Contexte de la bataille de Strasbourg
En 357, le jeune Julien, nommé César en Gaule par son cousin Constance II depuis deux ans, lutte contre les Alamans sur la frontière rhénane afin de rendre la tranquillité aux terres de l'Empire. En effet, les Alamans occupaient plusieurs villes et éléments fortifiés en terre d'Empire car Constance, dans sa lutte contre l'usurpateur Magnence, avait suscité contre son rival une attaque des barbares sur ses arrières pour l'affaiblir. Une fois la victoire acquise, (victoire de Mursa en 351), l'empereur n'avait néanmoins pas réglé la situation aux frontières où les Alamans se maintenaient encore fermement. Lui-même pressé par les mouvements des Perses Sassanides, chargea donc son cousin de libérer le Rhin de la menace barbare.
Or, extrêmement prudent avec les puissances concurrentes, Constance avait placé autour du nouvel empereur, toute une foule d'hommes à lui afin de contrôler ce potentiel dissident. Julien opère malgré tout avec audace et clairvoyance et en quelques années parvient a redresser la situation. Mais la menace alamanique n'était pas brisée par les opérations de Julien. Ainsi, l'armée du général Barbation subit elle un échec cuisant, surprise et mise en déroute par les barbares.
Julien l'Apostat face à une flambée de violence
Informés du petit nombre des troupes de Julien (environ treize mille hommes) par un transfuge des Scutaires de l'armée défaite de Barbation, les barbares pensaient à une opération facile, puisqu'ils étaient probablement une trentaine de milliers. Néanmoins le César se résolu à livrer bataille et faisant sortir son armée du camps, il se met en marche vers le retranchement barbare. Il rassemble son armée arrivé à proximité de l'ennemi et harangue vigoureusement ses hommes, qui portés par ses paroles et fiers de la présence d'un empereur parmi eux, commencèrent un véritable vacarme où se mêlait cris et fracas des armes sur les boucliers.
Cette attitude est typique de celle des combattants romains de l'époque, qui d'une manière proche des barbares, expriment leur ardeur guerrière par une démonstration de violence brutale. En cela, le rôle tutélaire du chef quasi miraculeux qu'est l'empereur victorieux, accentue de manière très nette leur combativité. Face à cela, les officiers supérieurs de l'armée étaient également favorable à un engagement car une fois l'ennemi dispersé en une multitude d'unités qui battent la campagne en pillant, les opérations devenaient un cauchemar tant tactique que logistique et en plus portait la terreur parmi les populations civiles.
La confiance des Romains était également accrue par les opérations que Julien avait fait mener sur les terres mêmes des barbares, au delà du Rhin, et où ils n'avaient pas rencontré la moindre opposition, car les ennemis s'étaient retiré sans combattre. De leur point de vue, ils allaient affronter des lâches qui n'avaient pas accepté de défendre leurs terres.
Mise en place des armées
L'armée romaine s'établit alors sur une colline en pente douce, à une très courte distance du Rhin. Un éclaireur alamans tomba alors entre les mains des soldats et révéla que les barbares avaient passé le fleuve durant trois jours et trois nuits et approchaient de leur position. Les troupes virent peu après les guerriers barbares se répandre dans la plaine et former le coin ; un dispositif d'attaque avec un front restreint visant à briser dans une charge impétueuse les lignes ennemis. La réaction romaine ne se fit guère attendre, et les soldats formèrent alors « un mur impossible à détruire » (Ammien Marcellin, XVI, 12, 20). Les boucliers romains de l'époque sont avant tout circulaires et offrent une protection que l'on rapproche souvent de celle des boucliers grecs.
Face à la cavalerie romaine de l'aile droite, les barbares placèrent à gauche leurs propres cavaliers, mêlés à des troupes légères, selon une tactique germanique ancienne. Sur leur droite, et à la faveur d'un bois, ils firent avancer quelques milliers de combattants afin de prendre en embuscades les Romains. A la tête des troupes, les rois étaient prêts à donner l'exemple. Chnodomaire, l'âme de cette coalition en particulier, décrit par Ammien comme un formidable guerrier aux muscles puissants. Sérapion, commandait l'aile droite. Son nom venait du fait que son père, retenu comme otage en Gaule, avait été initié aux mystère des religions orientales.
Du coté romain, l'aile gauche, commandée par Sévérus, stoppa sur son ordre sa progression car il pressentait l'embuscade barbare. Julien, lui, avec ses deux cents cavaliers d'élite, parcourait les rangs en encourageant ses hommes, tout en essayant, comme le précise Ammien, de ne pas paraître rechercher trop d'honneur, car Constance l'avait placé sous une étroite surveillance. Il rangeait au mieux ses hommes et lançait de grandes exclamations faisant appel à leur fierté de combattants.
