnit le périmètre. Craignant de ne pouvoir le tenir, les officiers font aménager une barricade avec des caisses de biscuit militaire, qui le divise en deux à la hauteur de l'entrepôt. Elle servira de position de repli.
La bataille de Rorke's Drift, 22-23 janvier 1879 (South African Military History Society). Légende :
A- La compagnie du NNC quitte l'enclos extérieur et s'enfuit à l'approche des Zoulous.
B- Une première série d'attaques zouloues est repoussées.
C- Un second assaut met en péril le coin occidental du périmètre défensif.
D- Les Britanniques raccourcissent leurs défenses pendant qu'ont lieu les combats pour l'hôpital.
E- L'hôpital est évacué et les défenseurs se replient sur la barricade de caisses.
F- Le soir, une troisième série d'attaques chasse les Britanniques de l'enclos intérieur.
G- Une contre-attaque nocturne permet aux défenseurs de reprendre le chariot contenant leur eau.
Les raisons de l'attaque contre Rorke's Drift restent obscures. Il est généralement admis qu'elle n'était pas préméditée, Cetshwayo ayant interdit à ses troupes de pénétrer au Natal. Un des fils de Sihayo, qui était alors inDuna dans le régiment inGobamakhosi, a affirmé par la suite que cette action était délibérée, Cetshwayo ayant en réalité prévu une invasion – ou plutôt un raid à grande échelle – contre le Natal. Il est certain que les régiments de la « croupe » n'ont pas traversé la Buffalo intégralement en étant simplement emportés par leur élan à la poursuite des survivants d'Isandlwana, et encore moins lancé trois séries d'assauts coordonnés contre Rorke's Drift sans que leurs chefs ne les aient dirigés. La question de savoir s'ils ont agi de leur propre initiative, ou sur un ordre direct – éventuellement mal compris – de Ntshingwayo, demeure en suspens. L'homme qui était le plus à même de la trancher, Ntshingwayo lui-même, n'aura jamais l'occasion de le faire, puisqu'il sera tué en 1883 en tentant de protéger Cetshwayo d'une tentative d'assassinat. Le roi zoulou, pour sa part, niera toujours avoir ordonné une invasion du Natal. L'hypothèse d'une initiative des izinDuna de la « croupe », frustrés de victoire et de butin en n'ayant pas pris part à la bataille d'Isandlwana, demeure crédible.
Toujours est-il qu'à 16 heures 20, les Zoulous dévalent les pentes de l'Oskarberg et assaillent la mission. La première attaque, menée directement par le sud-est, est gênée par un fossé d'irrigation situé à quelques mètres en avant de la position britannique. Dans la mesure où elle porte sur la portion du périmètre où le rempart est le plus court – une trentaine de mètres – et s'appuie sur les deux bâtiments, le feu concentré des défenseurs cause de lourdes pertes aux assaillants. Des guerriers zoulous parviennent malgré tout à s'approcher jusqu'au pied des bâtiments, d'où ils tentent d'agripper les fusils qui sortent des meurtrières. Après une série de tentatives infructueuses, les Zoulous changent de stratégie : ils contournent la position pour l'attaquer par le nord-ouest. Leur tâche n'est pas plus aisée, car l'approche est compliquée par les restes d'un mur, haut d'un mètre cinquante environ. Celui-ci est davantage un obstacle qu'une protection par les assaillants, car la position tenue par les Britanniques est elle-même surélevée d'autant par un petit affleurement rocheux. Malgré tout, les Zoulous concentrent leurs attaques sur le coin ouest du périmètre, avec succès. Les défenseurs sont obligés de se replier sur une position intermédiaire, aménagée à la hâte avec d'autres sacs de maïs, environ 25 mètres en arrière.