Ces troupes se recrutaient en grande partie dans le monde barbare, mais leur ardeur combative et leur fidélité à l'Empire romain sont a souligner. Ce sont des unités très fiables, que l'on retrouve sur tous les théâtres d'opération. Elles sont parfois d'une telle ardeur qu'elles en deviennent difficilement contrôlables. Il ne faut pas de toute façon et à toute époque, se représenter les soldats romains comme faisant toujours preuve d'une discipline impeccable ; les Romains laissaient une part importante de liberté à leurs hommes pour des actions d'éclat, dès lors où cela profitait à tous. Des récompenses honorifiques étaient d'ailleurs prévues à cet effet.
Le choc de la bataille de Strasbourg
Alors que Julien fortifiait son dispositif, des clameurs d'indignations montaient de l'armée barbare. Les troupes redoutaient en effet que les chefs, montés sur des chevaux, ne profitent de cet avantage pour les abandonner à leur sort en cas de défaite. Les rois sautèrent donc de leur monture pour prendre place auprès de leurs hommes afin d'en fortifier le courage. Les trompettes lancèrent alors le signal du combat. Le choc violent des armée se fit dans une cacophonie extrême. La ligne romaine résistait opiniâtrement, opposant sa cohérence à le frénésie barbare. Par contre, à droite, les cavaliers romains rompirent le combat face aux cavaliers et tirailleurs barbares.
Julien se porta alors au devant de cette déroute et rallia les hommes qui reprirent alors leur place dans le dispositif. Cornutes et Bracchiates firent également preuve de leur grande valeur et impressionnaient l'ennemi par leur courage et leur vaillance indomptable. Au paroxysme de la bataille, les Alamans parvinrent à rompre la ligne romaine en son centre. Mais la seconde ligne romaine intervint alors ; la légion primani reges et les Bataves se portèrent alors en soutient et repoussèrent le danger. Ammien, décrivant la bataille présente les Alamans comme des égaux des Romains dans la guerre, peut être pour grandir l'exploit de Julien, mais sans doute aussi par respect de la valeur combative des barbares, qui, rappelons-le, peuplaient également dans une proportion non négligeable, l'armée romaine (sans allez non plus jusqu’à l'excès inverse, voyant cette armée presque entièrement barbarisée ce qui est faux).
La déroute des barbares
La bataille, violente, se poursuivit ainsi dans un quasi statu quo où pourtant les barbares mourraient en plus grand nombre ; mieux protégés, plus professionnels, les Romains contenaient en effet les assauts de leurs ennemis à tel point qu'ils finissent par se débander en prirent la fuite, poursuivis par les unités légères romaines. Le carnage est alors grand et les barbares terrifiés fuient en grand nombre à la nage dans le Rhin où beaucoup se noient. Dans le même temps, fuyant le désastre, Chnodomaire s'était soustrait au combat avec quelques guerriers, et tentait de se dissimuler sur une colline boisée quand il fut rejoint par une cohorte romaine. Encerclé, il se rendit.
Les chiffres ici disponibles sont d'ailleurs proche de ceux d'une autre bataille célèbre ; celle de Marathon, où les Athéniens avaient justement eux aussi compté les morts, puisqu'ils souhaitaient effectuer un sacrifice pour chaque Perse tombé au combat. Lors de cette bataille, 192 Grecs sont en effet tombés contre près de 6400 Perses.
Épilogue de la bataille de Strasbourg
A la suite de cette bataille, Chnodomaire est envoyé en otage à Rome où il demeure jusqu'à sa mort. Julien, lui, ne laisse pas son avantage se perdre et en profite pour effectuer des offensives sanglantes sur le territoire des barbares et stabiliser durablement la frontière. La bataille de Strasbourg est en tout cas un élément permettant de mesurer la valeur tactique du jeune Julien ainsi que son aptitude à transcender les hommes. Son épopée est en tout cas significative et jamais il ne sera vaincu en bataille rangée. Ses hommes le suivront jusque dans les sables brûlant de Perse alors qu'ils refusaient d'aller y rejoindre Constance II.
Auréolé du prestige de la victoire, Julien était devenu un empereur victorieux, donc béni de la Fortune, appelé à s'affranchir d'une tutelle oppressante, maintenant que ses hommes lui étaient entièrement acquis.
Bibliographie
- Philippe Richardot, La fin de l'armée romaine. Economica, 3e édition, 2005.
- Pierre Cosme, L'armée romaine. Armand Colin, 2007.
- Julien dit l'Apostat, de Lucien Jerphagnon. Tallandier, 2008.