Ce mouvement raccourcit leur ligne, mais expose du même coup l'hôpital, dont la devanture n'est pas défendue. Malgré le feu des Britanniques, les Zoulous parviennent à y entrer, et ses défenseurs commencent à l'évacuer en emmenant avec eux les malades. Leur tâche est rendue délicate par le fait que certaines chambres ne s'ouvrent que vers l'extérieur et ne communiquent pas avec les autres pièces. L'un des défenseurs est contraint d'ouvrir des passages à travers les cloisons de briques séchées pendant que les autres défendent portes et fenêtres. Le toit de l'édifice prend feu, accroissant encore le caractère désespéré du combat. Finalement, vingt-deux hommes sur trente réussissent à en sortir vivants. Dans le même temps, la situation des soldats de Chard commence à devenir sérieuse. Grimpant sur leurs propres morts pour atteindre le rempart, les Zoulous arrivent à portée de lance des défenseurs et engagent le corps à corps comme ils le peuvent. Les Britanniques gardent l'avantage grâce à leur position favorable, mais dans leur dos, des tireurs zoulous se sont postés sur l'Oskarberg et leur tirent dessus ; cinq défenseurs sont tués par balle. Ils se replient finalement sur la barricade de caisses. Ce nouveau raccourcissement du périmètre défensif leur permet de repousser les assauts zoulous et de s'abriter de leurs balles derrière le haut toit de l'entrepôt, mais il les oblige aussi à abandonner le chariot qui contient leur réserve d'eau. La tombée de la nuit ne réduit pas le rythme des assauts. S'ils abandonnent l'idée d'enlever la position britannique par l'ouest, les Zoulous n'en lancent pas moins une troisième série d'attaques, par le nord-est. L'enclos à bestiaux est particulièrement visé et vers 22 heures, les Britanniques doivent se résoudre à l'abandonner. Les Zoulous, toutefois, n'iront pas plus loin. À minuit, leurs attaques ont suffisamment faibli pour que Bromhead mène une contre-attaque victorieuse pour récupérer le chariot et sa précieuse eau. La bataille n'est toutefois pas encore terminée, les Zoulous continuant à harceler le poste. La dernière attaque a lieu à deux heures du matin ; après cela, les assiégeants se contentent, pendant deux autres heures, de tirer au jugé sur les défenseurs, avant de se retirer.
À 5 heures du matin, Bromhead se hasarde à envoyer des patrouilles en dehors de son fortin improvisé. Celles-ci ne trouvent que des morts et des blessés mais vers 7 heures, les Zoulous reparaissent sur le sommet de l'Oskarberg. Rorke's Drift se prépare à recevoir leur assaut dans une situation critique : seize hommes ont été tués ou mortellement blessés, quinze sont sérieusement touchés, et la centaine d'hommes encore valides, abstraction faite des malades évacués de l'hôpital, souffrent pour beaucoup de blessures légères. Les hommes n'ont pas dormi de la nuit, sont confinés dans un espace n'excédant pas 25 mètres sur 30 dans ses plus grandes dimensions mais par-dessus tout, ils ont épuisé la quasi-totalité des 20.000 cartouches en stock à Rorke's Drift : il ne leur en reste que 900 en tout. Toutefois, l'ultime assaut n'a pas lieu : les Zoulous s'assoient et se contentent d'observer le champ de bataille en prisant du tabac. Ils se retirent pour de bon peu après. Lorsqu'une nouvelle alerte est donnée à 8 heures, il s'avère rapidement que les troupes qui approchent par le nord sont celles de Chelmsford. Pour les Britanniques, ce 23 janvier 1879 permet d'étancher leur soif de vengeance. Après avoir compté plus de 350 cadavres zoulous autour de la mission, ils ratissent les environs et achèvent impitoyablement les blessés qu'ils trouvent, en jetant même quelques-uns encore vivants dans les fosses où ils enterrent leurs camarades tués. Un échafaudage que Smith-Dorrien avait fait installer pour accélérer le chargement des chariots sert de gibet pour pendre des prisonniers zoulous – des exécutions sommaires que l'officier caractérisera comme des « lynchages » dans ses mémoires. Les hommes de Chelmsford, qui ont vu certains de leurs camarades suspendus à des crocs de boucher à Isandlwana, poursuivent leurs exactions pendant plusieurs jours avant d'être repris en main par leurs officiers.
Les 24 heures qui viennent de s'achever vont ébranler l'Empire britannique. La nouvelle du désastre d'Isandlwana parvient à Londres début février. Le cabinet Disraeli se retrouve rapidement contraint de poursuivre la guerre jusqu'à un terme victorieux. Premièrement, l'honneur de la nation exige d'être lavé – fût-ce dans le sang des Zoulous. Deuxièmement, l'aveu d'une défaite face à une nation indigène impacterait tout le reste de la politique coloniale britannique. Troisièmement, les élections législatives de 1880 approchent, et Disraeli tient, naturellement, à conserver le pouvoir.